2013-10-15 15:13:30

Les cloches à toute volée contre la corruption aux Philippines


L’Eglise philippine se mobilise dans la lutte contre la corruption dans le pays. Tous les vendredis désormais, les cloches de nombreuses églises chrétiennes de tous les Diocèses des Philippines sonneront pour manifester leur rejet de la corruption. L’Eglise avait déjà pris position officiellement dans le cadre d’une imposante manifestation au mois d’août à Manille. Les cloches des églises chrétiennes de toutes les Philippines ont sonné le 11 octobre contre la corruption qui gangrène l'administration du pays. L'initiative, qui rencontre un grand succès, se poursuivra tous les vendredis à la même heure.

L'appel a résonné en particulier dans le cadre du débat sur le "fonds prioritaire pour l’assistance au développement", le "Pork Barrel" (le tonneau de porc). Les Philippins désignent sous ce sobriquet une initiative du Congrès allouant une somme de manière discrétionnaire aux élus du Congrès pour leur permettre de financer des projets de développement. Un audit publié en août dernier a montré que six milliards de pesos avaient été détournés entre 2007 et 2009 à des fins électoralistes, personnelles, voire mafieuses.

Un fort mouvement de protestation s'est formé, ces derniers jours, contre le gouvernement de Benigno Aquino jr, après que ce dernier a refusé d’abolir la contribution.


Pour David Camroux, maitre de conférence à Sciences Po Paris, l’Eglise garde une influence sur le gouvernement d’Aquino RealAudioMP3

« L’Église a toujours un poids dans la vie politique des Philippines. Par exemple, c’est l’action du cardinal de Manille. En 86, le Cardinal Sin a mis l’Église a côté des manifestants et a amené à la chute du dictateur Ferdinand Marcos. Mais l’Église a une importance capitale dans la vie politique du pays. Mais aujourd’hui cette influence est peut-être moindre. Premièrement le nombre de catholiques a diminué. Au lieu d’être 90% de la population, aujourd’hui c’est 85%. Et avec l’impact des Églises évangéliques, protestantes et des sectes. Et deuxièmement on a vu plus récemment par exemple sur les questions de contraception que le président actuel, Benigno Aquino, qui est justement le fils de l’ancienne présidente Cory Aquino, défiait l’Église sur cette question. Donc si l’Église se trouve à coté des manifestants sur ce sujet, il peut peser mais pas seul, en alliance avec d’autres forces de la société civile ».

Le pouvoir est plus susceptible d’écouter la rue si l’Église est à côté des manifestants ?

« Tout à fait. En fait, le pouvoir est sensible à ces questions. Benigno Aquino, l’actuel président a été élu justement sur l’image de sa mère qu’on appelle aux Philippines « la Sainte Cory », qui est une femme d’une grande intégrité. Et donc il bénéficie de cette image avec un plafond justement d’une lutte contre la corruption. Donc il est sensible à cette question. Le problème est plutôt structurel et dans la culture politique du pays. C’est structurel dans la mesure où nous avons, pour simplifier, une société qui en quelque sorte reste féodale, qui fonctionne sur les systèmes de patronage, néo-patrimoniale et c’est une réalité extrêmement enracinée dans ce pays qui avant la colonisation espagnole n’avais justement pas de structure étatique.
Et donc les chefs des villages, des banlieues- qu’on appelle en philippin les « bangai »- restent des acteurs importants. Il y a un lien très étroit entre la politique et l’économie. 70% des membres du congrès philippin viennent d’une dynastie politique. Nous avons un système clanique, féodal, néo-patrimonial qui demande des ressources considérables pour être élu. Et c’est justement ces campagnes et la façon de rester au pouvoir qui est une des sources principales de corruption de ce pays. »








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