En Méditerranée , le flot d’embarcations remplies d’immigrés qui se dirigent vers
les côtes italiennes continue de façon ininterrompue . Rien que dans la nuit de lundi
à mardi, la Marine Militaire et les garde-côtes ont sauvé plus ou moins 300 personnes.
Pendant ce temps se dessine le bilan du dernier naufrage, celui de vendredi dernier,
que les autorités maltaises estiment entre 50 et 200 victimes. À Lampedusa, entretemps,
Don Stefano Nastasi quitte sa paroisse. Il a été le témoin direct durant ces dernières
années des évènements qui ont porté l’île au centre de nombreux drames d’immigrés.
Le prêtre a confiè à notre consoeur Antonella Palermo les sentiments avec lesquels
il s’apprête à quitter sa communauté paroissiale.
Il y a sûrement un peu
d’amertume car je comprends que le moment est peut-être le moins opportun mais comme
il m’a été demandé il y a vingt ans de venir au service de cette communauté, aujourd'hui
il m’a été demandé de servir une autre communauté. C’est avec la même disponibilité
que j’ai donné ma disponibilité de collaboration à l’évêque .
D- comment
avez-vous quitté les habitants de Lampedusa ?
R- Je leur ai dit que,
plus que les emmener dans mon cœur, je leur laisse un morceau de cœur car je sais
la valeur et le poids de la solitude et- à certains égards-également de l’isolement
de l’île au quotidien. Il y a deux paroles essentielles qui m’accompagnent un peu
en ce moment de départ : compassion et indignation au même moment. La compassion que
je retire d’images, de gestes que nous avons vécus ensemble avec la Communauté pendant
ces années, ce fait de souffrir, le fait de se tenir à côté de l’autre. S'il y a une
chose que toute cette expérience ensemble nous a laissée, nous a enseignée c’est le
fait que nous avons pu mieux regarder les fragilités internes de la Communauté en
accueillant et en accompagnant les fragilités du migrant ou des migrants. Il
y a, au même moment, tant d’indignation dans ces réalités de profondes douleurs, comme
celles que nous avons vues les jours précédents, nous sommes convaincus qu’elles n’auraient
pas dues se produire. Tant de paroles, tant de promesses, tant de visites ont été
faites sur cette île mais en réalité, rien ou presque rien n’a changé, pas seulement
à propos de la question de l’immigration mais aussi à propos de la vie quotidienne
de l’île. Si au contraire nous procédons par ordre en donnant des réponses à des problèmes
singuliers, alors peut-être que oui, cela peut être un tournant. J’espère qu’il en
sera ainsi pour l’île.
D.- Vous avez eu la possibilité de rencontrer
l’aumônier du Pape François qui a justement été envoyé par le Saint Siège sur l’ile
pour exprimer la solidarité du Pontife et de toute l’Église. Pouvez-vous brièvement
nous raconter cette rencontre ?
R.- Oui, pour nous cela a été comme
un baume de consolation car il était à nos côtés. Il a observé, il a prié avec nous,
il a accompagné les plongeurs au moment de la récupération des dépouilles en mer.
C’était un très beau témoignage. La première soirée, durant la célébration avec la
communauté, il nous a dit : « Le désir du Pape est que ses bras soient prolongés par
ma présence. » Et lorsqu’il est reparti, je lui ai dit « Dites au Pape que nous n’avons
pas seulement senti ses mains, ses bras. Nous avons aussi senti son cœur à côté du
notre. Et, dans ces moments d’atroces souffrances je pense que ceci est fondamental
pour reprendre le chemin.»