La rencontre internationale pour la paix de la communauté Sant’Egidio a fait la part
belle aux relations entre les chrétiens et les musulmans. Il faut dire que le Proche-Orient,
principale région de coexistence entre fidèles des deux grandes religions du Livre,
est un foyer d’instabilité et de violences. Il suffit de penser à la guerre qui déchire
depuis deux ans et demi la Syrie, ou l’Egypte, régulièrement théâtre de violences
anti-coptes. Sans parler de l’Irak où les chrétiens sont la cible des terroristes
islamistes d’Al Qaïda.
Il était donc normal d’aborder le dialogue interreligieux,
et plus précisément celui entre les diverses Eglises chrétiennes et les musulmans.
Mahmoud Azab, responsable du dialogue interreligieux à l’université Al Azhar au Caire,
revient au micro de Xavier Sartre sur la situation qui prévaut dans son pays, l’Egypte,
sur les relations entre musulmans et coptes, sur la place des coptes dans la société
égyptienne et sur le futur du pays.
Ecoutez Mahmoud Azab, responsable du
dialogue interreligieux d'Al Azhar
Je
participe à beaucoup de forums qui préparent l’Égypte pour l’avenir. Je vois exactement
la moitié dans toutes les délégations. Les coptes sont très présents . Les chrétiens,
tous. Les grands intellectuels sont très présents et là en général leur voix est très
claire. Nous sommes tout à fait d’accord avec la citoyenneté. Il faut respecter et
se baser sur la citoyenneté. Coptes ou musulmans, nous sommes des citoyens égyptiens,
tous pareil : « égalité devant la loi ». En plus, Al Ahar a créé la maison de la famille
égyptienne, le projet de l’imam d’Al Azhar pour protéger l’Égypte unie . Musulmans
et chrétiens se rassemblent avec Al Azhar, l’Église copte orthodoxe et les trois
autres Églises avec leurs chefs et beaucoup de musulmans et chrétiens hors du clergé.
Et-je le répète- ils ont fait des efforts avec deux objectifs. Le premier : diffuser
un discours qui se concentre sur les grandes valeurs musulmanes et chrétiennes , l’islam
et le christianisme et les particularités de l’Égypte, un pays de paix depuis des
siècles et des millénaires. Et étudions ensemble les problèmes sur les malentendus
islamo-chrétiens , les vraies raisons. On démasque souvent des problèmes qui étaient
très souvent politiques mais qui étaient cachés. On travaille jour et nuit. Et même
pour la Constitution, il y a une délégation d’Al Azhar, une délégation de l’Église
. Elles se réunissent très souvent avant d’aller discuter avec tous les autres, avec
les 50 membres. Surtout au début, nous étions d’accord , l’Église et nous, sur les
valeurs de l’Égypte, l’identité égyptienne. L’Égypte est un pays civilisé, tolérant
depuis des millénaires et elle doit continuer comme cela.
Autrement
dit, si je vous comprends bien, vous étiez opposés aux Frères Musulmans et à la voix
que le Président Morsi avait prise ?
On s’oppose à toute voix qui oublie
ou qui nie ou ne connait pas les vérités de l’Égypte. C’est un peuple civil et civilisé
qui veut vivre en paix, qui a sa foi musulmane et chrétienne, sans fanatisme, sans
impliquer la religion partout. Le respect de l’État et de ces institutions ne doit
pas être soumis à un groupe ni à un parti quelconque, religieux ou autre. Donc tout
ce qu’ils essayaient de faire, nous serons contre parce que ce n’est pas nous qui
le décidons, c’est le peuple égyptien qui a choisi le 30 juin. Mais malheureusement
l’Occident ne veut pas voir ces vérités. Et c’est pourquoi je tiens à critiquer cette
incompréhension. Quand on essaye chez nous d’améliorer, d’arrêter la violence, au
nom de la démocratie on nous dit de ne pas nous en prendre à ceux qui veulent détruire
ou qui veulent du mal aux égyptiens. Donc il faut que l’Occident soit cohérent et
authentique dans son discours, qu’il aide l’Égypte à être un peu plus consciente pour
que les musulmans et chrétiens retrouvent leur vraie identité.
Est-ce
qu’on peut dire que vous êtes pour une Égypte laïque ?
Le mot « laïc
» a une très mauvaise réputation chez nous. Je pense que quand vous dites laïc dans
le monde arabe, c’est comme si vous êtiez contre les religions. Vous acceptez en France,
en Europe ou ailleurs quelque chose de ce type. Les Égyptiens sont très croyants et
pratiquants, musulmans ou chrétiens. On dit, dans la déclaration d’Al Ahzar que nous
avons écrite ensemble, chrétiens et musulmans, que nous voulons un pays, un État démocrate,
constitutionnel et moderne.