Radio France Internationale et le quotidien Libération ont révélé lundi 7 octobre
au matin un document d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui détaille un plan précis
pour l’installation d’un Etat islamique dans la région de l’Azawad, une zone désertique
située au nord du Mali. Le document date de juillet 2012, avant l’intervention militaire
occidentale. Il est signé par Abdelmarek Droukdel, l’un des chefs d’AQMI.
Pour
le professeur de géopolitique Michel Galy, ce document révèle la particularité d’AQMI
au sein des groupes rebelles islamistes présents dans le Nord-Mali. Michel Galy
est interrogé par Jean-Baptiste Cocagne
«
La tactique c’est effectivement, contrairement à ce qu’on fait plusieurs groupes djihadistes
à Tombouctou, Gao et Kita, au Nord donc du Mali pendant un an en 2012 qui a été
de braquer les populations dans leur rituel religieux donc en situant une version
de l’Islam pur et dur, une Sharia assez totalitaire au rite malikite en détruisant
leurs lieux de cultes comme les mausolées de Tombouctou. Le document donc écrit
par Abdelmalek Droukdel est très critique envers ces tactiques . Il leur dit non,
il vaut mieux se rapprocher des populations , non il faut mieux faire alliance avec
les touareg quitte à les supplanter dans un second temps. Donc la stratégie est la
même , établir un État islamique au nord du Mali mais les tactiques proposées sont
différentes. Ce qui m’étonne moi personnellement, c’est une culture historique large
qui va jusqu’au huitième siècle au début des conquêtes arabes et de l’extension de
l’Islam pour y trouver des référents aux tactiques adoptées vis-à-vis des populations
locales. Et puis le parallèle qui serait amusant s’il n’était pas tragique, c’ est
la préoccupation , comme les occidentaux, je pense à certains documents américains
ou français, de gagner le cœur et les esprits des populations locales qui a priori
ne sont pas forcément sympathisantes. » Le projet islamique de l’Azawad est
présenté comme un nouveau-né dans ce document qui doit grandir comme un être humain.
Est-ce qu’il y a une volonté d’expansion non seulement au Mali mais aussi ailleurs
dans d’autres pays ? « Oui et non parce que je dirais en parallèle peut être
des actions menées en parallèle parce que dans un premier temps , et vous avez très
bien utilisé le terme d’Azawaad qui est descendu par les touaregs...il y a cette reprise
du terme de l’Azawaad. Donc on prétend établir si je peux faire le parallèle , un
État islamique dans un seul pays en tout cas dans la partie nord du Mali et privilégier
l’action dans cette partie du monde arabo-musulman sur une extension globale qui
se passe maintenant via les attaques à Arlit au Niger, en Algérie, etc…une extension
nomade…alors que dans ce document il est question de s’implanter durablement y compris
de construire les structures d’un État qui soit différent de leur milieu djihadiste.
» Est-ce que cette découverte c’est vraiment quelque chose de majeur , ce document
? « Ce que les deux promoteurs veulent dire parce qu’il y avait sur les sites
par exemple d’agence mauritanienne sympathisante des islamistes des extraits voire
peut être plus de ce texte. Effectivement il y avait des parties qui ont été publiées.
Le fait que ce soit à la disposition au fond du grand public, ça donne des ouvertures
nouvelles sur la compréhension de ces groupes qui ne sont pas du tout des criminels,
des trafiquants de drogue ou des illettrés mais qui ont, certain de leur chef en tout
cas, une vision non seulement mondiale et globale mais aussi une vision locale et
nationale en ce qui concerne le Mali ou en tout cas avant l’occupation française en
janvier 2013. » Est-ce que vous pensez qu’ Aqmi a changé sa position depuis
ou vous pensez que ce document est toujours actuel pour eux ? « Alors moi
je pense qu’ils sont en réorganisation permanente puisqu’ils se sont au fond reconvertis
dans certains mouvements touaregs notamment dans la ville de Kital et ils se sont
alliés avec le mujao pour former de nouvelles structures et ils s’adaptent au fond
en permanence au terrain et aux circonstances Puisque vous avez fait plusieurs fois
référence à l’État malien, au président Ibrahim Boubacar Keita, ce qui est un peu
inquiétant c’est qu’il y a des négociations avec les touaregs. En ce moment il n’
y a aucun rapport avec les islamistes combattants, avec les djihadiste peut être
il ne peut pas y en avoir sauf tout ce qu’on voit c’est que le nouveau président a
donné des gages au Conseil islamique à Bamako, emploie des formules, se présente
de telle manière qu’il peut au fond récupérer le débat religieux et le ramener vers
le politique après une élection à plus de 80%. »