Entretien avec le cardinal Monsengwo, membre du Conseil des Cardinaux
Entretien - Du 1er au 3 octobre dernier, s’est tenue au Vatican la première
réunion du Conseil des Cardinaux travaillant à la réforme de la Curie. Pendant 3 jours
à huis-clos, le pape était entouré de ces huit conseillers chargés de lui donner des
pistes pour améliorer le gouvernement de l’Eglise. Pour la première fois, nous
donnons la parole à l’un d’entre eux, le cardinal Laurent Monsengwo, archevêque
de Kinshasa en RDC. Il est au micro de Jean-Pierre Bodjoko :
Quels sentiments
vous procure le fait de faire partie de ce Conseil des cardinaux et de représenter
tout un continent africain ?
C’est d’abord un sentiment de modestie et
d’humilité. En fait d’être appelé par le Saint Père à représenter -je ne dirais pas
le continent africain-, mais à être l’un de ceux qui doivent l’aider à la réforme
de l’Église et la réforme de la Curie. Le sentiment est tout simplement « Qui suis-je
Seigneur pour m’occuper de la réforme de ton Église ? »
Et comme le chirographe
le dit, le Pape a choisi huit cardinaux, pas pour représenter le continent mais huit
cardinaux qu’il connait, qui ont l’expérience dans leurs diocèses et qui peuvent l’aider
à faire ce travail. Et le travail, il le conçoit naturellement de façon permanente.
Comme le dit le chirographe, nous sommes appelés à réfléchir pour l’Église universelle
et aider le Pape à lui donner des conseils pour arriver dans l’ensemble à trouver
des solutions qui peuvent marcher. C’est donc maintenant un statut qui est pérenne,
mais pas tellement permanent, c’est-à-dire des gens sont là et commencent un travail.
Un travail qui est conçu par le Saint Père dans la durée parce qu’il peut ajouter
d’ailleurs d’autres personnes dans ce groupe, comme il l’a dit lui-même, comme le
dit le chirographe. Il peut ajouter d’autres personnes et à l’occasion qui peuvent
le conseiller aussi à faire ce travail.
Et nous avons commencé ce travail,
nous avons commencé à lui donner des idées suivant ce qui est d’abord le travail.
On a pensé à l’exercice de la collégialité, on a pensé à l’exercice du gouvernement
de l’Église. Et on est dans un processus, nous allons nous réunir encore au mois de
décembre pour continuer à réfléchir sur la Curie romaine et nous nous réunirons encore
au mois de février. C’est dire que le travail est sérieux et on réfléchit longuement.
Je
ne peux pas en dire plus pour l’instant parce que le Pape lui-même parlera en temps
opportun, mais nous avons travaillé sur l’exercice de la collégialité dans le synode
des évêques, nous avons travaillé, nous avons vu la Secrétaire d’État, la nouvelle
physionomie, nous avons vu aussi les différents dicastères, les différentes congrégations
et nous avons fait des suggestions au Saint Père qui va y travailler. Le Saint Père
nous a demandé de réfléchir sur la famille, la pastorale de la famille, les problèmes
que cette pastorale posent à l’Église et il y attache une grande importance et nous
allons nous y atteler pour lui donner un avis dans l’ensemble.
Vu la confiance
que le Pape vous a faite et aux autres sept cardinaux aussi, quelle est votre appréciation
pour l’avenir de l’Église, Éminence ?
L’avenir de l’Église… D’abord on
ne peut pas désespérer de l’avenir de l’Église, avoir la volonté qu’a le Saint-Père
de réformer l’Église et cette volonté impose des gestes et il prononce des paroles,
il a une vision de toutes les choses. Il y a de quoi espérer et de toute façon, comme
le disait déjà le Pape Benoît XVI, il n’y a aucune puissance qui va détruire l’Église,
l’Église avancera, l’Église avancera sérieusement. Il faut essayer avec la foi et
notre foi en la résurrection est telle que nous ne pouvons qu’avoir l’espoir d’aller
de l’avant. L’Église a commencé depuis longtemps. L’Église est toujours à réformer
parce que l’Église est appelée à la sainteté comme nous a dit le Saint Père l’autre
jour. l’Église est appelée à la sainteté et donc cette sainteté suppose qu’il y a
des pauvres. Mais ce n’est pas nous qui allons sanctifier l’Église, c’est Dieu lui-même
qui sanctifie l’Église et qui nous donne l’occasion de devenir des saints. Et l’Église
met, engendre plutôt des enfants qui sont saints. Nous en avons eu un qui est Saint
François d’Assise, l’autre jour. Et ces enfants qui sont saints, ils viennent à la
rencontre des autres qui sont pécheurs mais tous les pécheurs, nous sommes tous pécheurs
et à la rencontre du Seigneur, le Seigneur nous purifie. Et donc on ne peut pas désespérer
de l’Église, on ne peut qu’avoir la foi dans l’Église. Et l’année de la foi, l’année
de la nouvelle évangélisation nous aidera dans cela.
Vous venez de
dire Éminence que vous ne représentez pas seulement l’Afrique mais vous êtes là pour
l’Église universelle. Il y a quand même un poids de responsabilité devant cette charge
que vous assumez maintenant. Comment prenez-vous ce point-là par rapport à vos charges
déjà, vous êtes archevêque de Kinshasa en République Démocratique du Congo. Vous ne
représentez pas seulement l’Afrique mais l’Église universelle. Quel est ce poids là
sur vos épaules, Éminence ?
Je vous dit que je ne représente pas l’Afrique,
c’est ce qu’a dit le Saint-Père lui-même. Je ne suis pas là pour représenter l’Afrique
.Bien sûr je connais mieux l’Église d’Afrique, mais le Saint Père a dit que nous sommes
là pour l’aider dans la réforme de toute l’Église. C’est une grande responsabilité
mais cette responsabilité on la reçoit dans un esprit de foi et cette responsabilité
est telle que on ne peut que la confier au Seigneur et à la Vierge Marie pour nous
aider dans cette responsabilité. Mais nous croyons aussi énormément dans la vision
qu’a le Pape de cette responsabilité. Et il a suffisamment expliqué , ce n’est pas
nous qui faisons d’abord le travail. Le travail est d’abord fait par le Seigneur et
nous devons espérer, nous devons avoir foi au Seigneur qui conduit son Église à chaque
moment et avec un sens. Le Seigneur conduit son Église, nous sommes des pauvres pécheurs,
mais nous nous accrochons à lui et il va nous amener là où il veut. L’essentiel, ce
n’ est pas tant de se mettre en vedette, de croire que nous sommes des responsables,
que nous sommes des grands. Nous ne sommes rien. C’est le Seigneur lui-même qui conduira
son Église et comme il avait dit à Saint François d’Assisse « Allez construire mon
Église » et c’est ce que nous allons faire.
Vous venez de faire allusion
à Saint François d’Assise et justement vendredi dernier vous avez accompagné le Pape
pour sa visite à Assisse même. Quelles sont vos impressions pour cette visite, Éminence
?
J’ai été plein d’admiration d’abord pour le Saint Père. Ça a été
vraiment un vrai marathon. Ça a été 12 heures de rencontre, 12 heures de paroles et
de gestes, 12 heures d’enseignement et de rencontre avec les gens, 12 heures en fait,
qui plus par ce qui est dit et ce qui est fait, enseignaient que par ce qu’on était
en train de voir. Le Pape d’abord je dirais, le geste symbolique qu’il a posé d’aller
d’abord dans un, le tout premier endroit qu’il a visité c’est l’enseignement, l’école,
l’institut Séraphique ou les sœurs s’occupent des enfants handicapés, des enfants
handicapés physiques, des enfants handicapés moteurs. Le Saint Père est passé devant
chacun, il le touchait, il le bénissait et il l’embrassait. Et il a fait ce geste
-là devant chaque enfant. Et quand on voyait ses enfants-là, on était émus. Mais que
le Pape leur ait donné la priorité dans sa visite était absolument touchant. Et le
Pape est arrivé devant eux , quand il devait leur parler nous étions tous émus parce
qu’il a quitté le texte, il a dit tout simplement « je n’ai pas d’argent , je n’ai
pas de l’or, je vous amène l’Évangile. Et cette Évangile, c’est l’Évangile des pauvres.
Le Seigneur s’occupe des pauvres. Et le Seigneur nous demande tous de ne pas refuser
les pauvres, d’accueillir les pauvres et on est resté là à regarder. Il dit « ce
n’est pas la mondanité qui compte, c’est le Seigneur Jésus et c’est le Seigneur crucifié
que nous devons contempler dans tous ses enfants. Et puis on est resté là à peu près
une demi-heure. C’était émouvant et de là on a continué.
En un mot, le Saint
Père a amené un message de pauvreté, un message de paix, un message d’accueil du frère
qui est pauvre parce que Saint François a été pauvre. Là tout parle de pauvreté à
Assise comme il nous l’avait dit. Et on est allé visité chacune de ses places, chacun
de ces sites où Saint François a passé sa vie, où Saint François a recherché le silence,
où Saint François marchait. On est allé dans la tente de Saint François qu’on a pu
contemplé et tout parlait . Et le Pape est allé partout et comme il l’a dit dans l’Angélus
d’ aujourd’hui (dimanche 6 octobre), le Pape est allé pour la première fois à Assise,
il a voulu allé dans chacun des lieux qui ont marqué la vie de Saint François. Là
où il a vécu, là où il est mort, à la basilique Santa Maria degli Angeli, là où s’est
fait sa translation au Ciel. Et la rencontre des pauvres, la visite des handicapés
,le repas avec les pauvres à midi, les pauvres dont s’occupent la Caritas, la Caritas
diocésaine… Nous avons eu là, je crois, de quoi contempler pendant toute notre
vie. Et alors contrairement à ce que l’on attendait il arrive chez les Clarisses,
il leur dit « On croirait que les Clarisses, les contemplatives, c’est d’être tout
le temps en contemplation et avec Dieu la vie ascétique. Non, c’est la joie . La joie
d’être du don du Seigneur. La joie parce que le Seigneur lui-même nous donne la joie,
parce que le Seigneur est joyeux quand nous allons lui donner la joie aussi et comme
disait-il « Sainte Thérèse d’Avila quand on lui amenait une sœur qui n’était pas
joyeuse, qui était un peu refermée sur elle-même, elle disait « Non non…donnez-lui
un beefsteak, qu’elle mange ce n’est pas comme ça que doit être une religieuse, elle
doit être joyeuse. « Ce sont autant de signes qui parlent et je pense que le Pape
a laissé un message de paix intérieure, de paix aussi extérieure, un message pour
tout le monde, un message pour la Syrie, un message pour Lampedusa où les gens se
mouraient . Il disait « ce n’est pas possible que ces gens puissent mourir parce
qu’ils veulent chercher une vie meilleure et qu’on ne la leur donne pas . » C’est
touchant de telles paroles.