44 ouvriers népalais meurent sur les chantiers qataris
Au Qatar, en trois mois, au moins 44 ouvriers népalais sont morts d’insuffisance cardiaque
ou d’un accident du travail sur les chantiers de la Coupe du monde de football 2022.
Réagissant au scandale révélé aujourd’hui par le quotidien britannique The Guardian,
la Fédération Internationale de Football s’est dite « préoccupée » et promet d’en
parler avec les autorités qataries
Amnesty International, Human Rights Watch
et d’autres organisations internationales de défense des droits de l’homme dénoncent
régulièrement les conditions d’accueil et de travail pour les émigrés au Qatar. Pour
ces ONG, elles s’apparentent à de l’esclavagisme que ce soit pour les domestiques
venus des Philippines, ou les ouvriers travaillant dans le secteur du bâtiment. La
semaine dernière, le pape François, dans son message pour la prochaine Journée mondiale
dédiée aux Migrants et aux réfugiés, a dénoncé le « travail d’esclave » qui selon
lui est « aujourd’hui monnaie courante ». « Malgré les problèmes, les risques et les
difficultés à affronter, poursuit-il, ce qui anime de nombreux migrants et réfugiés,
c’est le binôme confiance et espérance ; ils portent dans leur cœur le désir d’un
avenir meilleur non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs familles et pour
les personnes qui leur sont chères. »
Des heures de travail forcé sous
un soleil de plomb et sans accès à l'eau
Venus souvent de leur plein
grès pour trouver du travail et envoyer des fonds à leurs familles restées dans leurs
pays d’origine, les migrants qui arrivent au Qatar découvrent une réalité qui est
bien loin de ce dont ils rêvaient. Parfois, il y trouvent même la mort.
S’appuyant
sur des documents obtenus auprès de l’ambassade du Népal à Doha où une trentaine d’ouvriers
népalais auraient trouvé refuge, The Guardian affirme dans une série d’articles qu’au
moins 44 ouvriers népalais auraient perdu la vie sur des chantiers qataris entre le
4 juin et le 8 aout dernier. La moitié d’entre eux seraient décédés d’une crise cardiaque
ou des suites d’un accident du travail.
Des centaines de mains pour
construire sans trop de frais
Le journal britannique aurait des preuves
révélatrices d’un environnement de travail brutal. Il relaye des témoignages de plusieurs
ouvriers qui disent avoir été soumis à un travail forcé, ne pas avoir été payés depuis
des mois, avoir été battus, sans se voir offrir de l’eau potable alors qu’ils travaillent
sous un soleil de plomb. Affaiblis, ils pleurent de ne pouvoir envoyer l’argent promis
à leurs proches. Entassés dans des dortoirs insalubres, nombre d’entre eux confient
vouloir rentrer chez eux, même sans argent. Impossible, leurs passeports auraient
été saisis dès leurs arrivées.
100 000 Népalais seraient arrivés l’an dernier
au Qatar selon The Guardian et l’émirat pourrait recruter jusqu’à 1,5 millions de
travailleurs étrangers supplémentaires pour construire les infrastructures nécessaires
afin d’accueillir la Coupe du monde de football 2022.
Pape François
: « ne pas taire le scandale »
Publié le 24 septembre dernier, dans son
message pour la Journée mondiale des Migrants et des réfugiés (le 19 janvier prochain),
le pape François souligne que la construction d’un monde meilleur, consiste à « s’orienter
vers un développement authentique et intégral, travailler pour qu’il y est des conditions
de vie dignes pour tous, pour que la création de Dieu soit respectée ». Dans cette
perspective, les migrants ne sont pas « des pions sur l’échiquier de l’humanité »,
dit le pape. Ce sont des hommes, femmes, enfants qui éprouvent comme les autres «
le même désir légitime de connaître, avoir et être plus ».
Or « le phénomène
croissant de la mobilité » révèle la tension entre « la beauté de la création, marquée
par la Grâce et la Rédemption et le mystère du péché » avec, d’un côté, la solidarité,
l’accueil, les gestes fraternels ou « l’aspiration à vivre l’unité dans le respect
des différences » et de l’autre , le refus la discrimination, les trafics ou l’exploitation.
« Nous ne pouvons pas taire le scandale de la pauvreté dans ses diverses dimensions
», martèle François. Le pape souligne aussi les « carences et lacunes » des Etats
et de la communauté internationale, exhortant les pays d’origine et les pays d’accueil
à collaborer « dans un esprit de profonde solidarité et de compassion ». Pour affronter
et gérer la réalité des migrations autrement, chaque pays doit s’efforcer de créer
des meilleures conditions de vie chez lui. Le pape invite les moyens de communication
à œuvrer pour « une conversion des attitudes » afin de « dépasser les préjugés ».
Les
migrants, « une occasion offerte par la Providence »
Enfin, les chrétiens
ont aussi leur rôle à jouer : le pape leur demande « de voir et de faire voir » le
migrants comme un frère ou une sœur à accueillir, « une occasion offerte par la Providence
pour contribuer à la construction d’une société plus juste, une démocratie plus accomplie,
un pays plus solidaire, un monde plus fraternel et une communauté chrétienne plus
ouverte, selon l’Évangile ».
Photo : des travailleurs asiatiques en
novembre 2006.