François Hollande et son Comité d’éthique sans religieux
Les grands débats de société qui s’annoncent en France dans les prochains mois sur
la PMA (procréation médicalement assistée) ou la fin de vie, se feront au sein du
Comité consultatif national d’éthique sans l’avis de religieux. Pour la première fois
depuis sa création en 1983, les principales familles philosophiques et spirituelles
présentes en son sein ne seront plus représentées par des ministres du culte.
Parmi
la vingtaine de noms publiés le 22 septembre au Journal Officiel, le président de
la République, François Hollande, a en effet choisi de nommer une historienne spécialiste
de la réforme protestante Marianne Carbonnier-Burkard, en remplacement du pasteur
Louis Schweitzer, dont le mandat de quatre ans arrivait à échéance et Lionel Naccache,
neurologue, au poste du rabbin Michael Azoulay. Avec le départ du pasteur et du rabbin,
les principales religions ne sont donc désormais représentées que par des laïcs.
Aucun
religieux au sein du CCNE
Selon le quotidien Le Monde, qui est le premier
à avoir révélé cette nouvelle composition, l’Elysée souhaite « revenir aux principes
de création du conseil de 1983 et faire appel à des laïcs pour représenter les courants
religieux ». Mais pour Xavier Lacroix, professeur de théologie morale et doyen de
la faculté de théologie de Lyon, c’est un faux problème. « On peut appartenir à une
religion sans être prêtre, pasteur ou imam. Je suis catholique, je suis laïc, avant
moi il y avait trois religieux mais le premier représentant catholique était un laïc.
Ce n’est donc pas nouveau. »
Outre cet aspect, les nouvelles nominations suscitent
bien des commentaires en France. Certains critiquent ouvertement le choix de personnalités
trop marquées politiquement, en l’occurrence à gauche. Le cas de Jean-Pierre Mignard,
avocat et ami du chef de l’Etat, provoque quelques remous. D’aucun voit dans le choix
de personnes dites progressistes une volonté du gouvernement et de la présidence une
volonté de mettre de son côté le Comité avant la discussion de sujets très sensibles
comme la PMA, d’autant que cette institution peu utilisée par Nicolas Sarkozy entre
2007 et 2012, est davantage sollicitée par François Hollande.
Là encore, Xavier
Lacroix nuance : « On verra s’il y a un changement de couleurs. Jusqu’à maintenant
les compromis étaient assez honorables. Chacun parle en son nom propre, au nom d’arguments
de raison. On avance assez peu d’arguments politiques. Mais c’est vrai qu’il y a une
certaine couleur politique. » Selon le théologien catholique, il faudra donc attendre
de voir les avis qui seront rendus dans les prochains mois pour évaluer l’impact de
ces nominations.
L'Elysée n'a pas consulté les instances religieuses
Le
pasteur Louis, professeur d’éthique et de spiritualité à la Faculté théologique évangélique
de Vaux-sur-Seine et dont le mandat n’a pas été renouvelé, le vrai problème est ailleurs.
« La vraie question est de savoir si les représentants des grandes familles religieuses
doivent être nommés par les instances religieuses concernées ou bien, si, comme le
souhaite le gouvernement, doivent-ils l’être directement par le président de la République
ou le gouvernement sans demander aux instances religieuses leur avis ».
La
manière dont a procédé l’Elysée dans ce dossier va donc à l’encontre d’un usage qui
voulait que « le président nomme ces personnes en demandant aux instances religieuses
de suggérer des noms » explique Louis Schweitzer. Fait aggravant selon lui : « se
passant de ces intermédiaires, on va nommer des gens forcément « proches » du pouvoir
politique. Donc on met sur la touche le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme
et l’islam pour des questions de société et d’éthique pour lesquelles les religions
ont leur mot à dire ».
La perspective prochaine de grands débats sur la PMA
ou la procréation pour autrui a certainement incité le gouvernement à la prudence
en se passant de cet avis des instances protestante et juive. L’opposition qu’il a
rencontré pendant la discussion du projet de mariage pour tous de la part d’une partie
de la population et des religions, et l’avis très mesuré du CCNE concernant la fin
de vie, ont sans aucun doute échaudé un pouvoir qui entend entre autre s’appuyer sur
les conclusions du CCNE pour faire passer ses projets controversés.