Témoignages : du catholicisme à l'islam et de l'islam au catholicisme
D’ici 20 à 30 ans, la moitié des Français sera sans religion. C’est l’une des conclusions
d’une étude du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Un tournant historique. Et
pourtant la place de la religion dans la société française explose. Notamment autour
de la montée de l’islam. Certains y voient une menace pour le pays ou peinent à la
reconnaitre comme une religion comme les autres.
Un climat facilité par la
crise, qui entretient la crispation et le repli identitaire. Dans ce contexte, des
hommes et des femmes choisissent de se convertir : des musulmans demandent le baptême
et des chrétiens rejoignent l’islam. Mais se convertir est un processus difficile.
Audrey Radondy a recueilli le témoignage de deux convertis :
C’est à 20
ans qu’Oliver a retrouvé une relation directe avec Dieu en lisant le Coran. Catholique,
issu d’une famille assez pratiquante, il a servi la messe tous les dimanches. Une
fois entré à l’université, il a commencé à s’interroger sur les dogmes catholiques
: « Ça été un peu le fruit du destin. On parlait beaucoup des attentats, de l’actualité
au Proche-Orient. Un jour j’ai décidé de prendre un Coran et de le lire. Ça m’a tout
de suite parlé. Alors que j’étais un anti-islam farouche, tout de suite Dieu est revenu
dans mon existence. Mais après, de là à pratiquer l’Islam, vu qu’il y a quand même
des rites, une loi, c’est comme un engagement, surtout dans ce contexte particulier
où l’Islam était beaucoup dénigré et aujourd’hui c’est encore plus le cas », explique-t-il.
« C’était mon petit secret »
Pour Michel, issu d’une famille
musulmane non pratiquante, c’est une rencontre avec un chrétien qui a été déterminante
: « C’était un prof qui me donnait des cours à domicile, qui m’a parlé de Jésus et
de Marie. Il m’a appris à prier, à dire le Notre Père, le Je vous salue Marie, à réciter
le chapelet… Je ne comprenais pas dans mon état d’esprit d’enfant, après je n’étais
pas dupe non plus, je savais très bien que je faisais quelque chose de chrétien. Je
savais très bien que je n’allais jamais aller un jour vers la religion musulmane.
Pour moi voilà, j’avais ce que ce monsieur m’avait transmis, ça me suffisait. Et puis
je n’avais pas à le dire devant les gens. C’était mon petit secret ».
Faire
face l’entourage
Faire ce choix, c’est aussi s’exposer à des difficultés,
comme l’incompréhension de son entourage. « Pour mes parents c’était un peu le monde
qui s’écroulait. Ils se demandaient, est-ce que c’est vraiment sérieux, est-ce que
c’est une lubie passagère… Enfin ils ne comprenaient pas très bien la démarche spirituelle
ou religieuse qu’il y avait derrière. Concernant mes parents, ce qui est le plus intéressant,
ce n’était pas tant le choix spirituel qui les gênaient mais ils avaient l’impression
qu’en me convertissant à l’islam, je rejetais l’éducation qu’ils m’avaient donné.
Parce qu’ils m’avaient éduqué dans la chrétienté et donc pour eux, le fait de se convertir
c’était de tirer un trait sur tout ce qu’ils avaient voulu me transmettre », raconte
Olivier.
Un héritage culturel et familial
Michel, converti au
catholicisme, a attendu d’être sûr avant de l’annoncer à sa famille. Comme la majorité
des près de 300 musulmans, qui chaque année se baptisent en France : « J’ai juste
dit à ma maman, voilà je voudrais t’annoncer quelque chose. Et tout de suite elle
m’a dit oui, je sais. Ça s’est plutôt bien passé, il y a eu après quelques disputes
parce qu’elle a voulu rentrer avec moi dans les détails de la religion, donc bien
évidemment ce que je dis toujours, 70 à 80% des musulmans ne connaissent pas leur
foi, comme les chrétiens d’ailleurs. C’est un héritage en fait, c’est un héritage
culturel, familial, donc on prend on ne se pose pas de questions et c’est valable
pour tout le monde, moi compris ».
Autre difficulté, l’arrivée dans une nouvelle
communauté : « Il y a une fraternité islamique, il y a une cordialité chez nous mais
il existe des différences dans nos problématiques, dans notre vécu. Par contre, aujourd’hui
la plupart des convertis épousent quelqu’un qui est musulman d’origine, de manière
à avoir aussi un peu une famille pratiquante qui comprend ses problématiques, qui
peut l’aider dans son cheminement. Et très souvent les personnes d’origine maghrébine
ou musulman de naissance, veulent épouser un converti pour marquer leur appartenance
à la communauté nationale », précise Olivier.
Un accueil un peu méfiant
Michel
a quant à lui pu compter sur les membres d’une association de convertis venus de l’islam
: « Je n’ai pas eu de soucis particuliers, parce que j’avais des personnes qui me
guidaient, qui m’expliquaient comment faire. Elles m’ont orienté vers un prêtre qui
avait l’habitude de recevoir des personnes comme moi. »
Mais d'autres membres
de l'association on souvent eu « un accueil un peu méfiant », explique Michel. « Parce
qu’on est un peu précautionneux, on ne sait pas trop ce qu’ils viennent chercher,
peut-être qu’ils viennent pour une autre raison que ça, ils cherchent peut-être des
papiers. Donc il y a une méconnaissance et il y a aussi une volonté de rester dans
ce relativisme ambiant, parce qu’on est plutôt tourné, c’est ce que le père François
Jourdan dit dans son livre Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans, on est plus
dans une sociologie du musulman, dans une psychologie du musulman, plus que dans l’étude
de l’islam même et de ces fondements et de la comparaison surtout par rapport au christianisme
», conclut-il.
Que ce soit dans un sens ou dans l’autre, il est difficile
de chiffrer les conversions, selon un article du quotidien Le Parisien, paru
à la fin de l’année dernière, dix Français se convertiraient à l’islam chaque jour,
des chiffres à manier avec prudence.