Père Georges Mpay Kemboly, jésuite de la République Démocratique du Congo
Notre invité du jour est le père Georges Mpay Kemboly jésuite de la République Démocratique
du Congo, professeur d’université et spécialiste en égyptologie. Mais, il est aussi
directeur de la bibliothèque Saint Pierre Canisius, de la faculté qui porte le même
nom à Kinshasa. C’est de cette bibliothèque qu’il nous parle dans cet entretien. Il
est au micro de Jean Pierre Bodjoko :
Père
Mpay : Cette bibliothèque appartient à la compagnie de Jésus de la province d’Afrique
centrale. Elle a été fondée en 1954, pour servir principalement les jésuites du Congo
et ceux d’autres pays d’Afrique. En1983, voyant la situation dans laquelle se trouvaient
les instituts supérieurs et des universités de la place, les jésuites ont décidé d’ouvrir
les portes de cette bibliothèque à d’autres étudiants. C’est ainsi que cette bibliothèque
ne dessert plus seulement les jeunes jésuites d’Afrique et d’ailleurs. Pas seulement
les étudiants de l’institut saint Pierre Canisius et de l’institut des sciences agro
vétérinaires (ISAV) mais aussi les étudiants et le personnel académique des autres
instituts.
Radio Vatican (RV) : Est-ce que vous pouvez nous parler de
la capacité ou du volume de livres que vous avez. Est-ce seulement pour la philosophie
ou vous avez d’autres matières…?
Père Mpay : La bibliothèque Saint pierre
Canisius a la capacité de 300 mille volumes voire 400 mille… Cette bibliothèque
n’a pas seulement la philosophie. Elle a d’abord hérité des bibliothèques privées
des professeurs jésuites qui étaient là. C’est ainsi qu’elle a aussi la théologie
(la spiritualité, la Bible), le droit, les sciences économiques le management, les
sciences économiques, les sciences agronomiques, l’anthropologie, la linguistique.
Cette dernière fait suite aux dons reçus de la part du professeur Kadima Nzuji et
d’autres professeurs de l’université de Louvain, soit environ 57 mille volumes de
littérature francophone, anglophone, « Black studies ».
RV : Avez-vous
des projets pour cette bibliothèque ?
Père Mpay : Nous avons la bibliothèque
traditionnellement définie, avec un centre de documentation…nous voulons actuellement
entrer dans l’ère de la numérisation. C’est ainsi que nous avons eu des partenariats
avec des centres d’ailleurs dans le but de pouvoir avoir une grande capacité des manuscrits
de Tombouctou, des plantes médicinales, et d’autres choses qui concernent les études
africaines. Il n’y a pas que les sciences dites humaines, nous avons aussi les
mathématiques, la géographie, même la géologie où les « Anciens » ont fait de la prospection
pour le Pétrole, et les gisements de minerais. Mais il y a aussi le rayonnement
qui concerne le grand espace, par exemple, nous avons ouvert depuis une année et demi
le « silence » (un jardin). « L’espace silence à l’écoute de ce qui ne peut se dire
». Pour que nous soyons capables de lire dans les plus grands livres de la vie,
et entrer en dialogue avec la culture religieuse qui nous entoure.
RV
: Lorsque vous affirmez que la bibliothèque est ouverte, cela signifie qu’il y a des
conditions qui favorisent l’arrivée des étudiants d’ailleurs. Avez-vous des abonnements
? Aussi quelles sont les difficultés que vous rencontrez concernant le fonctionnement
de cette bibliothèque ?
Père Mpay : Nos étudiants, c'est-à-dire le personnel
académique et étudiants de la faculté Saint Pierre Canisius et l’ISAV qui de par leur
inscription régulière, ou engagées dans nos institutions, ont accès automatiquement
à la bibliothèque. Pour ceux qui viennent d’ailleurs, nous avons l’abonnement
journalier, mensuel, trimestriel et semestriel. Les difficultés sont liées au fait
que nous n’avons pas assez de subsides, en dehors des jésuites et des partenaires
que le directeur et les jésuites trouvent. Nous ne recevons pas de subsides de l’Etat.
Et pourtant, nous formons la nation congolaise, et pas seulement la nation congolaise,
les nations africaines. Nous aurions voulu que l’Etat nous prête main forte par exemple,
les frais liés au transport des livres, l’électrification, ou les outils d’informatisation,
le scanner. Nous avons aussi un accès réduit à cause de l’état de la route. Si la
route était meilleure, on aurait eu un peu plus de monde.
RV : Puisque
la bibliothèque est située un peu en dehors du centre de la ville. N’est ce pas ?
Père
Mpay : C’est vrai, la bibliothèque est à 4 kilomètres de l’université de Kinshasa.
Est située environ à 8 kilomètres de la partie populaire. Il y a aussi la protection
des documents. Là, où nous avons pu installer le système d’alarme anti-incendie. Cependant
le système contre le vol n’est pas tout à fait au point. Nous avons aussi l’humidité
et la poussière. Comme bibliothécaire, nous avons le défi de préserver les documents
contre l’usure du temps. Comment préserver un document là où la qualité de papier
se trouve dans un climat humide et où il y a beaucoup de poussière ? Tout cela, nous
crée des énormes difficultés pour la gestion de l’espace et du personnel !
RV
: Le mot de la fin père ?
Père Mpay : Comme mot de la fin, j’aimerais
que les Africains contrairement à ce que les gens disent, « si l’on veut cacher quelque
chose à l’africain, il faut les mettre dans les livres ». J’aimerais que les Africains
– les étudiants Africains – comprennent qu’on ne peut pas se développer sans des bibliothèques
dignes de ce nom.« La science c’est le patrimoine de l’humanité et l’Afrique a sa
part à faire depuis l’Egypte ancienne». Aujourd’hui, cet effort doit être développé
et documenté. C’est cela aussi la dignité humaine !