Sommet d’Amman : Fouad Twal espère toucher la rue arabe sur le sort des chrétiens
Entretien - C’est une première pour les chrétiens du Proche-Orient. Une grande
réunion réunissant pas moins de 70 patriarches, délégués patriarcaux, évêques, prêtres
et autres responsables des communautés chrétiennes de la région sont réunis mardi
et mercredi à Amman, la capitale de la Jordanie à l’initiative du roi Abdallah II.
Voulu par le souverain jordanien, ce sommet intitulé « les défis des chrétiens
arabes », permet à l’ensemble des représentants des diverses communautés chrétiennes
de tous les pays de la région, de s’exprimer et de bénéficier d’une tribune médiatique
sans précédent dans le monde arabe en cette période particulièrement troublée. Parmi
les personnalités présentes, le cardinal Tauran, le président du Conseil pontifical
pour le dialogue interreligieux, représentant le Saint-Siège, S.B. Théophilos III,
le patriarche orthodoxe de Jérusalem, le patriarche grec-orthodoxe d’Antioche, Yohanna
X al-Yazigi, ainsi que S.B. Fouad Twal, le patriarche latin de Jérusalem, joint
par Xavier Sartre
S.B. Fouad
Twal est reconnaissant au roi Abdallah et à son frère, le prince Ghazi, conseiller
pour les affaires religieuses et les droits culturels, d’avoir invité les chrétiens
à venir à Amman. « Le roi de Jordanie et la famille hachémite ont le titre de custode
des Lieux Saints musulmans et des Lieux chrétiens du patriarcat grec-orthodoxe » rappelle
le patriarche latin de Jérusalem. « Nous avons tellement besoin de cela : nous sommes
dans un moment critique, nous vivons dans l’angoisse. L’appel du roi Abdallah est
complétement en notre faveur ».
« Le roi de Jordanie est de notre côté, il
n’y a aucun danger. Nous tous, les patriarches, nous avons eu le courage de parler
de tous les défis, de parler de modifier la constitution des pays arabes qui dit que
la charia et le Coran en sont à l’origine, de demander des amendements pour que les
chrétiens se sentent chez eux, se sentent citoyens comme tous les autres, avec tous
les devoirs et les droits inhérents, d’obtenir l’accès aux grands médias comme chrétiens
comme les autres, ce qui ne leur est pas donné au Proche-Orient. »
Le courage
d’exprimer les problèmes publiquement
S.B. Fouad Twal reconnait que les
participants ont ainsi eu « le courage de dire les choses que nous avons tenu dans
notre cœur pendant tant d’années, sans avoir eu le courage de le dire en public ».
« J’espère maintenant que cela va passer dans les médias, que cela va arriver dans
les écoles ».
Les chefs des Eglises d’Orient ont ainsi exprimé au grand jour
leurs inquiétudes et leurs espoirs. Si, comme le rappelle S.B. Fouad Twal, les chrétiens
réussissent à trouver l’oreille des responsables musulmans, reste à toucher la base.,
« la rue, l’opinion publique ». « Ça demande toute une éducation, un programme dans
les écoles, une collaboration entre les églises et les mosquées, mais ce n’est pas
si facile », reconnait S.B. Fouad Twal, par ailleurs lucide sur les difficultés que
rencontre les chrétiens d’Orient en ce moment dans nombre de pays de la région. «
Nous manquons de justice et de paix ».
Le roi de Jordanie a évoqué cette rencontre
avec le pape François lors de sa visite au Vatican le 29 août. Quelques jours plus
tard, le Pape lançait un appel fort en faveur de la paix en Syrie et dans l’ensemble
du Proche-Orient et annonçait l’organisation d’une veillée de prière samedi 6 septembre
au Vatican. Cette intervention du Pape, souhaitée depuis longtemps par les chrétiens
proche-orientaux est évidemment bien accueillie par S.B. Fouad Twal. Il précise toutefois
que les chrétiens de la région se sont mis à prier « depuis longtemps parce que nous
voyons de la part des hommes qu’il y a peu d’espoir et nous croyons toujours au pouvoir
de la prière. Nous prions avant, pendant et après l’appel » du Pape.
(Photo
: S.B Fouad Twal avec le pape François lors d'une audience au Vatican)