Guerre en Syrie : Mgr Tomasi pour le dialogue et contre toute intervention armée
La crise en Syrie risque bien de s’aggraver après les images difficilement supportables
qui ont fait mercredi le tour du monde, laissant supposer que des armes chimiques
ont été utilisées contre des populations civiles, tuant indistinctement hommes, femmes
et enfants. Des populations civiles qui par ailleurs, quand elles le peuvent, fuient
la Syrie en masse, notamment ces jours-ci vers le Kurdistan irakien.
Sergio
Centofanti, du programme italien de Radio Vatican, a joint Mgr Silvano Tomasi,
observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations-Unies à Genève. Voici ce qu’il
a déclaré :
“La communauté internationale est inquiète à juste titre après
les derniers évènements survenus en Syrie, qui ont fait des dizaines et des dizaines
de morts. La première chose à dire, selon moi, comme le Pape l’a déjà souligné, c’est
que la violence n’amène aucune solution et qu’il faut donc reprendre le dialogue pour
pouvoir arriver à la conférence de Genève 2, afin que les représentants de toutes
les composantes de la société syrienne puissent être présents, exposer leurs points
de vue, et ensemble créer une sorte de gouvernement de transition. Pour atteindre
cet objectif, aucune condition préalable ne doit être posée qui rende cette initiative
impossible, comme par exemple exclure l’un ou l’autre groupe concerné. Cet effort
me semble absolument nécessaire pour arrêter la violence. Il faut aussi cesser d’envoyer
des armes, tant à l’opposition qu’au gouvernement. Car ce n’est pas en livrant de
nouvelles armes aux syriens que l’on crée les conditions de la paix. Pour arriver
à une solution juste, c’est du moins mon avis, il faut éviter toute analyse incomplète
de la réalité syrienne et du Moyen-Orient en général. J’ai l’impression que la presse
et les grands médias ne prennent pas en compte tous les éléments à la base de cette
situation de violence et de conflit incessant. Nous avons vu en Egypte comment le
soutien inconditionnel aux Frères musulmans a porté à d’autres violences. Certains
intérêts sont évidents : ceux qui veulent un gouvernement sunnite en Syrie, ceux qui
veulent maintenir une participation de toutes les minorités. Il faudrait donc partir
du concept de citoyenneté, respecter chaque citoyen comme un citoyen du pays, et puis
permettre que les identités religieuses, ethniques, politiques, puissent se développer
dans un contexte de dialogue."
A la question de l’utilisation d’armes
chimiques par le régime syrien qui dément de telles pratiques, Mgr Tomasi recommande
la prudence.
" Il ne faut pas avancer de jugement avant d’en avoir les
preuves suffisantes. La communauté internationale, avec les observateurs des Nations-Unies,
qui sont déjà présents en Syrie, pourrait faire toute la lumière sur cette nouvelle
tragédie. On ne peut, selon moi, partir d’un préjugé, en déclarant que ceux-ci ou
ceux-là sont responsables. Nous devons éclaircir les faits, car quel intérêt immédiat
aurait le gouvernement de Damas à provoquer une telle tragédie, en sachant qu’il en
sera de toute façon rendu directement coupable ? Comme dans les enquêtes pour homicide,
il faut se demander : mais à qui profite vraiment ce genre de crime inhumain ?"
Sur
la possibilité d’une intervention armée si l’attaque chimique était confirmée, Mgr
Tomasi est encore plus catégorique.
"L’expérience nous a montré au Moyen-Orient,
en Irak, en Afghanistan, que de telles interventions armées n’ont apporté aucun résultat
constructif. Et donc le principe qu’avec la guerre on perd tout reste toujours valable."