2013-08-14 12:08:14

Bain de sang au Caire


Les événements se précipitent en Egypte. Après avoir attendu pendant plusieurs jours avant de donner l’assaut aux deux campements des manifestants pro-Morsi installés sur des places du Caire, la capitale, la police est entrée en action ce mercredi matin. Selon les témoignages des journalistes présents sur place ou des membres des Frères musulmans, à l’origine de cette protestation, plusieurs dizaines de personnes seraient mortes lors de l’assaut. D’après l’AFP, tout a commencé par des tirs de gaz lacrymogènes pour se poursuivre par des tirs à balles réelles. Plusieurs manifestants ont ainsi été tués par balles. Les hôpitaux ont vite été débordés.

Les forces de l’ordre n’ont apparemment fait aucune sommation avant que leurs bulldozers n’entrent en action. Deux heures après le début des opérations, la place Nahda, un des deux lieux occupés depuis plus d’un mois par les partisans du président déchu, Mohammed Morsi, était sous le contrôle des autorités. A la mi-journée, heure locale, des tirs d’armes automatiques se faisaient toujours entendre sur le second lieu de rassemblement, la place Rabaa al Adawiya.

Le 3 juillet dernier, le président Mohammed Morsi a été renversé par l’armée et remplacé par un gouvernement provisoire censé organiser un nouveau scrutin. Mais les partisans du président renversé ont refusé l’état de fait et ont décidé de protester. Deux rassemblements permanents se sont donc créés sur deux places de la capitale pour faire pression sur les nouvelles autorités pour obtenir le retour de celui qui avait été démocratiquement élu. Depuis près d’un mois et demi, le gouvernement menaçait les manifestants pro-Morsi de débarrasser par la force les deux places.


Eglises incendiées dans le centre du pays


Les occidentaux, au premier rang desquels les Etats-Unis, ainsi que des pays du Golfe persique, ont tenté une médiation entre les Frères musulmans et les nouvelles autorités et l’armée, à l’origine du renversement de Mohammed Morsi. Mais cette tentative de trouver une solution politique et d’éviter un bain de sang a échoué. Depuis, la tension était à son comble et une action des forces de l’ordre était crainte.

Conséquence de cette intervention meurtrière des forces de l’ordre au Caire, des partisans des Frères musulmans ont incendié une église copte à Sohag, dans le centre de l’Egypte selon l’AFP. Ils ont jeté des cocktails molotov sur l’église Mar Gergiss. Deux autres églises ont été attaquées et en partie incendiées dans la province d’el-Menia, un peu plus au nord de Sohag. Ces faits ont été rapportés par l’agence officielle Mena et confirmés par le youth Maspero Union, un mouvement de jeunesse copte.

Ces événements dramatiques interviennent alors que le monde orthodoxe fête la Dormition de Marie, à savoir la mort de la Vierge suivie de sa montée au ciel. Comme chez les catholiques, elle a lieu le 15 août. Mais la fête sera particulièrement amère cette année pour les Coptes d’Egypte qui ont une vénération toute particulière pour la Vierge Marie.


Une communauté copte dans la tourmente


Plus grande communauté chrétienne du Proche-Orient, les Coptes sont présents en Égypte depuis les tous débuts du christianisme. Mais l'invasion arabe, au VIIe siècle, a marqué l'avènement de leur déclin. Les chrétiens d'Égypte ne forment plus aujourd'hui que 10 % environ de la population à très grande majorité musulmane. Leur souhait a toujours été d'être reconnus comme des citoyens égyptiens à part entière, avec des droits parfaitement égaux à ceux des musulmans, et non pas comme des protégés ou des soumis. Si la constitution égyptienne accorde en théorie les mêmes droits à tous ses citoyens, il est rare d'avoir des Coptes à des postes de haut niveau, que ce soit dans le gouvernement, le Parlement, l'université ou les hôpitaux.

L’après Moubarak a aggravé leur situation. Sur les chaînes de télévision salafistes, sur Internet ou dans les prêches des islamistes radicaux, ils sont de plus en plus stigmatisés. Le soutien qu’ils ont apporté aux partisans anti-Morsi en fait désormais des cibles privilégiées. Les partisans des Frères musulmans les accusent de jouer le jeu de l’armée. Selon l’agence vaticane Fides, le nom du patriarche Tawadros II figure sur une liste de personnes à assassiner, retrouvée la semaine dernière dans une mosquée du Caire. A Assiout, il y a quelques jours 10 000 militants islamistes ont défilé en pleine nuit dans les rues du quartier chrétien, scandant des slogans hostiles aux chrétiens et recouvrant les murs d’insultes telles que « Tawadros est un chien ». Des croix ont été peintes en rouge sur les magasins appartenant à des coptes.

Résultat : les églises ont supprimé les offices de l’après-midi et des familles chrétiennes aisées ont choisi de quitter la région. D’autres attaques antichrétiennes ont été signalées à Minya, au sud du Caire tandis que des menaces ont été taguées sur les murs de la cathédrale Saint-Marc du Caire. On peut y lire que l’Egypte restera musulmane. La semaine dernière, seize organisations de défense des droits de l’Homme ont demandé aux autorités de renforcer la protection des chrétiens qui vivent dans la terreur.



Photo : la police égyptienne évacue un manifestant pro-Morsi de la place Nahda







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