Il était l’un des criminels de guerre les plus recherchés au monde : l’ancien nazi
hongrois Laszlo Csatary est mort d’une pneumonie samedi à l'âge de 98 ans dans un
hôpital de Budapest. Arrêté dans la capitale hongroise en juillet 2012, il était assigné
à résidence en attendant son procès. Jusqu’alors, il était toujours parvenu à échapper
à la justice. Il devait notamment répondre de la déportation pendant la Seconde guerre
mondiale de plus de 15 000 juifs du ghetto de Kosice, en Slovaquie, à l'époque sous
administration de la Hongrie. La justice slovaque avait fixé au 26 septembre la date
du procès.
Ce décès intervient quelques semaines après le lancement en Allemagne
d’une campagne d’affichage, baptisée « opération dernière chance » lancée par le centre
Simon Wiesenthal. Elle vise à retrouver les derniers tortionnaires nazis encore en
vie. Sur des affiches, on peut voir une photo en noir et blanc représentant l’entrée
du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau avec cette phrase : « des millions d’innocents
ont été assassinés par des criminels nazis. Quelques-uns de ces auteurs sont libres
et en vie ! Aidez-nous à les faire comparaitre devant la justice ! ». Une récompense
de 25 000 euros est promise pour toute information d’importance.
Le centre
Simon Wiesenthal établit chaque année une liste des anciens bourreaux du Troisième
Reich. Selon l’historien Efraim Zuroff, directeur de ce centre, une soixantaine de
personnes pourraient être encore poursuivies 68 ans après la fin de la Seconde guerre
mondiale.
Tal Bruttmann est historien et chercheur spécialiste de la Shoah.
Interrogé par Manuella Affejee il revient sur cette ultime traque
«
Tout dépend de ce que l’on entend par criminel nazi » tient à préciser d’emblée l’historien.
Si l’on parle de toute personne ayant participé à la Shoah de près ou de loin, alors
ce sont « plusieurs milliers de personnes ». Il existe plusieurs degrés de responsabilité
dans les crimes commis par les nazis. Pour cela, il faut regarder les procès qui ont
été menés. Les premiers ont été menés par les Soviétiques dès la fin de l’année 1943,
alors que le conflit n’était pas terminé. Le plus célèbre reste celui de Nuremberg
lors duquel les plus hauts dignitaires nazis ont été jugés et condamnés. Vinrent ensuite
les procès concernant les médecins ou les responsables des Einsatzgruppen. « On a
différents groupes hiérarchiques depuis les décisionnaires politiques, les membres
du gouvernement du IIIe Reich, jusqu’aux tueurs sur le terrain : on a des procès d’Auschwitz
par exemple qui ont été organisés au cours des années 1950, 1960 et même 1970 ».
Acharnement
?
« On a ensuite les procès des collaborateurs du IIIe Reich en Belgique,
en France, ou dans des Etats alliés de l’Allemagne où des politiques d’épuration ont
été menées », précise Tal Bruttmann. « Ceux dont on parle aujourd’hui ne sont pas
de grandes figures, ne sont pas connus par le grand public mais plutôt des criminels
qui ont opéré directement sur le terrain ».
La plupart des criminels encore
recherchés sont bien évidemment aujourd’hui très âgés. Cette traque pourrait s’apparenter
à de l’acharnement envers des personnes d’un grand âge. Mais « d’un strict point de
vue juridique, un crime contre l’humanité est imprescriptible. Du point de vue de
l’opinion publique, justice a toujours été réclamée contre ces criminels. Ce n’est
donc pas totalement absurde de s’inscrire dans cette logique-là. Le centre Simon Wiesenthal
est dans sa mission historique, celle d’identifier les gens qui ont participé à ces
crimes de masse. Après, on est plutôt dans l’ordre du symbolique », reconnait le chercheur.