Il y a vingt ans, tout juste, le 6 août 1993, en la fête de la Transfiguration de
Jésus, Jean-Paul II signait sa dixième encyclique« Veritatis Splendor », la Splendeur
de la Vérité, sur quelques questions fondamentales de l’enseignement moral de l’Eglise.
Un texte ardu, mûri pendant des années et publié peu après l’effondrement des régimes
communistes en Europe de l’Est. Un texte qui analyse les fondements de la doctrine
morale de l’Eglise dans un monde en crise, désorienté, en quête de normes sûres.
A
la fin du XX° siècle, le Pape polonais constatait qu’une grande partie de l’humanité
avait perdu le sens de Dieu et le sens du péché avec comme conséquence le rejet de
la morale. Or ce vide moral met l’homme à la merci des idéologies. Jean-Paul II lançait
donc une mise en garde contre le risque d’alliance entre la démocratie et le relativisme
éthique : la liberté doit d’abord être soumise à la vérité. Si l’homme l’oublie, la
liberté risque de se détruire elle-même.
Le pape entrait ainsi dans le domaine
de la morale fondamentale en s’attardant non pas sur des règlements normatifs ou des
préceptes mais en définissant les fondements sur lesquelles repose la morale. Un complément,
en quelque sorte, du catéchisme de l’Eglise catholique publié un an plus tôt. Jean-Paul
II pointait du doigt les dérives de certains courants de la pensée moderne : « On
en est arrivé – écrivait-il – à exalter la liberté au point d’en faire un absolu.
On a attribué à la conscience individuelle des prérogatives d’instance suprême du
jugement moral, qui détermine d’une manière catégorique et infaillible le bien et
le mal.
Renouer avec une exigence de vérité
La nécessaire exigence
de la vérité a disparu au profit d’un critère de sincérité, d’authenticité, d’accord
avec soi-même, au point que l’on en est arrivé à une conception radicalement subjectiviste
du jugement moral ». Les critères de jugement retenus par les croyants eux-mêmes se
présentent souvent comme étrangers ou même opposés à ceux de l'Evangile." Pour Jean-Paul
II, la question morale ne peut trouver de réponse que grâce à la vérité. La vérité,
selon "Veritatis splendor", ne dépend pas de la subjectivité de chacun. Elle est objective,
elle existe en soi. Elle est inscrite dans le cœur de l'homme à travers la "morale
naturelle", cette réponse, in fine, est donc Jésus Lui-même.
Ce texte, qui
semble annoncer le magistère de Benoît XVI, allait inévitablement susciter des critiques
acerbes et créer des remous aussi bien dans le monde laïc que parmi les catholiques,
renforçant l’image d’un « pape conservateur » et d’une « Eglise réactionnaire ». Un
texte à contre-courant des idées et de la mentalité ambiante. Une encyclique actuelle
comme cette formule si juste et pourtant décriée de Jean-Paul II : « la liberté a
besoin d’être libérée ». Romilda Ferrauto