Le Burkina Faso menacé par une crise politique et sociale
Ce week-end des milliers de Burkinabés, sympathisants de l’opposition, ont de nouveau
manifesté à Ouagadougou la capitale, contre la création d’un Sénat. Au même moment,
les conseillers municipaux votaient pour les délégués qui les représenteront dans
la future institution.
Selon l’opposition, ce Sénat coûtera trop cher et pourrait
permettre au président Blaise Compaoré, de modifier l’article 37 de la Constitution,
pour briguer un 5e mandat. La semaine dernière, deux documents ont alerté sur
la situation sociopolitique au Burkina Faso. L’International Crisis Group, l’ONG internationale
de prévention et de résolution des conflits et la Conférence Episcopale du Burkina
s’inquiètent, chacune de leur côté, du malaise politico-social qui touche ce pays
de l’Afrique de l’Ouest.
Le Burkina Faso peut-il devenir une poudrière
?
C’est la deuxième lettre publiée par des évêques de l’Eglise du Burkina.
La première date de 2010. A l’époque, les prélats s’étaient exprimé contre une possible
modification de la Constitution. Aujourd’hui, ils s’inquiètent des tensions sociales,
en augmentation au Burkina Faso depuis plusieurs années. « Il y a une menace,
si on ne fait pas attention on peut en arriver à l’éclatement de la crise. Alors l’Église
a décidé de faire comprendre qu’en fait quand elle attire l’attention sur le fait
que le Sénat n’est pas une urgence ce n’est pas pour jouer l’opposition, mais pour
attirer l’attention sur l’urgence qu’elle a à prendre en compte les problèmes réels
de la population », explique le père Joseph Kinda de l’Église du Burkina.
Aux
tensions sociales s’est ajouté une tension politique. Beaucoup de personnes de l’opposition
et de la société civile craignent que grâce au Sénat, le président Blaise Compaoré
modifie la Constitution et se représente. « L’Église ne pense pas que ça soit
judicieux pour le pays, pour la bonne marche du pays, de permettre au président de
briguer encore un autre mandat », comme l’explique le père Joseph Kinda.
L'opposition
n'aurait pas joué son rôle
Pour les évêques, l’opposition aurait pu éviter
une telle situation. Selon eux, elle n’a pas joué son rôle : « Ils ont joué la politique
du siège vide et ce point (la création du Sénat) est désormais un point constitutionnel.
Bien que la loi soit votée, une loi ne sert que si elle fait l’affaire du peuple »,
précise-t-il.
Pour Rinaldo Depagne, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à l’ONG
International crisis group, en plus de ne pas être suffisamment forte, l’opposition
alimente le malaise de la société burkinabé : « il y a d’un côté ceux qui sont contre
la modification de l’article 37 et ceux qui demandent au président Compaoré de se
représenter, c’est assez inquiétant ».
Si la question politique peut déstabiliser
le pays. Selon lui, il existe une autre menace, tout aussi importante : « Le Burkina
Faso est un pays où il y a une vraie facture sociale. Un pays pauvre mais qui a de
bons résultats économiques depuis plusieurs années et cette richesse n’est absolument
pas redistribuée. Ça aussi c’est dangereux, dans un pays qui a une tradition forte
de contestations sociales ».
Il y a donc urgence, il reste seulement deux ans
avant l’élection présidentielle de 2015.
Le père Joseph Kinda, chargé de
communication à la Conférence épiscopale du Burkina et Rinaldo Depagne, l’analyste
principal de l’International Crisis Group pour l’Afrique de l’Ouest, interrogés par
Audrey Radondy :
(photo
: une manifestation d'opposition à la création d'un sénat, à Ouagadougou, le 28 juillet
dernier)