Racisme primaire contre la première ministre noire d'Italie
En Italie, la ministre de l’intégration, la première et unique femme noire à être
entrée au gouvernement, Cécile Kienge exige que cessent immédiatement les propos racistes
dont elle est victime depuis sa nomination, notamment de la part du parti anti-immigrés
de la Ligue du Nord.
Vendredi, sur la côte adriatique près de Ravenne, un homme
lui a lancé sans l’atteindre deux bananes lors d’une conférence de son parti, le PD,
le parti démocratique. Sur l’estrade, elle a l’air désolée, mais décide, patiente
de ne pas relever l’acte clairement raciste : « avec tant de gens qui meurt de faim
et la crise, c’est tellement triste de gâcher ainsi de la nourriture », se contente
de dire la ministre. En mars, son arrivée au gouvernement a ému la frange la plus
à droite de l’échiquier politique italien. Depuis, Cécile Kyenge fait l’objet de
menaces et d’insultes.
Des propos racistes bêtes et méchants sur les réseaux
sociaux
Sur facebook des groupes contestent son arrivée au gouvernement
« Nous n’acceptons pas des leçons de civilisation du premier étranger qui passe »,
peut-on y lire. Les militants de la ligue et des Italiens que l’immigration dérange,
lui reproche sa volonté de faire voter une loi accordant la nationalité italienne
aux enfants nés en Italie de parents étrangers. Il lui reproche aussi le simple fait
d’être elle-même : femme, noire, née au Congo, médecin respectée à Modène et une politique
qui se sent à sa place.
Réagissant à un article intitulé « Les crimes des
immigrés », amalgame tristement banal, une conseillère municipale de la ligue du nord
s’interrogeait alors sur sa page facebook : « Mais pourquoi personne ne la viole jamais,
juste pour lui faire comprendre ce que peut éprouver la victime ». Une incitation
à la violence sexuelle qui lui valut l’exclusion de son parti, 13 mois de prison avec
sursis et trois ans d'interdiction de toute fonction officielle. Mais tous les élus
n’ont pas le même traitement.
Quand le racisme contre un ministre vient
d'un autre ministre
Roberto Calderoli reste vice-président du Senat, après
avoir pourtant comparé Cécile Kienge à un orang-outan mi-juillet. Une « honte » pour
le chef du gouvernement Enrico Letta qui demanda sa démission, avant de ne plus y
penser, inquiet pour la stabilité de son gouvernement. Le président italien mettant
lui en garde contre « le langage et le comportement sans frein et irresponsable des
politiques » qui peut conduire à une « désintégration de la société ». Depuis Roberto
Calderoli a présenté des excuses et envoyé un bouquet de fleurs à la ministre, l’invitant
comme gage de sa bonne volonté à la fête de la Ligue du Nord, le 3 août prochain en
Emilie-Romagne à Milano Marittima.
Cécile Kienge a accepté les fleurs, les
excuses et l’invitation sans polémique. Elle qui ne cesse de le répéter : « on ne
peut pas dire que l’Italie soit raciste, c’est un manque de connaissance de l’autre
et des phénomènes migratoires », comme si à force de le dire, les Italiens dans leur
ensemble en seront convaincus et accepteront mieux sa présence et celles des personnes
de couleur en Italie, qu’il s’agisse de migrants clandestins, régularisé ou d’enfants
de la seconde génération, nés sur le sol italien.
La patience de Cécile
Kienge mise à rude épreuve
Mais aujourd’hui, la patience de Cécile Kienge
s’amenuise. Sans élever la voix, elle prend acte de la récurrence des attaques ou
injures, du manque de respect dont témoignent les membres de la ligue du nord à son
égard. Elle demande au chef du parti xénophobe, Roberto Maroni, ex ministre de l’intérieur
de Silvio Berlusconi, de parler à ses militants et à ses dirigeants pour qu’il cesse
« immédiatement les attaques continuelles contre ma personne, des attaques qui blessent,
outre moi-même, la conscience civile de la majorité de ce pays ».
« Même si
l'on a des idées différentes », les personnes et les forces politiques doivent « se
confronter sur les idées et non à travers des insultes », a affirmé Cécile Kyenge
mardi 30 juillet. « C'est dans cet esprit » qu’elle a accepté de débattre avec Luca
Zaia, le gouverneur de Vénétie membre de la Ligue du nord. Aujourd’hui, elle affirme
qu’elle tiendra cet engagement uniquement si Roberto Maroni s’adresse aux sympathisants
de la Ligue du nord.
Depuis son élection, des mouvements comme San'Egidio ou
Pax Christi ont plusieurs fois pris publiquement la parole pour soutenir Cécile Kienge.
A la défendre également, son parti et des milliers d’abonnés à Twitter.