Bangladesh : les violences sont la «réaction d’un parti islamiste en déroute»
La police a tiré mardi sur une foule, au Bangladesh, protestant contre la condamnation
du chef spirituel du parti islamiste Jamaat-e-islami un jour plus tôt. Deux personnes
ont été tuées.
Ghulam Azam a été condamné lundi à 90 ans de prison pour des
atrocités commises sous sa responsabilité lors de la lutte pour l'indépendance du
pays contre le Pakistan en 1971. En réaction, ses partisans ont provoqué des émeutes
dans le sud-ouest du pays.
Pour Jérémie Codron, politologue spécialiste
du Bangladesh au Centre d’études de relations internationales à Paris, ces violences
ne sont pas surprenantes. Ce sont celles d’un parti qui tente désormais de survivre.
Il l’explique à Antonino Galofaro :
Cette violence
ne fait partie d’aucune stratégie politique. « Le parti est totalement en déroute,
explique Jérémie Codron. Le but du parti au pouvoir, de tendance laïc, consiste à
décapiter la Jamaat-e-islami, de l’éliminer de la scène politique bangladaise. »
Jamaat-e-islami,
un parti minoritaire, selon le politologue. Peu populaire « en vertu de son passé
lors de la guerre d’indépendance ». C’est encore un parti vu comme un parti de « collabos
», qui a lutté contre l’indépendance du Bangladesh aux côtés de l’armée pakistanaise.
« Il est stigmatisé, poursuit Jérémie Codron. Ce qu’il cherche à faire pour
l’instant, c’est essayer de garder la place qu’il avait dans le système politique,
une place qui doit correspondre à 10% du vote populaire. »
90 ans de prison
« Il a été prouvé que Ghulam Azam a été l'architecte des milices, dont
Peace Committee, Al Badr et Bazakar », a déclaré le juge en présence de l'accusé,
en fauteuil roulant, tandis que le tribunal était placé sous haute sécurité. Le nonagénaire
a toutefois échappé à la peine capitale au vu de son âge et de sa santé.
L'accusation
l'a comparé à Adolf Hitler pour son rôle de « guide » dans les massacres lors des
neuf mois de la sanglante guerre d'indépendance, qui a abouti à la naissance du Bangladesh,
jusqu'à alors province du Pakistan baptisée Pakistan oriental.
La sentence,
c’est celle du « Tribunal internationale des crimes ». Un tribunal contesté et, malgré
son nom, national. Pour Jérémie Codron, cette instance judiciaire peut être vue
comme un outil du gouvernement contre le parti islamiste :
Indépendance
Lors
de l'intervention de l'Inde à la fin du conflit, signifiant la défaite imminente du
Pakistan, les milices pro-Islamabad ont massacré des dizaines d'enseignants, de réalisateurs,
de médecins et de journalistes.
Ghulam Azam a notamment été présenté comme
le « cerveau » des meurtres d'intellectuels. De nombreux d'entre eux ont été retrouvés
quelques jours après la fin de la guerre dans un marécage à l'extérieur de Dacca,
les yeux bandés et les mains attachées derrière le dos.
(Photo : Ghulam
Azam, à la sortie du tribunal, lundi à Dacca)