« A notre époque, le bien commun est toujours plus menacé par la criminalité internationale
et organisée, par l’utilisation impropre du marché et de l’économie, par le terrorisme.
Il est donc nécessaire que la communauté internationale adopte des instruments juridiques
qui permettent de prévenir et de lutter contre la criminalité, en favorisant la coopération
judiciaire internationale en matière pénale ». Voici l’incipit de la lettre apostolique
du pape François rendue publique jeudi 11 juillet 2013. Le pape peaufine avec ce décret
la réforme entamée par Benoît XVI avec les lois décidées fin 2010 pour doter le Saint-Siège
d’instruments pour prévenir et lutter contre la criminalité, en favorisant la coopération
judiciaire internationale notamment en matière de recyclage et de terrorisme.
Le
Pape a publié un Motu Proprio, un décret, pour dépoussiérer les lois du plus petit
Etat au monde en matière pénale et les ajuster aux standarts internationaux en matière
financière et aux conventions internationales, ratifiées par le Vatican ; conventions
sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité ou sur les droits de l’enfant.
Le
compte-rendu de Marie Duhamel
«
Commerce, prostitution, enrôlement, violence sexuelle, pédopornographie, détention
de matériel pédopornographique ». C’est la première fois que ces mots apparaissent
dans le code pénal du Vatican et pour cause, le système pénal de l’Etat de la cité
du Vatican date de 1929 et des accord du Latran. Il est basé sur celui du Royaume
d’Italie qui remonte lui à 1889.
Avec ce Motu proprio, le pape définit donc
les crimes commis contre les mineurs, mais ce n’est pas tout, il introduit le délit
de torture, des formes criminelles relatives aux crimes contre l’humanité, tel le
génocide ou l’apartheid.
Apparait la notion de « procès juste » qui suppose,
précise un communiqué, le droit de se défendre ou la présomption d’innocence. Le pape
a aussi décidé de supprimer la prison à perpétuité, la substituant à une peine allant
de 30 à 35 ans de réclusion. Les nouvelles lois permettent également l'extradition
de ceux qui, accusés ou condamnés pour des délits liés au terrorisme à l'étranger,
se seraient éventuellement réfugiés dans l'Etat du Vatican.
Outre les personnes
physiques, les personnes juridiques pourront être jugées
Ces nouvelles
lois s’appliquent à tous les citoyens, employés du Vatican, membres de la Curie romaine,
mais aussi du Saint-Siège travaillant même à l’étranger comme dans les nonciatures.
Le juge de l’Etat de la Cité du Vatican pourra poursuivre outre les personnes physiques,
les personnes juridiques. Une institution Vaticane pourra donc être jugée et sanctionnée
si elle profitent d'activités criminelles commises par son organe ou ses salariés.
Enfin
un an après Vatileaks, le pape redéfinit le délit de divulgation d’information confidentiel.
Soulignons que ces lois rentreront en vigueur le 1er septembre prochain. Elle ne seront
pas rétroactives.
Soulignons que d'autres normes sont prévues pour adapter
encore plus la législation du Vatican aux recommandations de Moneyval pour la prévention
et la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Ci-dessous,
Mgr Dominique Mamberti, le Secrétaire pour les Relations avec les Etats, présente
ce Motu Proprio
Les lois approuvées hier par la Commission pontificale
pour l’Etat de la Cité du Vatican constituent une intervention normative de large
portée, nécessaire en raison du service que cet Etat, particulier et unique en son
genre, est appelé à accomplir au bénéfice du Siège apostolique. La finalité
originelle et fondamentale du Vatican, consistant à garantir la liberté d’exercice
du ministère pétrinien, requiert en effet un réajustement institutionnel faisant davantage
abstraction de son exiguïté territoriale pour revêtir une complexité qui, par certains
traits, est semblable à celle des états contemporains. Né avec les Accords
du Latran de 1929, l’Etat adopta en bloc le système juridique, civile et pénal du
Royaume d’Italie, convaincu que cette dotation était suffisante pour régler les rapports
de droit commun à l’intérieur d’un Etat dont la raison d’être réside dans le support
de la mission spirituelle du Successeur de Pierre. Le système pénal originel, constitué
du code pénal italien du 30 juin 1889 et du code de procédure pénale italien du 27
février 1913 (entrés en vigueur le 7 juin 1929) n’a ensuite connu que des
modifications marginales. La nouvelle loi sur les sources du droit (N. LXXI, du 1
octobre 2008) a même confirmé la législation pénale de 1929 bien qu’en attente d’une
redéfinition complète de la discipline. Bien que ne réformant pas en profondeur
le système pénal du Vatican, les récentes lois le révisent par certains aspects et
le complètent par d’autres, pour répondre à une pluralité d’exigences. Ces lois poursuivent
et développent, d’une part, l’ajustement du système juridique du Vatican aux paramètres
internationaux, en continuité avec l’action entreprise par Benoît XVI à partir de
2010, en vue de la prévention et de la lutte contre le blanchiment et le financement
du terrorisme. Dans cette perspective, il a notamment été prévu de réaliser les propositions
de la Convention des Nations-Unies de 2000 contre la criminalité organisée transnationale,
celles de la Convention des Nations-Unies de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants
et de substances psychotropes, celles de la Convention internationale de 1999 pour
la répression du financement du terrorisme, ainsi que d’autres conventions qui définissent
et caractérisent les pratiques terroristes. D’autre part, les nouvelles
lois introduisent d’autres délits criminels mentionnés dans diverses conventions internationales
déjà ratifiées par le Saint-Siège et qui sont désormais aussi mises en application
dans le système interne. On peut mentionner parmi celles-ci la convention de 1984
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,
la Convention internationale de 1965 sur l’élimination de toute forme de discrimination
raciale, la Convention de 1989 sur les droits de l’enfant et ses protocoles facultatifs
de 2000, les conventions de Genève de 1949 contre les crimes de guerre, etc. Un titre
à part a été consacré aux délits contre l’humanité, parmi lesquels le génocide et
les autres crimes prévus par le droit international coutumier, sur l’exemple des dispositions
du statut de Rome de la Cour pénale internationale de 1998. D’un point de vue substantiel,
enfin, on peut encore souligner la révision des délits contre l’administration publique,
dans la ligne des prévisions contenues dans la Convention des Nations-Unies de 2003
contre la corruption, de même que l’abolition de la peine de prison à perpétuité,
remplacée par la peine de réclusion criminelle de 30 à 35 ans. Malgré l’incontestable
nouveauté de nombreuses normes incriminantes contenues dans ces lois, il ne serait
toutefois pas correct de penser que les conduites sanctionnées par elles étaient auparavant
pénalement licites. Celles-ci étaient en effet punies de la même façon, sur le fondement
de crimes plus génériques et larges. Cependant, l’introduction de nouvelles dispositions
revient à identifier de façon plus certaine et plus précise les faits incriminés,
répondant ainsi aux paramètres internationaux par une adéquation des sanctions à la
gravité spécifique des faits. Certaines nouvelles formes criminelles introduites
(on pense aux délits contre la sécurité de la navigation maritime ou aérienne ou contre
la sécurité des aéroports ou des plateformes fixes) pourraient aussi apparaître excessives
vu la réalité géographique de l’Etat de la Cité du Vatican. De telles dispositions
remplissent cependant, d’une part, la fonction de respecter les paramètres internationaux
établis en matière de lutte contre le terrorisme, et, d’autre part, sont nécessaires,
par respect de la condition de la double punibilité”, afin de permettre l’extradition
de ceux qui, accusés ou condamnés pour de tels délits commis à l’étranger, se seraient
éventuellement réfugiés dans l’Etat de la Cité du Vatican. La “Responsabilité
administrative des personnes juridiques découlant de crime” (art. 46-51de la loi apportant
des normes complémentaires en matière pénale) mérite une attention particulière car
elle introduit des sanctions à la charge des personnes juridiques impliquées dans
des activités criminelles, selon la tendance normative aujourd’hui courante dans le
domaine international. A ce propos, on est parvenu à concilier le traditionnel adage,
observé aussi dans le système canonique, selon lequel Societas Puniri Non Potest avec
l’exigence, toujours plus perceptible dans le domaine international, d’établir
des sanctions adéquates et dissuasives à charge également des personnes juridiques
qui tirent profit de la commission de délits. La solution adoptée a donc été d’établir
la responsabilité administrative des personnes juridiques, dans les hypothèses bien
entendu où l’on peut démontrer que le délit a été commis dans l’intérêt ou à l’avantage
de la personne juridique même. D’importantes modifications sont aussi introduites
en matière de procédure. On peut mentionner parmi elles: la mise à jour de la confiscation
développée par l’introduction de la mesure du blocage préventif des biens (gel des
biens); l’énonciation explicite des principes du juste procès dans un délai raisonnable
et de la présomption d’innocence du prévenu; la reformulation de la norme relative
à la coopération judiciaire internationale avec l’adoption de mesures établies par
les conventions internationales plus récentes. Du point de vue de la technique
normative, la pluralité des sources à disposition des experts a été organisée par
leur combinaison dans un ensemble législatif harmonieux et cohérent qui, dans le cadre
du magistère de l’Eglise et de la tradition juridico-canonique, est considérable. Comme
source principale du droit du Vatican (art.1, al. 1, Loi n. LXXI sur les sources du
droit, du 1 octobre 2008), elle tient compte également des normes établies par les
conventions internationales et par la tradition juridique italienne auquel le système
du Vatican a toujours fait référence. Afin de mieux organiser et discipliner
une intervention normative aux contenus si larges, deux lois distinctes ont donc été
rédigées. Dans l’une, ont été rassemblées toutes les normes portant modifications
du code pénal et du code de procédure pénale, dans l’autre, ont été insérées les normes
dont les caractéristiques ne permettaient pas leur placement homogène à l’intérieur
de la structure du code et qui ont donc été placées dans une loi pénale a latere,
qui pour cette raison peut être considérée comme complémentaire. La réforme
pénale exposée jusqu’ici est enfin complétée par l’adoption par le Pape François d’un
Motu Proprio particulier, daté d’hier lui aussi, qui étend la portée des normes contenues
dans ces lois pénales aux membres, officiels et employés des différents organismes
de la Curie Romaine, des institutions qui lui sont liées, des administrations
dépendant du Saint-Siège et des personnes juridiques canoniques, ainsi qu’aux légats
pontificaux et au personnel diplomatique du Saint-Siège. Cette extension a pour but
de rendre passible de poursuite les crimes et délits prévus dans ces lois par les
organismes judiciaires de l’Etat de la Cité du Vatican, même dans le cas où l’infraction
a été commise en dehors des frontières de l’Etat. Parmi les lois adoptées
hier par la Commission pontificale pour l’Etat de la Cité du Vatican, se trouve la
loi sur les normes générales en matière de sanctions administratives. Cette loi avait
déjà été imaginée par l’art. 7 al. 4 de la Loi sur les sources du droit N. LXXI, du
1 octobre 2008, et porte sur la discipline générale et de principe pour l’application
de sanctions administratives. L’opportunité d’une telle discipline était
évoquée depuis longtemps, en raison aussi de l’importance croissante du délit administratif,
comme le Tertium Genus, intermédiaire entre l’infraction pénale et civile. Comme discipline
de principe, il devra être fait référence aux dispositions de cette loi à chaque fois
qu’une autre loi fixera l’application de sanctions administratives suite à une violation,
sans précision d’ailleurs de la procédure de poursuite, de l’autorité compétente et
des autres effets mineurs. Un des pivots du système introduit par la présente
loi est constitué par le principe de légalité, selon lequel les sanctions administratives
peuvent être appliquées seulement dans les cas prévus par la loi. La procédure est
articulée en une phase de vérification et de contestation de l’infraction de la part
des bureaux compétents, et une phase d’application de la sanction remise par voie
générale à la compétence de la Présidence du Gouvernorat. Est enfin prévu le droit
au recours et la compétence par matière du Juge unique, sauf en cas de sanctions les
plus graves qui relèvent de la compétence du Tribunal. En conclusion de
cette brève présentation, on peut observer combien les lois susmentionnées se distinguent
non seulement par leur incontestable importance substantielle et systématique, mais
aussi parce qu’elles constituent un autre pas significatif du législateur du Vatican
vers une mise en ordre complète nécessaire du système pour assumer et promouvoir ce
que la Communauté internationale propose de constructif et utile, en vue d’une plus
grande coopération internationale et de la poursuite plus efficace du bien commun.
Cet
article a été publié dans l'édition du 12 juillet de l'Osservatore Romano.