Crise sociale : la coalition se fragilise au Portugal
« Nous serons capables de surmonter nos difficultés politiques ». Le Premier ministre
portugais s’engage à poursuivre les réformes engagées dans son pays en échange d'une
aide internationale de 78 milliards d'euros accordée il y a deux ans, malgré la crise
traversée contre toute attente par son gouvernement de coalition.
Mercredi
à Berlin, Pedro Passos Coehlo a voulu rassuré ses partenaires européens. Plusieurs
leaders européens à commencer par le président de la commission européenne. « La situation
doit être clarifiée le plus vite possible », affirmait le Portugais José Manuel Barroso
qui en appelait, tout comme le patron de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, au « sens
des responsabilités » pour que les efforts accomplis par les Portugais, soumis à une
sévère cure de rigueur depuis deux ans, ne soient pas « vains ».
Et déjà
l'inquiétude des marchés
Mercredi, la bourse de Lisbonne a dévissé de près
de 6% entrainant avec elle dans le rouge la quasi-totalité des marchés européens.
Les taux d’emprunt à 10 ans du Portugal ont dépassé le seuil alarmant des 8% ce qui
n’était pas arrivé depuis novembre 2012. Les investisseurs tremblent, eux aussi, en
raison de la crise politique survenue lundi au Portugal. Quelques jours avant
la 28ème mission de la troïka à Lisbonne, le ministre des Finances Vitor
Gaspar a rendu sa démission. Il incarnait la politique d’austérité menée depuis deux
ans dans le pays. Sa démission fut suivie dans la foulée par celle de Paulo Portas,
le ministre des Affaires étrangères. Les raisons du premier, les limites voire l’échec
des politiques d’austérité, ne sont pas celles du second, plus politiques.
Yves
Léonard est spécialiste de l’histoire contemporaine du Portugal à Science po. Il est
interrogé par Marie Duhamel
«
Face au mécontentement croissant des Portugais, on sent que la coalition se fragilise
». Dans les motivations au départ de Paulo Portas, on évoque le désaveu qu’aurait
représenté pour lui la nomination de l’adjointe de Vitor Gaspar au poste de ministres
des finances. Il y aurait également des tensions depuis plusieurs mois, notamment
sur le dossier des retraites. Comme la population, Paulo Portas se montrait de plus
en plus critique à l’égard des mesures d’austérité.
Négociations en cours
pour sauver la coalition
Il ne veut pas revenir sur sa démission, mais
assure que les autres ministres membres de son parti resteront au gouvernement. Les
négociations avec le premier ministre Pedro Passos Coelho sont en cours.
Le
problème aujourd’hui est en effet, celui de la stabilité politique. Paulo Portas est
le d’une formation politique, un petit parti conservateur CDS-PP qui garantit la majorité
parlementaire au parti du premier ministre, le parti social-démocrate et donc le vote
des lois du gouvernement au parlement. Le retrait du CDS-PP de la coalition gouvernementale
serait un coup dur pour le premier ministre et par ricochet pour les mesures d’austérité
exigée par la troïka contre le plan de sauvetage du Portugal, mis en place il y a
deux ans.
Vers des élections anticipées
« La question qui se
pose est celles des élections anticipées », explique Yves Léonard qui souligne que
déjà, le chef de l’opposition a demandé à être reçu par le président portugais, Anibal
Cavaco Silva. La constitution prévoit que le chef de l’état puisse dissoudre l’Assemblée
nationale ; un pouvoir qui toutefois est surnommé « la bombe atomique » au Portugal.
En
Europe, la crise semble avoir radicaliser la vie politique, mais ce n’est « pour l’instant
pas le cas au Portugal ». Yves Léonard, spécialiste de l’histoire contemporaine portugaise,
y voit plusieurs raisons. Il n’y a pas de parti tel que Aube doré en Grèce. La contestation
du avant tout populaire et non syndicale ou politique, même si le parti socialiste
se mobilise pour canaliser la grogne sociale. Enfin, « nous sommes quarante ans après
la révolution de œillets et la fin de la dictature », souligne Yves Léonard. En quarante
ans l'Europe et l'Etat providence ont créé des amortisseurs sociaux qui jouent encore
un rôle de tampon. En outre, on note une reprise forte de l'émigration. Cela évite
un embrasement, mais « pour combien de temps encore ? », s'interroge le spécialiste
de l’histoire contemporaine portugaise.
Les Portugais et l'Europe, des liens
forts qui se dégradent. Les explications d'Yves Léonard
Photo : les deux minsitres qui ont quitté leur fonction. A gauche,
Paulo Portas et à droite, Vitor Gaspar.