"Chronique d'une mort oubliée", réapprendre les autres
Le prix catholique des médias décerné par la commission pour la communication et les
médias de la conférence des évêques suisses revient cette année à Pierre Morath pour
son documentaire “chronique d’une mort oubliée”. Il retrace l’enquête réalisée en
2005 suite à la mort de Michel Cristen, quinquagénaire bien entouré, dont le corps
fut pourtant oublié dans son appartement à Genève pendant deux ans et demi. Liens
sociaux, familiaux, solitude et superficialité des rapports humains sont autant de
thèmes soulevés par ce fait divers.
Témoignage de Pierre Morath, interrogé
par Jeanne Varaldi :
« Cet homme,
en apparence était effectivement bien entouré » confie Pierre Morath. Comment sa mort
a-t-elle donc pu être oubliée, ou comment, en d’autres termes, la solitude subsiste-t-elle
à l’heure où tout le monde cumule des centaines d’amis sur facebook, s’engage dans
des associations et reste hyperactif dans son travail ? Oui, car la mort oubliée de
Michel Cristen n’est pas un cas isolé. L’année dernière, un homme au corps momifié
fut ainsi retrouvé dans son appartement à Nice, 4 ans après son décès. Et plus encore,
combien de corps restent à terre quelques jours ou semaines après leur décès ?
Plus
qu’un fait divers, c’est une faute dont nous sommes tous responsables selon le réalisateur.
Et si le spectateur de ce documentaire se trouve dans une position inconfortable,
c’est bien parce qu’il n’a pas la conscience tranquille. Cette mort oubliée ne s’explique
en effet ni par une erreur humaine, ni par une déficience de notre système social
ou encore une solitude poussée à l’extrême, mais bien par notre mode de vie actuel.
« Le plus dramatique c’est que dans la logique de fonctionnement actuel de
nos services sociaux, de nos services postaux, de nos liens sociaux […] on en arrive
à oublier une personne pendant deux ans et demi » note le réalisateur. Il évoque plus
encore un « délitement de la vie familiale » et un lien social « phagocyté ». Les
relations semblent devenir plus superficielles, et le rapport à l’autre plus égoïste.
L’impératif catégorique de Kant semble ainsi bien être tombé dans l’oubli, selon Pierre
Morath, pour qui les relations ne sont « qu’une manière de trouver le propre miroir
de soi-même ». Alors on choisit la vérité qui dérange ou le mensonge qui rassure ?