Accords commerciaux UE-Etats-Unis : les points de désaccord s’accumulent
Les 27 ministres du commerce de l’Union Européenne doivent se mettre d’accord vendredi
au Parlement Européen sur une position commune à présenter au G8 pour le début des
négociations avec les Etats-Unis. La France, par la voix de son premier ministre,
a affirmé mercredi qu’elle n’hésiterait pas à utiliser son veto si ses revendications
en matière d’exception culturelle n’étaient pas écoutées. Cet accord, menacé avant
même le début des négociations, permettrait de potentialiser les échanges commerciaux
entre les deux géants et de soutenir les économies européennes et américaines qui
stagnent depuis 2008.
« L’exception culturelle » existe déjà dans les traités
européens. Elle permet l’exclusion des produits culturels classiques, comme les films,
la télévision et la musique, des accords de libre-échange. Ainsi, l’Union Européenne
et les Etats membres peuvent appliquer des quotas sur les produits venant des Etats-Unis
et subventionner les œuvres locales. Il est fort probable que cette exception, inscrite
dans les traités européens, soit conservée sous cette forme lors des nouveaux accords
commerciaux. Cependant la France demande plus : la protection des produits culturels
liés à l’environnement numérique pour lutter contre l’hégémonie des entreprises américaines.
Les différences culturelles peuvent-elles être surmontées ?
C’est
là où les 27 ne sont pas d’accord : la France, avec la Belgique, la Hongrie et la
Grèce à ses côtés, insiste sur cette condition alors que la Grande-Bretagne, la Suède
et le Danemark souhaitent à tout prix aller de l’avant. Ils sont conscients que si
l’Union Européenne exclut certains domaines des négociations, les Etats-Unis en feront
de même là où l’Europe a des intérêts. Un traité amputé de ses principales provisions
aurait des conséquences sur l’économie bien moindres que celles estimées aujourd’hui.
Cette
menace sur les accords commerciaux vient s’ajouter à une liste de préoccupations déjà
complexe. Les Européens refusent d’ouvrir l’accès aux grains et aux produits contenant
des organismes génétiquement modifiés. Ils s’alertent également de l’absence de protection
de leurs données numériques, surtout après le scandale sur la surveillance qui a éclaté
la semaine dernière aux Etats-Unis. Les Américains quant à eux sont réticents à ouvrir
leur agriculture, le transport maritime comme leurs produits financiers. Ils affirment
toutefois ne vouloir exclure aucune possibilité avant l’ouverture des négociations.
L’Union
Européenne aura certainement du mal à s’entendre avec son partenaire puisqu’ils ont
des critères de régulation différents. L’UE est beaucoup plus prudente en ce qu’elle
demande une preuve de la non-nuisance des innovations là où les Etats-Unis se contentent
de l’absence d’attestation de nocivité. Une fuite en avant dans un accord global avec
les Etats-Unis demande aux Européens de renoncer à une partie de leur culture, non
seulement la défense de leurs produits culturels mais également leur attention à la
protection de la santé et de l’environnement. Mais alors que la crise persiste, avec
la poursuite de la récession et l’explosion du chômage, les dirigeants européens seront
appelés vendredi à faire un choix fondamental. (J.Degosse)