« La Constitution hongroise remet en cause les valeurs de l'UE »
25 avril 2013 : une commission de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
a demandé l’ouverture d’une procédure de suivi à l’égard de la Hongrie. Le 14 ou le
15 juin, la Commission de Venise du Conseil de l’Europe doit adopter lors de sa session
plénière un vis sur le 4e amendement de la Constitution hongroise.
Le Conseil
de l’Europe, dont la raison d’être est la promotion et la défense des droits de l’Homme,
a la Hongrie dans sa ligne de mire. Les organisations de défense des droits de l’Homme
également, et notamment Human Rights Watch (HRW), qui le 16 mai dernier publiait un
rapport dénonçant les menaces pesant sur l’Etat de droit.
Depuis l’arrivée
au pouvoir en 2010 de Viktor Orban et de son parti, la Fidesz, et l’approbation d’une
nouvelle Constitution, la Hongrie s’est attirée bon nombre de critiques de la part
des institutions européennes et de ses partenaires de l’Union Européenne. La loi sur
la presse a été particulièrement montrée du doigt.
Critiques internationales
négligées
HRW montre que le gouvernement hongrois « a largement ignoré
les critiques en provenance de l’Union Européenne et du Conseil de l’Europe ». L’ONG
lui reproche d’avoir tenté « de contourner les règles contraignantes de la Cour constitutionnelle
hongroise visant à faire respecter les droits fondamentaux ».
Lydia Gall,
chargée de recherche pour les questions touchant aux Balkans et à l’Europe de l’Est
pour HRW, écrit que « les changements légaux mis en place par le gouvernement hongrois
sont en train d’éroder l’état de droit et de nuire à la protection des droits de l’Homme
».
Le gouvernement hongrois, face à toutes ces critiques, fait front et rejette
toutes les accusations, n’hésitant pas à jouer la carte du nationalisme pour maintenir
le soutien de la population à son égard.
Vraie menace sur l’Etat de droit
Mais
pour Jean-Michel De Waele, professeur de science politique à l’Université Libre de
Bruxelles et doyen de la faculté des sciences sociales et politique, l’ensemble de
ces critiques sont fondées. Il est interrogé par Xavier Sartre.
«
Tant au niveau de la Constitution, du droit des minorités, du droit de l’opposition,
du droit de la presse, du contrôle sur la Cour constitutionnelle, tout cela va vers
un rétrécissement des libertés et tout cela va dans la même direction : une vraie
menace envers l’Etat de droit » énumère le professeur.
Ce qui étonne le plus
l’universitaire, c’est « le peu d’émotions que cela suscite ». « Je ne comprends pas
que dans une période où l’UE est tellement mise à mal et tellement décriée, l’UE ne
se rende même pas compte qu’un Etat-membre est en train de sortir petit à petit des
valeurs qu’elle promeut à l’extérieur. Il y a un silence embarrassant », regrette
le doyen.
La crise préoccupe plus les Hongrois
« Viktor Orban
surfe sur la crise économique et sociale » qui affecte une large partie de la population.
Le Premier ministre « tente évidemment d’empêcher d’autres mouvements de contestation
de s’exprimer. L’opposition est décimée ; il n’y a pas de force politique contestatrice
ou alternative forte à l’heure actuelle » constate Jean-Michel De Waele.
Les
Hongrois ne semblent pas affectés par ces entorses à l’Etat de droit. En fait, ils
« sont divisés et vivent une crise économique et sociale considérable » et ces questions
de droit ne les intéressent pas au premier chef. De plus, « la société civile est
peu organisée, peu structurée ». Apathie de la population confrontée à des problèmes
concrets, apathie de l’Union européenne : Viktor Orban n’a pas à se soucier de l’appréciation
de ses réformes par quelques institutions comme le Conseil de l’Europe ou par des
ONG vigilantes.
(Photo : le Premier Ministre hongrois Viktor Orban)