MADAGASCAR : « Madagascar deviendra une terre de paix et de joie »
Face à la crise socio-politique à Madagascar, une assemblée plénière extraordinaire
des Evêques s’est tenue à l’Episcopat-Antanimena du 22 au 24 mai 2013. A la fin de
cette session, La Conférence Episcopale de Madagascar (CEM) a publié une lettre pastorale,
intitulée : « Dieu, bénis notre patrie, et Madagascar deviendra une terre de paix
et de joie » Voici l’intégralité de ce message : Que la Paix du Christ soit
toujours avec vous... Très chers Frères dans le Christ, Nous terminons le premier
semestre de l’année. Parmi les faits marquants que nous avons vécus ensemble, il y
a l’alternance entre les deux Papes Benoît et François qui nous ont donné un exemple
d’humilité, d’audace et d’amour de l’Eglise. Nous n’allons pas citer ici ce qui ont
été dit et écrit sur le sujet. Loin de nous décourager, tout cela a affermi notre
foi. La vie de l’Eglise continue, dans l’espérance et dans la charité. Pour ce
qui est de la vie de la nation, nous vous avons adressé de nombreux messages qui invitent
à la réflexion. Entre autres, celui du novembre 2012, destiné surtout aux responsables
politiques et à la Communauté Internationale. Nous confirmons ici que ce n’est pas
du ressort de l’Eglise de proposer un projet de société ou de nouvelles structures
d’Etat. Mais Eglise, Mater et Magistra (Mère et éducatrice), a le devoir de mettre
en garde contre ce qui mène à la dérive, et d’encourager à suivre de bons chemins.
Que vivons-nous actuellement et laisserons-nous comme héritage aux générations
futures ? Voilà plus de 50 ans que nous sommes indépendants, mais que constatons-nous
? La majorité des Malgaches vit dans la misère, et une infime minorité seulement dans
l’opulence. Il est triste de voir les riches et les puissants profiter ainsi des pauvres.
De plus, le nombre de familles divisées, la corruption, l’insécurité et un climat
général de violence ne cessent d’augmenter. L'abondance de nos richesses en ressources
naturelles contraste de manière saisissante avec la pauvreté ambiante de la grande
majorité de la population. Nous aurons bientôt du pétrole et avons déjà toutes sortes
de minéraux et de pierres précieuses, mais ce potentiel n’est pas transformé dans
le pays. Au lieu de créer des emplois et d’améliorer le niveau des Malgaches, il est
pillé par les multinationales. N’est-ce pas du vol caractéristique ? De plus, beaucoup
de ces sociétés échappent aux impôts, aussi bien dans notre pays que dans leur pays
d'origine, en plaçant leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, privant ainsi les
communautés locales des ressources qui leur reviennent de droit. Nos dirigeants sont
complices, ne pensant qu’à s’enrichir et ne se soucient en rien du bien commun. Nous
constatons également l’ingérence des étrangers dans nos affaires nationales par le
manque de volonté politique et par l’absence de tout sens patriotique de la part de
nos dirigeants. L’autorité de l’Etat est inexistante, elle ne protège plus le peuple,
elle n’est plus fiable. Le bien commun et le bien des personnes ne sont plus respectés.
Un nuage inquiétant s’étend sur les jeunes et sur des générations futures. Les essaims
de criquets qui recouvrent plus de la moitié de Madagascar, et que chacun regarde
sans aucune réaction, ne sont-ils pas l’image forte de ce que nous vivons ? Le pays
est moribond… Malgré ces nuages menaçants, des lueurs d’espoirs existent, qui nous
poussent à aller de l’avant. Ne nous laissons pas décourager par la situation alarmante
que nous vivons, levons-nous ! Le premier espoir vient ce que nombre de personnes
acceptent de reconnaître leur péché et décident de se convertir. Etant prêtes à se
réconcilier entre elles, elles deviennent, de ce fait, réconciliatrices. C’est là
une démarche conforme aux valeurs chrétiennes. Nous encourageons toutes ces personnes
à persévérer, et souhaitons que beaucoup d’autres entrent dans la même voie. Par
ailleurs, beaucoup mettent leur espoir dans les prochaines élections car elles sont
une expression de la souveraineté nationale. Nous demandons instamment que les citoyens
puissent exprimer librement leur choix, et que les résultats des différents scrutins
ne soient pas manipulés. Nous nous tournons vers les candidats aux prochaines
échéances électorales, à tous les niveaux. Que le bien commun et le respect des personnes
soient au centre de vos discours et de vos actes tout au long des campagnes électorales
à venir ; que la démagogie n’y ait pas sa place ; ne mettez pas notre pays aux enchères,
soyez fidèles à la parole donnée, et restez des personnes dignes de confiance. Vous
les hommes politiques de bonne volonté, vous les intellectuels, espoir de la nation,
vous les militaires, rempart du pays, vous les patriotes, ravivez les valeurs ancestrales
: l’attachement au Fihavanana (réconciliation et bonnes relations), l’amour de la
vie et la crainte de Dieu. Cela exigera de vous un changement de comportement, une
nouvelle gouvernance de la nation, et l’utilisation de nos richesses pour tous. Ainsi
notre pays deviendra-t-il indépendant et progressera-t-il pour le bien de tous. Nous
encourageons fortement tous ceux qui veulent réaliser cette ambition. « Ne te laisse
pas vaincre par le mal, mais triomphe du mal par le bien » (Rm 12, 21), pour le bien
de chacun et pour le salut du pays. Vous les jeunes, n’acceptez pas « le découragement
qui est une défaite ». Dans ce combat, prenez comme bouclier les valeurs positives
pour bâtir votre personnalité. Ainsi vous deviendrez des personnes responsables qui
construiront une nation prospère. Sachez prendre des leçons du passé pour ne pas refaire
les mêmes erreurs que certains de ceux qui vous ont précédés, mais retenez ce qui
a été positif pour faire mieux et porter haut l’avenir de notre patrie. Beaucoup,
avec raison, ont recours à la prière. Ils se tournent vers Dieu car ils sont convaincus
que rien n’est impossible à Dieu (Lc 1, 37). L’appel du Pape Benoit à se renouveler
et à prier, reste d’actualité : « Le Christ appelle constamment à la metanoia, la
conversion (Africae Munus n° 32). Nous vous proposons donc cette prière pour la paix,
en vous exhortant à la faire au sein de nos familles, de nos communautés, sur nos
lieux de travail, et partout où nous avons l‘habitude de nous rassembler. Restons
unis dans la prière.
PRIÈRE POUR LA PAIX Dieu, Père de la Miséricorde, Tu
nous as créés pour former une seule famille avec toi, Et tu ne cesses pas de nous
protéger pour notre bien. Nous n’avons pas su répondre à ton amour. Au contraire,
nous sommes éloignés de toi, Et nous voilà dans la difficulté. Nous nous sentons
perdus et peinés, Notre société est dominée par l’égoïsme et par la jalousie. La
famille souffre à cause des divisions, Beaucoup de jeunes sont noyés dans la violence
et dans la drogue, Et ceux qui en profitent vont jusqu’à faire couler le sang. Nous
nous tournons vers toi, Père. Nous implorons ton pardon. Embrase nos esprits
pour connaitre la justice, Unique source de paix. Fais-nous tendre nos mains
Pour nous mettre en relation avec les autres Et faire régner le fihavanana.
Ouvre nos cœurs pour savoir aimer même nos ennemis. Illumine nos collectivités
respectives Pour que nous sachions t’accueillir, toi notre Fihavanana. Bénis
notre vie quotidienne, Donne-nous ton Esprit Pour que nous sachions lutter
contre le mal. Nous te le demandons en union avec Marie, Mère de Jésus et notre
Mère, Reine de la paix. Amen Antananarivo, 24 mai 2013 (Signé par les évêques
malgaches)