2013-05-20 20:00:38

Enlèvements et tortures dans le Sinaï, une religieuse témoigne


Entretien. Les autorités égyptiennes ont envoyé lundi des renforts policiers dans le Sinaï, après l'enlèvement de membres des forces de sécurité et de nouvelles attaques contre les forces de l'ordre dans cette région en proie à une instabilité croissante. Au Caire, la présidence a indiqué « ne pas avoir négocié avec les criminels » ayant kidnappé trois policiers et quatre soldats jeudi, en affirmant que « toutes les options sont envisageables » pour obtenir leur libération.

Sept soldats et policiers enlevès

Lundi à l'aube, des hommes non identifiés ont tiré à l'arme lourde sur un camp de la police, dans le Nord-Sinaï, sans faire de victime. Plus tard dans la journée, des inconnus ont ouvert le feu sur un poste-frontière avec Israël réservé aux marchandises, Al-Ouga, à proximité d'un autre camp de la police égyptienne.

Ces incidents interviennent après l'enlèvement jeudi dans le Sinaï de sept soldats et policiers, qui dans une vidéo depuis retirée du site de partage YouTube ont indiqué que leurs ravisseurs exigeaient la libération de « militants politiques » bédouins détenus.

Les réfugiés, premières victimes des ravisseurs

D’autres destins tragiques sont également en jeu dans le Sinaï. Cette région est en effet le théâtre d’une tragédie qui dure depuis des années : le trafic systématique, les enlèvements, et la torture des réfugiés dans le désert avant leur entrée en Israël. Des histoires insupportables de douleur physique et émotionnelle, des histoires de mort que la sœur Azezet Kidane entend au quotidien.

La religieuse combonienne vit à Jérusalem et lutte depuis des années contre le trafic des personnes dans le Sinaï. Elle a reçu en 2012, le Prix des Héros de la part du département d’Etat américain. Mari Duhamel l’a rencontrée, elle revient sur cette histoire tragique qui continue de se dérouler sous les yeux d’une communauté internationale irresponsable selon elle. Écoutez sœur Azezet Kidane RealAudioMP3


Au début ça a commencé par le trafic d’êtres humains, des passeurs promettaient beaucoup de choses à ceux qui voulaient se rendre en Israël, en échange ils devaient payer entre 1 500 euros et 3 500 dollars. Le trajet pour venir en Israël se faisait dans des conditions extrêmes. Les migrants étaient entassés dans des camions, ils étaient échangés à d’autres trafiquants en cours de route, c’est horrible.
Régulièrement, certains passeurs arrivaient avec plusieurs jours de retard à un rendez-vous. Les migrants devaient attendre sans nourriture, ni eau, beaucoup mourraient.
Mais surtout ces derniers temps il y a eu une augmentation de la torture en échange d’argent, ça a commencé lorsque le nombre de candidats à l’émigration s’est réduit.

Les passeurs ont dû trouver d’autres solutions, alors ils ont commencé à kidnapper des personnes en Ethiopie et en Erythrée. Ils les emmènent de force dans le Sinaï et ils les torturent, par exemple, le 13 février dernier, une femme a été tuée. Ils lui ont coupé la langue et l’ont tellement torturée qu’elle en est morte. Elle était handicapée. Ils ont envoyé un message à son frère mais personne ne pouvait payer pour elle. Les ravisseurs demandaient 13 000 ou 14 000 dollars.

Avez-vous déjà parlé avec les preneurs d’otages ?

Quelques fois, ils m’ont appelé mais je leur ai dit que je ne voulais parler à personne. Je ne l’ai jamais fait, je ne veux pas les rencontrer. Ce sont des criminels, plus on s’implique et plus les otages seront torturés parce que les kidnappeurs pensent que nous sommes une grosse organisation et qu’on peut les aider. C’est pour cette raison qu’on ne doit pas être en contact avec eux.

Mais nous savons qui sont ces kidnappeurs ?

Amnesty international a une liste avec tous les noms des ravisseurs et des bourreaux. Les victimes également nous disent qui sont les kidnappeurs et où ils se trouvent, mais la communauté internationale reste silencieuse bien que les médias en parlent régulièrement. Des gens meurent, personne ne fait rien, c’est ma plus grande peine. Nous avons pourtant fait parler des centaines de victimes devant des journalistes de tous les pays du monde, mais personne ne fait un pas en avant pour venir en aide à ces personnes qui souffrent et qui continuent de mourir.(Entretien réalisé par Marie Duhamel)

(Photo : migrants dans le Sinaï)







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