Non aux particularismes, le pape invite les mouvements ecclésiaux à marcher ensemble
dans l’Église
Ce dimanche pour la fête de la Pentecôte qui célèbre la venue de l’Esprit Saint sur
les apôtres le 50ème jour après Pâques, le pape préside une messe place Saint Pierre
en présence de dizaines de milliers de fidèles venant du monde entier et appartenant
à quelque 142 mouvements d’Eglise, communautés nouvelles ou associations laïques (l’action
catholique italienne, les Focolari, Communion et Libération, le Chemin néo-catéchuménal,
Chemin neuf, les Légionnaires du Christ, la fraternité Pentecôte, la communauté du
Magnificat ou celle de l’Emmnanuel). Le compte-rendu de Marie Duhamel
Dans
son homélie, François appelle à réfléchir sur trois paroles liées à l’action de l’Esprit
Saint : nouveauté, harmonie, mission.
« La nouveauté nous fait toujours un
peu peur, parce que nous nous sentons plus rassurés si nous avons tout sous contrôle
(…) Et cela arrive aussi avec Dieu. Souvent, nous le suivons, nous l’accueillons,
mais jusqu’à un certain point (…) Mais, la nouveauté que Dieu apporte dans notre vie
est ce qui vraiment nous réalise, ce qui nous donne la vraie joie, la vraie sérénité,
parce que Dieu nous aime et veut seulement notre bien ».
Quand nous voulons
faire l’unité selon nos desseins humains, nous finissons par apporter l’uniformité
L’Harmonie. « Si nous nous laissons guider par l’Esprit, la richesse,
la variété, la diversité ne deviennent jamais conflit, parce qu’il nous pousse à vivre
la variété dans la communion de l’Église ». en revanche, « quand c’est nous qui voulons
faire la diversité et que nous nous fermons sur nos particularismes, sur nos exclusivismes,
nous apportons la division ; et quand c’est nous qui voulons faire l’unité selon nos
desseins humains, nous finissons par apporter l’uniformité, l’homogénéité ». Le pape
invite ainsi les fidèles à « marcher ensemble dans l’Église, guidés par les pasteurs
qui ont un charisme et un ministère particuliers ». « L’ecclésialité est une caractéristique
fondamentale pour chaque chrétien, pour chaque communauté, pour chaque mouvement.
C’est l’Église qui me porte le Christ et qui me porte au Christ ; les chemins parallèles
sont dangereux ! »
Avons-nous tendance à nous enfermer en nous-mêmes ?
Enfin
la mission. « Les théologiens anciens disaient : l’âme est une espèce de bateau à
voile, l’Esprit Saint est le vent qui souffle dans la voile pour le faire avancer,
les impulsions et les poussées du vent sont les dons de l’Esprit ». « L’Esprit Saint
nous fait voir l’horizon et nous pousse jusqu’aux périphéries existentielles pour
annoncer la vie de Jésus Christ. Demandons-nous si nous avons tendance à nous enfermer
en nous-mêmes, dans notre groupe, ou si nous laissons l’Esprit nous ouvrir à la mission
».
Vous êtes une richesse pour l'Eglise
A l'issue de la messe,
le pape a prononcé à midi le traditionnel Regina Caeli: « Je voudrais remercier tous
les mouvements, toutes les associations, les communautés et groupes ecclésiaux. Vous
êtes un don et une richesse pour l'Eglise », leur a-t-il dit.
Homélie
intégrale du pape François pour la messe de la Pentecôte
Chers frères
et sœurs, En ce jour, nous contemplons et revivons dans la liturgie l’effusion
de l’Esprit Saint opérée par le Christ ressuscité sur son Église ; un évènement de
grâce qui a rempli le cénacle de Jérusalem pour se répandre dans le monde entier. Mais
que se passe-t-il en ce jour si éloigné de nous, et pourtant si proche au point de
rejoindre l’intime de notre cœur ? Saint Luc nous offre la réponse dans le passage
des Actes des apôtres que nous avons entendu (2, 1-11). L’évangéliste nous ramène
à Jérusalem, à l’étage supérieur de la maison dans laquelle sont réunis les Apôtres.
Le premier élément qui attire notre attention est le fracas qui vint soudain du ciel,
« pareil à celui d’un violent coup de vent » et remplit la maison ; puis « une sorte
de feu qui se partageait en langues », et se posait sur chacun des Apôtres. Fracas
et langues de feu sont des signes précis et concrets qui frappent les Apôtres, non
seulement extérieurement, mais aussi au plus profond d’eux-mêmes : dans l’esprit et
dans le cœur. La conséquence est que « tous furent remplis du Saint Esprit » qui libère
son dynamisme irrésistible, avec des résultats surprenants : « Ils se mirent à parler
en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit ». S’ouvre alors
devant nos yeux un tableau tout à fait inattendu : une grande foule se rassemble et
s’émerveille parce que chacun entend parler les Apôtres dans sa propre langue. Tous
font une expérience nouvelle, jamais arrivée auparavant : « Nous les entendons parler
dans nos langues ». Et de quoi parlent-ils ? « Des merveilles de Dieu ». A
la lumière de ce passage des Actes, je voudrais réfléchir sur trois paroles liées
à l’action de l’Esprit : nouveauté, harmonie, mission. 1. La nouveauté nous
fait toujours un peu peur, parce que nous nous sentons plus rassurés si nous avons
tout sous contrôle, si c’est nous-mêmes qui construisons, programmons, faisons des
projets pour notre vie selon nos plans, nos sécurités, nos goûts. Et cela arrive aussi
avec Dieu. Souvent, nous le suivons, nous l’accueillons, mais jusqu’à un certain point
; il nous est difficile de nous abandonner à Lui avec pleine confiance, laissant l’Esprit
Saint être l’âme, le guide de notre vie dans tous les choix ; nous avons peur que
Dieu nous fasse parcourir des chemins nouveaux, nous fasse sortir de notre horizon
souvent limité, fermé, égoïste, pour nous ouvrir à ses horizons. Mais, dans toute
l’histoire du salut, quand Dieu se révèle, il apporte la nouveauté, il transforme
et demande de se confier totalement à Lui : Noé construit une arche, raillé par tous,
et il se sauve ; Abraham laisse sa terre avec seulement une promesse en main ; Moïse
affronte la puissance du pharaon et guide le peuple vers la liberté ; les Apôtres,
craintifs et enfermés dans le cénacle, sortent avec courage pour annoncer l’Évangile.
Ce n’est pas la nouveauté pour la nouveauté, la recherche du nouveau pour dépasser
l’ennui, comme il arrive souvent de nos jours. La nouveauté que Dieu apporte dans
notre vie est ce qui vraiment nous réalise, ce qui nous donne la vraie joie, la vraie
sérénité, parce que Dieu nous aime et veut seulement notre bien. Demandons-nous :
sommes-nous ouverts aux « surprises de Dieu » ? Ou bien nous fermons-nous, avec peur,
à la nouveauté de l’Esprit Saint ? Sommes-nous courageux pour aller par les nouveaux
chemins que la nouveauté de Dieu nous offre ou bien nous défendons-nous, enfermés
dans des structures caduques qui ont perdu la capacité d’accueil ? 2. Une
seconde idée : l’Esprit Saint, apparemment, semble créer du désordre dans l’Église,
parce qu’il apporte la diversité des charismes, des dons ; mais tout cela au contraire,
sous son action, est une grande richesse, parce que l’Esprit Saint est l’Esprit d’unité,
qui ne signifie pas uniformité, mais ramène le tout à l’harmonie. Dans l’Église, c’est
l’Esprit Saint qui la fait, l’harmonie. Un des Pères de l’Église a une expression
qui me plaît beaucoup : l’Esprit Saint « ipse harmonia est ». Lui seul peut susciter
la diversité, la pluralité, la multiplicité et, en même temps, opérer l’unité. Ici
aussi, quand c’est nous qui voulons faire la diversité et que nous nous fermons sur
nos particularismes, sur nos exclusivismes, nous apportons la division ; et quand
c’est nous qui voulons faire l’unité selon nos desseins humains, nous finissons par
apporter l’uniformité, l’homogénéité. Si au contraire, nous nous laissons guider par
l’Esprit, la richesse, la variété, la diversité ne deviennent jamais conflit, parce
qu’il nous pousse à vivre la variété dans la communion de l’Église. Le fait de marcher
ensemble dans l’Église, guidés par les pasteurs qui ont un charisme et un ministère
particuliers, est signe de l’action de l’Esprit Saint ; l’ecclésialité est une caractéristique
fondamentale pour chaque chrétien, pour chaque communauté, pour chaque mouvement.
C’est l’Église qui me porte le Christ et qui me porte au Christ ; les chemins parallèles
sont dangereux ! Quand on s’aventure, en allant au-delà de (proagon) la doctrine et
de la Communauté ecclésiale et qu’on ne demeure pas en elles, on ne s’est pas unis
au Dieu de Jésus Christ (cf. 2 Jn 9). Demandons-nous alors : suis-je ouvert à l’harmonie
de l’Esprit Saint, en dépassant tout exclusivisme ? Est-ce que je me laisse guider
par lui en vivant dans l’Église et avec l’Église ? 3. Le dernier point.
Les théologiens anciens disaient : l’âme est une espèce de bateau à voile, l’Esprit
Saint est le vent qui souffle dans la voile pour le faire avancer, les impulsions
et les poussées du vent sont les dons de l’Esprit. Sans sa poussée, sans sa grâce,
nous n’avançons pas. L’Esprit Saint nous fait entrer dans le mystère du Dieu vivant
et nous sauve du danger d’une Église gnostique et d’une Église auto-référentielle,
fermée sur elle-même ; il nous pousse à ouvrir les portes pour sortir, pour annoncer
et témoigner la bonne vie de l’Évangile, pour communiquer la joie de la foi, de la
rencontre avec le Christ. L’Esprit Saint est l’âme de la mission. Ce qui est arrivé
à Jérusalem il y a près de deux-mille ans n’est pas un événement éloigné de nous,
c’est un événement qui nous rejoint, qui se fait expérience vivante en chacun de nous.
La Pentecôte du cénacle de Jérusalem est le commencement, un commencement qui se prolonge.
L’Esprit Saint est le don par excellence du Christ ressuscité à ses Apôtres, mais
il veut qu’il parvienne à tous. Jésus, comme nous l’avons entendu dans l’Évangile,
dit : « Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour
toujours avec vous » (Jn 14, 16). C’est l’Esprit Paraclet, le « Consolateur », qui
donne le courage de parcourir les routes du monde en portant l’Évangile ! L’Esprit
Saint nous fait voir l’horizon et nous pousse jusqu’aux périphéries existentielles
pour annoncer la vie de Jésus Christ. Demandons-nous si nous avons tendance à nous
enfermer en nous-mêmes, dans notre groupe, ou si nous laissons l’Esprit nous ouvrir
à la mission. La liturgie d’aujourd’hui est une grande prière que l’Église
avec Jésus élève vers le Père, pour qu’il renouvelle l’effusion de l’Esprit Saint.
Que chacun de nous, chaque groupe, chaque mouvement, dans l’harmonie de l’Église,
se tourne vers le Père pour demander ce don. Aujourd’hui encore, comme à sa naissance,
avec Marie, l’Église invoque : « Veni Sancte Spiritus ! – Viens, Esprit-Saint, pénètre
le cœur de tes fidèles ! Qu’ils soient brûlés au feu de ton amour ! ». Amen.