L’argent doit servir et non pas gouverner! Le Pape a tenu un discours très ferme devant
les ambassadeurs du Kirghizstan, d’Antigua et Bardua, du Grand-duché de Luxembourg
et du Bostwana. François a reçu vers 11h00 dans la salle Clémentine les nouveaux accrédités
près le Saint-Siège venus lui présentés leurs lettres de créances. Le Pape leur a
demandé d’être les promoteurs d’une société plus éthique tout en condamnant la spéculation
financière et la soif d’argent sans limites.
L'argent et ses conséquences
tragiques
L’acceptation de l’empire de l’argent sur les êtres et sur les
sociétés est intolérable. C’est en substance ce qu’a voulu expliqué le Pape dans son
discours. Les mots du souverain pontife n’ont jamais été aussi durs envers l’adoration
de l’argent et ses conséquences tragiques. Précarité quotidienne, peur et désespérance
même dans les pays riches, joie de vivre qui s’amenuise, indécence et violence qui
prennent de l’ampleur et pauvreté toujours plus criante. Pire encore, l’être humain
est considéré aujourd’hui comme étant lui-même un bien de consommation qu’on peut
utiliser et jeter. « Le fétichisme de l’argent et la dictature de l’économie sans
visage, ni but vraiment humain nous fait oublier le primat de l’homme » rappelle le
Pape.
L’écart entre riches et pauvres ne fait que s’accroître
Dans
un tel contexte la solidarité qui est le trésor du pauvre est souvent considéré comme
contre-productive contraire à la rationalité financière et économique. L’écart entre
riches et pauvres ne fait que s’accroître. S’installe alors une nouvelle tyrannie
invisible qui impose ses lois et ses règles. La corruption tentaculaire et l’évasion
fiscale égoïste prennent des dimensions mondiales. « La volonté de puissance et de
possession est sans limite » dénonce le Pape. Derrière cette attitude se cache le
refus de l’éthique, le refus de Dieu. L’éthique dérange selon François, car l’éthique
conduit vers Dieu et relativise l’argent et le pouvoir.
Un appel à la solidarité
désintéressée
En effet, « Dieu est considéré par les financiers, économistes
et politiques comme dangereux puisqu’il appelle l’homme à sa réalisation plénière
et à l’indépendance des esclavages en tous genres ». Une situation qu’il faut transformer.
L’argent doit servir et non pas gouverner ! Le Pape appelle ainsi les ambassadeurs
à réaliser une réforme financière qui soit éthique et qui entraine une réforme économique
salutaire pour tous. Le pape aime tout le monde : les riches comme les pauvres. Mais
le Pape a le devoir au nom du Christ de rappeler au riche qu’il doit aider le pauvre,
le respecter, le promouvoir. C’est un appel à la solidarité désintéressée.
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: )
Discours du Pape en français :
Messieurs les
Ambassadeurs, Je suis heureux de vous accueillir à l’occasion de la présentation
des Lettres vous accréditant comme Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires
de vos pays respectifs près le Saint-Siège : le Kirghizstan, Antigua et Barbuda, le
Grand-duché de Luxembourg et le Botswana. Les paroles aimables que vous m’avez adressées,
et dont je vous remercie vivement, témoignent que les Chefs d’État de vos pays ont
le souci de développer des relations d’estime et de collaboration avec le Saint-Siège.
Je vous saurais gré de bien vouloir leur transmettre mes sentiments de gratitude et
de respect, et l’assurance de mes prières pour leur personne et pour leurs compatriotes.
Messieurs les Ambassadeurs, notre humanité vit en ce moment comme un tournant de
son histoire, eu égard aux progrès enregistrés en divers domaines. Il faut faire l’éloge
des acquis positifs qui contribuent au bien-être authentique de l’humanité dans les
domaines de la santé, de l’éducation et de la communication par exemple. Toutefois,
il y a lieu de reconnaître aussi que la plupart des hommes et des femmes de notre
temps continuent de vivre dans une précarité quotidienne aux conséquences funestes.
Certaines pathologies augmentent, avec leurs conséquences psychiques ; la peur et
la désespérance saisissent les cœurs de nombreuses personnes même dans les pays dits
riches ; la joie de vivre s’amenuise ; l’indécence et la violence prennent de l’ampleur
; et la pauvreté devient plus criante. Il faut lutter pour vivre, et pour vivre souvent
indignement. L’une des causes de cette situation, à mon avis, se trouve dans le rapport
que nous entretenons avec l’argent, et dans notre acceptation de son empire sur nos
êtres et nos sociétés. Ainsi la crise financière que nous traversons, nous fait oublier
son origine première située dans une profonde crise anthropologique. Dans la négation
du primat de l’homme ! On s’est créé des idoles nouvelles. L’adoration de l’antique
veau d’or (cf. Ex 32, 15-34) a trouvé un visage nouveau et impitoyable dans le fétichisme
de l’argent, et dans la dictature de l’économie sans visage, ni but vraiment humain.
La crise mondiale qui touche les finances et l’économie semble mettre en lumière
leurs difformités, et surtout la grave déficience de leur orientation anthropologique
qui réduit l’homme à une seule de ses nécessités : la consommation. Et pire encore,
l’être humain est considéré aujourd’hui comme étant lui-même un bien de consommation
qu’on peut utiliser, puis jeter. Cette dérive se situe au niveau individuel et sociétal.
Et elle est promue ! Dans un tel contexte, la solidarité qui est le trésor du pauvre,
est souvent considérée comme contre-productive, contraire à la rationalité financière
et économique. Alors que le revenu d’une minorité s’accroît de manière exponentielle,
celui de la majorité s’affaiblit. Ce déséquilibre provient d’idéologies promotrices
de l’autonomie absolue des marchés et de la spéculation financière, niant ainsi le
droit de contrôle aux États chargés pourtant de pourvoir au bien-commun. S’installe
une nouvelle tyrannie invisible, parfois virtuelle, qui impose unilatéralement, et
sans recours possible, ses lois et ses règles. En outre, l’endettement et le crédit
éloignent les pays de leur économie réelle, et les citoyens de leur pouvoir d’achat
réel. A cela s’ajoute, si besoin en est, une corruption tentaculaire et une évasion
fiscale égoïste qui ont pris des dimensions mondiales. La volonté de puissance et
de possession est devenue sans limite. Derrière cette attitude se cache le refus
de l’éthique, le refus de Dieu. Tout comme la solidarité, l’éthique dérange ! Elle
est considérée comme contre-productive ; comme trop humaine, car elle relativise l’argent
et le pouvoir ; comme une menace, car elle refuse la manipulation et l’assujettissement
de la personne. Car l’éthique conduit vers Dieu qui, lui, se situe en-dehors des catégories
du marché. Dieu est considéré par ces financiers, économistes et politiques, comme
étant incontrôlable, dangereux même puisqu’il appelle l’homme à sa réalisation plénière
et à l’indépendance des esclavages de tout genre. L’éthique - une éthique non idéologique
naturellement - permet, à mon avis, de créer un équilibre et un ordre social plus
humains. En ce sens, j’encourage les maîtres financiers et les gouvernants de vos
pays, à considérer les paroles de saint Jean Chrysostome : « Ne pas faire participer
les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont
pas nos biens que nous détenons, mais les leurs » (Homélie sur Lazare, 1, 6 : PG 48,
992D). Chers Ambassadeurs, il serait souhaitable de réaliser une réforme financière
qui soit éthique et qui entraînerait à son tour une réforme économique salutaire pour
tous. Celle-ci demanderait toutefois un changement courageux d’attitude des dirigeants
politiques. Je les exhorte à faire face à ce défi, avec détermination et clairvoyance,
en tenant certes compte de la particularité de leurs contextes. L’argent doit servir
et non pas gouverner ! Le Pape aime tout le monde : les riches comme les pauvres.
Mais le Pape a le devoir au nom du Christ, de rappeler au riche qu’il doit aider le
pauvre, le respecter, le promouvoir. Le Pape appelle à la solidarité désintéressée,
et à un retour de l’éthique pour l’humain dans la réalité financière et économique.
L’Église, pour sa part, travaille toujours pour le développement intégral de toute
personne. En ce sens, elle rappelle que le bien commun ne devrait pas être un simple
ajout, un simple schéma conceptuel de qualité inférieure inséré dans les programmes
politiques. Elle encourage les gouvernants à être vraiment au service du bien commun
de leurs populations. Elle exhorte les dirigeants des entités financières à prendre
en compte l’éthique et la solidarité. Et pourquoi ne se tourneraient-ils pas vers
Dieu pour s’inspirer de ses desseins ? Il se créera alors une nouvelle mentalité politique
et économique qui contribuera à transformer l’absolue dichotomie entre les sphères
économique et sociale en une saine cohabitation. Pour terminer, je salue chaleureusement,
par votre entremise, les pasteurs et les fidèles des communautés catholiques présentes
dans vos pays. Je les invite à continuer leur témoignage courageux et joyeux de la
foi et de l’amour fraternel enseignés par le Christ. Qu’ils n’aient pas peur d’apporter
leur contribution au développement de leurs pays, en ayant des initiatives et des
attitudes inspirées par les Saintes Écritures ! Et au moment où vous inaugurez votre
mission, je vous offre, Messieurs les Ambassadeurs, mes vœux les meilleurs, vous garantissant
le soutien des services de la Curie romaine pour l’accomplissement de votre fonction.
À cette fin, j’invoque bien volontiers sur vous et sur vos familles, ainsi que sur
vos collaborateurs l’abondance des Bénédictions divines