Rome bouillonne, l’univers médiatique s’agite et spécule, mais l’Eglise universelle
veille. Les cœurs et les esprits sont en prière, l’attente est grande.
C’est
en substance ce que nous dit le père Nicolas Buttet, prêtre, modérateur de la fraternité
Eucharistein et fondateur de l’institut Philanthropos. « Je sens un besoin de prière
énorme », nous confie-t-il. « On se rend bien compte que Benoît XVI a porté à bout
de cœur, à bout de bras, à bout de force cette Eglise, et ce combat spirituel de notre
temps ». Car l’enjeu, poursuit-il, est « capital ».
Ecoutez l'entretien
de Manuella Affejee avec le père Nicolas Buttet :
La définition
du Temps chez les Grecs, rappelle le père Buttet, repose sur deux concepts-clefs :
le Kronos, la succession des années, et le Kairos, l’occasion, le basculement, ou
le temps de la visite de Dieu. « Nous sommes dans un kairos, véritablement maintenant»,
affirme-t-il. L‘enjeu dont ce Kairos serait porteur « dépasse toutes les stratégies
qu’on pourrait lire ou voir, mais rejoint vraiment l’enjeu du salut du monde ». Et
dans ce cas précis, la prière reste, pour le père Buttet, « la première arme et le
premier moyen pour faire avancer les choses ».
L’urgence d’un renouveau
spirituel de l’Eglise
Les avis sont unanimes : les chantiers s’annoncent
colossaux pour l’Eglise. L’ignorance, la sécularisation massive, la confrontation
à la modernité et à un relativisme souvent hostile, les questions bioéthiques et morales,
les fondamentalismes religieux, sont les principaux défis qui attendent le futur pape.
Ce travail d’évangélisation du monde doit, pour beaucoup de fidèles, s’accompagner
d’un vrai renouveau au sein même de l’Eglise et de la Curie romaine, éclaboussées
par des scandales retentissants. Le Cardinal Philippe Barbarin n’avait pas hésité
à l’affirmer avec force sur nos ondes : «Quand l ’Eglise, composée de pêcheurs que
nous sommes, trahit ostensiblement son Seigneur et l’Evangile, c’est une honte ».
Le constat est partagé par Nicolas Buttet, qui cite le philosophe français Jacques
Maritain : « Il y a l’Eglise, sa personne qui est sainte, et son personnel qui laisse
à désirer ».
Pour le père Buttet, la réduction de la Curie à une dimension
essentiellement administrative a porté atteinte à l’essence même de sa mission. «
Dès qu’on met les pieds là-dedans, on peut très facilement se laisser prendre à une
logique de pouvoir, et non plus de service », déplore-t-il. C’est une vision humaine
et organisationnelle des choses qui se serait, peu à peu, imposée, au détriment d’une
vision de foi, « d’une vision théologale ». La curie n’est pas « une administration
comme les autres », précise Nicolas Buttet.
La dimension administrative, qui
requiert « rigueur et compétence » ne doit certes pas être négligée, mais la mission
de la curie va bien au-delà. Ce dont l’Eglise et la curie ont besoin, « en urgence
», continue le père, « c’est d’un renouveau théologal et spirituel profond ». Cette
« purification » préconisée par certains, cette « réorientation », -préfère dire Nicolas
Buttet-, passe par une « évangélisation de la curie », et par une « remise en perspective
de la finalité sa mission», qui n’est rien de moins que l’évangélisation du monde.
Une
Eglise « simple et pauvre »
C’est en effet à un monde marqué par la présomption
et l’angoisse, que l’Eglise doit apporter l’Espérance. Le défi est « terrible » pour
Nicolas Buttet, mais « l’Eglise a la réponse ». « Il ne faut pas qu’elle se perde
en débats liturgiques ou idéologiques, ajoute-il, mais qu’elle ramène ce regard de
foi ». L’annonce prophétique et décomplexée de la Bonne nouvelle du Salut : voilà
« la réponse la plus scandaleuse et guérissante pour notre monde », affirme le père.
A l’Eglise donc de se renouveler, de redevenir « simple et pauvre », et d’adapter
son langage. « Le monde d’aujourd’hui a plus besoin de témoins que de maîtres, et
s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont avant tout des témoins », conclue
le père Buttet.
Manuella Affejee
(Photo: obélisque Place Saint Pierre,
Ettore Ferrari, Ansa)