Venezuela : Chavez et l'église, une relation houleuse
Du fait de la vacance du siège apostolique, et de l’absence de Pape en ce moment au
Vatican, c’est le collège cardinalice qui a envoyé jeudi 7 mars un message de condoléances
après le décès mardi dernier du président vénézuélien, Hugo Chavez. En salle du Synode
au Vatican, lors de la 5ème congrégation générale, le doyen du sacré collège,
le cardinal Angelo Sodano a lu un télégramme au nom de tous, adressé aux plus hautes
autorités de l’Etat vénézuélien.
Mercredi, l’archevêque de Caracas, le cardinal
Jorge Urosa Savino a indiqué qu’il célèbrerait ce vendredi à 19 heures à Rome, une
messe à la mémoire du défunt. Il a par ailleurs invité les autorités à « appliquer
les mécanismes prévus par la constitution » et à garantir « le calme et l’harmonie
du peuple ». Ce n’est pas la première fois que l’Eglise vénézuélienne insiste sur
ce respect de Constitution au nom de la démocratie, car l’heure n’a pas toujours été
à l’apaisement lors des 14 années au pouvoir d’Hugo Chavez. Les relations entre le
bolivarien et l’Eglise ont même été houleuses.
Les explications de Manuella
Affejee
Le
11 mai 2006, Hugo Chavez était reçu par Benoît XVI en audience au Vatican. De manière
exceptionnelle, le Pape, aujourd’hui émérite, avait remis une lettre au président
vénézuélien. Le Saint-Siège était inquiet et rappelait dans ce document le fait que
le Pape est libre dans les nominations épiscopales. Benoît XVI s’inquiétait d’un projet
de réforme de l’enseignement dans laquelle la religion n’aurait plus eu sa place et
exigeant enfin le maintien d’une indépendance pour les médias catholiques.
Un
message que le président Chavez ne semble pas avoir entendu puisqu’en 2010, contre
la Constitution vénézuélienne, il eut l’intention de confisquer la chaîne de télévision
appartenant à l'archevêché de Caracas, Vale TV, pour « la remettre au peuple ».
En
2009, des prêtres inquiets mettaient en garde contre certaines atteintes à la démocratie
dans leurs homélies, avant de subir des intimidations du pouvoir. En 2009, dans un
entretien accordé, apparemment de manière anonyme, à Aide à l’Eglise en Détresse,
un évêque vénézuélien affirmait : « sans voir que l’Eglise catholique ne cherche
qu’à faire entendre sa voix face à certaines injustices, Chavez estime que
l’Eglise est une ennemie du socialisme du XXI° siècle chaque fois que celle-ci se
montre critique vis-à-vis du gouvernement…».
L'Eglise pour un constant
respect de la Constitution
En juillet dernier, la tension était à son comble.
L’archevêque de Caracas s’était attiré les foudres du gouvernement qu’il avait accusé
d’acheminer le pays vers une dictature marxiste. Le président Chavez l’avait traité
de « troglodyte » et demandait la révision du Concordat avec l’Eglise. A la suite
de ces déclarations respectives, le cardinal Urosa Savino était invité à s’exprimer
à l’Assemblée nationale. Librement, il avait déclaré que le « socialisme marxiste
» prôné par Hugo Chavez s’apparentait au communisme, rappelant également que la Constitution
du pays garantissait les droits de chaque citoyen, et donc également des évêques,
concernant « la participation libre » dans la vie nationale.
Les choses s’étaient
apaisées jusqu’à un discours de campagne du Président sortant où le candidat Chavez
se référait à Dieu et à la mission qu'il en aurait reçu. Ce discours suscita cette
réaction de Mgr Baltazar Porras, interrogé par le journal La Verdad : « Ce que
je pense, et je le dis, c'est que certains manipulent la religion. [...] Avoir le
pouvoir ne fait pas de vous un demi-dieu ». L’archevêque de Mérida poursuivant
: « Chavez se vend comme étant le Sauveur d'une Apocalypse. Son message est
clair: se présenter éternellement aux élections afin d'être réélu jusqu'à la mort
».
A la suite de son opération mi-décembre, les évêques avaient à plusieurs
reprises appelé à prier pour le malade, demandant cependant toujours le respect de
la Constitution, car rappelait début janvier Mgr Diego Rafael Padrón Sánchez, l’archevêque
de Cumaná et président de la conférence épiscopale, « Ce qui est en jeu, c’est le
bien commun du pays et la défense de l’éthique »
Les funérailles nationales
d’Hugo Chavez sont prévues vendredi. au Venezuela la constitution prévoit ne nouvelle
élection présidentielle dans les 30 jours.
Photot : Une messe le 12
janvier dernier pour la convalescence d'Hugo Chavez.