Le dialogue avec les lefebvristes aura été l’un des dossiers les plus emblématiques
du pontificat de Benoît XVI. « Son principal souci, c’est qu’il est le pasteur du
troupeau, affirme Nicolas Senèze, responsable-adjoint du service religieux du quotidien
La Croix, et qu’il doit guérir les blessures de l’unité de ce troupeau », au risque
de susciter l’incompréhension et la critique. En 1988, Benoît XVI, alors Cardinal-préfet
de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, avait tenté d’empêcher le schisme,
né des divergences d’interprétation du Concile Vatican II, en menant les négociations
avec Mgr Lefebvre. « Devenu pape, il a donc eu ce souci de résoudre ce schisme et
de guérir cette blessure », analyse Sènèze.
Un véritable fossé doctrinal
«
Personne ne pourra lui reprocher d’avoir tout fait justement, pour ramener les lefebvristes
dans la pleine communion du troupeau de l’Eglise ». Benoît XVI aura ainsi satisfait
aux trois demandes formulées par les lefebvristes : la libéralisation du Missel de
St Pie V, le levée des excommunications, et l’ouverture de discussions doctrinales
sur le Concile Vatican II ; discussions qui se sont tenues pendant deux ans, sous
l’égide de la Congrégation pour la doctrine de la Foi. Et qui auront permis à Benoît
XVI de prendre pleine mesure du fossé doctrinal qui pouvait séparer les lefebvristes
de l’Eglise catholique.Car les divergences, en réalité, ne portent pas tant sur l’interprétation
du Concile, que sur son existence même et sa légitimité. « Vous avez, d’un côté, des
gens qui veulent que l’Eglise catholique annule Vatican II, et (de l’autre côté) Rome
et un pape qui ont bien conscience que ce concile fait partie de la tradition de l’Eglise
», analyse Sénèze. Mais le discours de Benoît XVI à la curie, en 2005, ne laissait
place à aucune équivoque : il n’était pas question de revenir sur le concile.
Nouveau
pape, nouvelles perspectives
Benoît XVI aurait-il finalement échoué sur
le dossier lefebvristes ? « Non », selon Nicolas Sénèze, pour qui le pape aura plutôt
contribué à clarifier les choses, en vue de laisser un dossier « gérable » à son successeur.
Le chantier reste donc ouvert, mais le dialogue sera totalement différent, pour la
simple et bonne raison que Benoît XVI est le dernier pape à avoir vécu et participé
activement au concile. Les cardinaux électeurs n’étaient, pour les plus âgés d’entre
eux, que jeunes prêtres à cette époque ! « On aura donc un pape qui n’aura pas été
un acteur du Concile, et pour qui le Concile sera un élément intangible du passé de
l’Eglise », observe Sénèze. Cette vision nouvelle influera de manière certaine et
radicale sur les négociations. « Je pense que les lefebvristes ont laissé passer la
porte », constate encore Sénèze. Et certaines voix au sein même de la curie romaine
ne se privent pas de le laisser entendre clairement : « il faudra maintenant que les
lefebvristes nous disent s’ils sont catholiques… ou pas ».
Nicolas Senèze,
responsable-adjoint du service religieux du quotidien La Croix est interrogé
par Manuella Affejee