"L'Eglise a besoin d'une réforme morale" : entretien avec Lucetta Scaraffia
ENTRETIEN. A l’heure des bouleversements historiques que connaît l’Eglise,
nombreuses sont les voix qui s’élèvent, plaidant en faveur d’un vrai renouveau au
sein du Vatican, tant dans ses structures, que dans sa moralité. Lucetta Scaraffia,
historienne, journaliste, et coordonnatrice du supplément féminin mensuel de l’Osservatore
Romano, est une de ces voix.
Période charnière pour l’Eglise
Les
récents événements font apparaitre deux constats majeurs, selon l’historienne. La
renonciation de Benoît XVI au ministère pétrinien, inviterait ainsi à une profonde
réflexion sur la vieillesse et la fragilité. «L’allongement de la vieillesse ne signifie
pas forcément l’allongement de la jeunesse», analyse-t-elle. Ce qui n’est pas sans
poser problème pour «les charges de longue durée».
L’Eglise, poursuit Lucetta
Scaraffia, s’apprête, quant à elle, à vivre «des moments difficiles». Sa mission d’évangélisation
rencontre, en effet, l’opposition de plus en plus vive des sociétés sécularisées,
et la corruption qu’on peut trouver en son sein, menace directement la crédibilité
de son témoignage.
Poursuivre le travail de Benoît XVI contre la pédophilie
Les
défis s’annoncent donc majeurs pour l’Eglise : d’abord «la purification des charges
élevées», et la lutte contre la pédophilie. Le travail initié par Benoît XVI sur ce
dossier doit être poursuivi et porté à réalisation. La place des femmes, lesquelles
forment les deux-tiers du monde religieux et des fidèles, reste également, pour Lucetta
Scaraffia, un enjeu crucial.
Aucune place ne leur est encore accordée dans
les structures décisionnelles : «cela n’est plus possible dans un contexte de confrontation
avec les sociétés laïques, où les femmes ont rejoint la parité avec les hommes», affirme
Scaraffia, qui ne se prononce pas pour autant pour un sacerdoce des femmes. «Les femmes-prêtres
ne sont pas nécessaires» pour que la femme puisse trouver sa juste place dans l’Eglise.
Une
vraie réforme...morale
Les problèmes internes de l’Eglise restent à résoudre.
D’aucuns prônent avec force la nécessité de réformes institutionnelles, afin d’en
améliorer le fonctionnement. Mais Lucetta Scaraffia va encore plus loin : il s’agit
pour elle d’entreprendre plutôt une « réforme morale » de l’Eglise, qui « substituerait
les gens corrompus par ceux qui ne le sont pas », et qui forment la majorité dans
l’Eglise ; une réforme qui primerait « la méritocratie et la vraie humilité ». C’est
en cela que Benoît XVI a montré le chemin : l’homme n’est pas la charge qu’il porte. (Manuella
Affejee)
Ecoutez l'entretien réalisé avec Lucetta Scaraffia :