Le discours de David Cameron sur l’Europe était très attendu. Maintes fois reporté
depuis l’automne dernier, le Premier ministre britannique s’est enfin prononcé mercredi
matin en faveur d’un référendum portant sur le maintien ou non du Royaume-Uni au sein
de l’Union européenne. « il est temps que les Britanniques aient leur mot à dire »
a-t-il déclaré.
Se prononçant à titre personnel en faveur du maintien de son
pays parmi les 27, David Cameron a affirmé qu’il voulait que « l’Europe soit un succès
». Il n’empêche, cette décision qui devrait se concrétiser en 2017, date fixée par
le chef du gouvernement britannique, jette un froid en Europe même si cette proposition
avait été anticipée.
David Cameron a mis clairement en lumière le fossé grandissant
entre le Royaume-Uni qui pointe davantage sur une Union économique et financière et
un continent majoritairement plus tendu vers une Union politique. L’adoption de l’euro
et la crise de la monnaie commune a d’ailleurs accéléré les débats en montrant les
limites d’une simple union monétaire sans une union au minimum budgétaire sinon politique.
Cameron en faveur du maintien
« Je veux que l’approfondissement
du marché unique soit notre mission première » a-t-il ainsi déclaré. La nouvelle relation
que David Cameron appelle de ses vœux entre l’Union européenne et le Royaume-Uni est
une « relation centrée sur le marché unique ». Pour légitimer cette volonté de renégocier
les liens qui unissent Londres au continent, il relève soigneusement toutes les manifestations
de mécontentement ou de « frustration » qui essaiment en Europe depuis plusieurs années.
« Les gens sont de plus en plus frustrés que des décisions prises de plus
en plus loin de chez eux pèsent sur leurs conditions de vie à cause de l'austérité
ou que leurs impôts soient utilisés pour renflouer des gouvernements de l'autre côté
du continent. Nous commençons à le voir au travers des manifestations dans les rues
d'Athènes, de Madrid et de Rome. Nous le voyons dans les parlements de Berlin, Helsinki
et La Haye. Et bien sûr, nous voyons cette frustration s'exprimer très fortement au
Royaume-Uni » a-t-il ainsi déclaré.
L’objectif premier du Premier ministre
conservateur est donc de redéfinir les relations entre son pays et Bruxelles. Il prend
bien garde cependant de ne pas vouloir couper les ponts : « je veux un meilleur accord
pour la Grande-Bretagne, mais pas seulement. Je veux aussi un meilleurs accord pour
l’Europe ». Précisant que « si nous ne répondons pas à ces défis, le danger est que
l’Europe échoue et que les Britanniques dérivent vers la sortie ».
Ménager
les eurosceptiques
Mais derrière cette décision, il y a des « raisons
de politiques intérieures » selon François-Charles Mougel, professeur d’histoire contemporaine
à Sciences-Po Bordeaux. « Le parti conservateur est très divisé sur la question européenne
» et d’autres partis sont en faveur, au mieux d’un « réaménagement des relations avec
l’Union européenne voire d’un retrait » précise-t-il. « Le parti conservateur a donc
besoin de refaire son unité sur cette question » ajoute-t-il.
Sur la question
de la renégociation, le chercheur considère là de « la moins mauvaise solution qu’a
pu trouver Cameron ». Cela « lui permet de maintenir l’unité de sa coalition » avec
les libéraux-démocrates qui sont pro-européens, et « de donner satisfaction à une
partie de sa majorité et de l’opinion ».
Mais la stratégie de David Cameron
n’est pas exempte de risque. Si le Premier ministre se déclare pro-européen, qu’en
sera-t-il de la population britannique d’ici 2017 ? François-Charles Mougel espère
que « les milieux économiques feront pression sur l’opinion, notamment la City, le
patronat en général, mais aussi les syndicats qui trouvent dans l’Union européenne
une large capacité d’influence et d’expression ». Le spécialiste de la Grande-Bretagne
compte aussi sur les autres principaux partis politiques, parti travailliste et libéral-démocrate
qui « se sont dissociés de cette décision ».
Mise en garde européenne
Face
à ces partisans du maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne, il y a une
partie « de la classe moyenne qui redoute le déclassement, des milieux populaires
qui sont aussi inquiets de la perte d’identité du Royaume-Uni et qui sont soumis à
une presse souvent volontiers europhobe ». Ce ne sont pas « forcément les jeunes,
ou les décideurs de la classe moyenne ou supérieure ».
De leurs côtés, les
partenaires européens du Royaume-Uni se sont montrés assez critiques. Le ministre
français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a rétorqué « qu’on ne peut pas faire
l’Europe à la carte ». Même son de cloche chez son homologue allemand, Guido Westerwelle,
pour qui « choisir à la carte n’est pas une option ». Le président du Parlement européen,
Martin Schulz, suspecte David Cameron « de jouer un jeu dangereux avec cette proposition
de référendum pour des raisons tactiques et de politique intérieure ».
L’échéance
de 2017 est assez lointaine pour espérer que la grogne britannique se tasse ou que
l’opinion outre-manche retrouve un peu de sérénité en même temps que l’Union européenne
règle ses problèmes qui sont bien réels et qui ne font pas que mécontenter les Britanniques
mais bien tous les Européens. (XS)
François-Charles Mougel, professeur d’histoire
contemporaine à Sciences-Po Bordeaux, interrogé par Xavier Sartre :
(Photo
: le premier ministre britannique David Cameron, le 23 janvier)