2013-01-24 07:19:44

Dossier : Le défi européen de David Cameron


Le discours de David Cameron sur l’Europe était très attendu. Maintes fois reporté depuis l’automne dernier, le Premier ministre britannique s’est enfin prononcé mercredi matin en faveur d’un référendum portant sur le maintien ou non du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. « il est temps que les Britanniques aient leur mot à dire » a-t-il déclaré.

Se prononçant à titre personnel en faveur du maintien de son pays parmi les 27, David Cameron a affirmé qu’il voulait que « l’Europe soit un succès ». Il n’empêche, cette décision qui devrait se concrétiser en 2017, date fixée par le chef du gouvernement britannique, jette un froid en Europe même si cette proposition avait été anticipée.

David Cameron a mis clairement en lumière le fossé grandissant entre le Royaume-Uni qui pointe davantage sur une Union économique et financière et un continent majoritairement plus tendu vers une Union politique. L’adoption de l’euro et la crise de la monnaie commune a d’ailleurs accéléré les débats en montrant les limites d’une simple union monétaire sans une union au minimum budgétaire sinon politique.

Cameron en faveur du maintien

« Je veux que l’approfondissement du marché unique soit notre mission première » a-t-il ainsi déclaré. La nouvelle relation que David Cameron appelle de ses vœux entre l’Union européenne et le Royaume-Uni est une « relation centrée sur le marché unique ». Pour légitimer cette volonté de renégocier les liens qui unissent Londres au continent, il relève soigneusement toutes les manifestations de mécontentement ou de « frustration » qui essaiment en Europe depuis plusieurs années.

« Les gens sont de plus en plus frustrés que des décisions prises de plus en plus loin de chez eux pèsent sur leurs conditions de vie à cause de l'austérité ou que leurs impôts soient utilisés pour renflouer des gouvernements de l'autre côté du continent. Nous commençons à le voir au travers des manifestations dans les rues d'Athènes, de Madrid et de Rome. Nous le voyons dans les parlements de Berlin, Helsinki et La Haye. Et bien sûr, nous voyons cette frustration s'exprimer très fortement au Royaume-Uni » a-t-il ainsi déclaré.

L’objectif premier du Premier ministre conservateur est donc de redéfinir les relations entre son pays et Bruxelles. Il prend bien garde cependant de ne pas vouloir couper les ponts : « je veux un meilleur accord pour la Grande-Bretagne, mais pas seulement. Je veux aussi un meilleurs accord pour l’Europe ». Précisant que « si nous ne répondons pas à ces défis, le danger est que l’Europe échoue et que les Britanniques dérivent vers la sortie ».

Ménager les eurosceptiques

Mais derrière cette décision, il y a des « raisons de politiques intérieures » selon François-Charles Mougel, professeur d’histoire contemporaine à Sciences-Po Bordeaux. « Le parti conservateur est très divisé sur la question européenne » et d’autres partis sont en faveur, au mieux d’un « réaménagement des relations avec l’Union européenne voire d’un retrait » précise-t-il. « Le parti conservateur a donc besoin de refaire son unité sur cette question » ajoute-t-il.

Sur la question de la renégociation, le chercheur considère là de « la moins mauvaise solution qu’a pu trouver Cameron ». Cela « lui permet de maintenir l’unité de sa coalition » avec les libéraux-démocrates qui sont pro-européens, et « de donner satisfaction à une partie de sa majorité et de l’opinion ».

Mais la stratégie de David Cameron n’est pas exempte de risque. Si le Premier ministre se déclare pro-européen, qu’en sera-t-il de la population britannique d’ici 2017 ? François-Charles Mougel espère que « les milieux économiques feront pression sur l’opinion, notamment la City, le patronat en général, mais aussi les syndicats qui trouvent dans l’Union européenne une large capacité d’influence et d’expression ». Le spécialiste de la Grande-Bretagne compte aussi sur les autres principaux partis politiques, parti travailliste et libéral-démocrate qui « se sont dissociés de cette décision ».

Mise en garde européenne

Face à ces partisans du maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne, il y a une partie « de la classe moyenne qui redoute le déclassement, des milieux populaires qui sont aussi inquiets de la perte d’identité du Royaume-Uni et qui sont soumis à une presse souvent volontiers europhobe ». Ce ne sont pas « forcément les jeunes, ou les décideurs de la classe moyenne ou supérieure ».

De leurs côtés, les partenaires européens du Royaume-Uni se sont montrés assez critiques. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a rétorqué « qu’on ne peut pas faire l’Europe à la carte ». Même son de cloche chez son homologue allemand, Guido Westerwelle, pour qui « choisir à la carte n’est pas une option ». Le président du Parlement européen, Martin Schulz, suspecte David Cameron « de jouer un jeu dangereux avec cette proposition de référendum pour des raisons tactiques et de politique intérieure ».

L’échéance de 2017 est assez lointaine pour espérer que la grogne britannique se tasse ou que l’opinion outre-manche retrouve un peu de sérénité en même temps que l’Union européenne règle ses problèmes qui sont bien réels et qui ne font pas que mécontenter les Britanniques mais bien tous les Européens. (XS)

François-Charles Mougel, professeur d’histoire contemporaine à Sciences-Po Bordeaux, interrogé par Xavier Sartre : RealAudioMP3

(Photo : le premier ministre britannique David Cameron, le 23 janvier)







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