« Les Algériens ont bien compris qu'il faudrait séparer religion et état »
Le Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal l’a confirmé : Mokhtar Belmokhtar est
à l’origine de la prise d’otages sanglante dans le gigantesque complexe gazier d'In
Amenas, à 1300 km au sud-est d'Alger. Et le bilan, bien qu’encore provisoire, est
lourd. Au moins 37 otages étrangers ont été tués, de huit nationalités différentes.
Parmi
les étrangers confirmés morts par leurs pays figurent un Français, trois Américains,
deux Roumains, trois Britanniques, six Philippins et sept Japonais. Les autres dépouilles
n’ont pas encore été identifiées et cinq étrangers sont encore portés disparus. La
Norvège, la Malaisie et les Philippines ont aussi indiqué être sans nouvelles de plusieurs
de leurs ressortissants.
Selon le premier ministre algérien, le commando islamiste
est venu du nord du Mali, "d'où il est parti il y a près deux mois", soit bien avant
le début de l'intervention militaire française dans ce pays, contre laquelle les assaillants
ont dit agir.
"Onze Tunisiens, trois Algériens, un Mauritanien, deux Nigériens,
deux Canadiens, des Egyptiens et des Maliens" composaient le groupe de 32 hommes,
dont 29 ont été tués et trois arrêtés, précise Abdelmalek Sellal.
Ils étaient
dirigés par l'Algérien Mohamed el-Amine Benchenab, très connu des services de renseignements
et qui a été tué durant l'assaut de l'armée, débuté jeudi, a précisé M. Sellal.
Souvenir
de la décennie noire
Un Algérien figure aussi parmi les victimes. Des otages
qui ont été pour certains « abattus d’une balle dans la tête », a précisé le Premier
ministre.
Le terrorisme, que la population algérienne a déjà connu dans les
années 90. Le pays avait été marquée par une décennie noire pendant laquelle le gouvernement
s’est opposé aux groupes islamistes. Un conflit qui a fait plus de 60'000 morts. Est-ce
que la prise d'otages d'In Amenas a réveillé de vieux souvenirs au sein de la population
algérienne ?
En Algérie depuis 43 ans, le père blanc Jan Heuft estime que
la population algérienne a pris ses distances avec le terrorisme religieux. Il est
interrogé par Marie Duhamel
« Aujourd'hui,
nous sommes arrivés à un stade, explique père Heuft, où les gens ont bien compris
qu'il faudrait séparer la religion et l'Etat. Bien que religieux, ils sont très prudents
».
Le père Heuft n'a pas été surpris par la prise d'otage d'In Aménas : «
J'avais dit que cela pouvait arriver. De fait, c'est arrivé. Je ne suis pas étonné,
vu la manière joviale et très hospitalière avec laquelle le président François Hollande
avait été accueilli [à Alger, le mercredi 19 décembre], vu que les avions [français]
peuvent traverser le ciel algérien, vu que les terroristes sont poussés vers le nord.
Une représaille envers les étrangers sur le territoire algérien risquait bien d'arriver.
»
Peur de répressailles
Le père blanc raconte que les médias
sur place détaillent énormément la prise d'otage, mais pas la population. « Ils ont
très peur, analyse-t-il. Peur des représailles. Au fond d'eux-même, ils ne sont pas
d'accord, tout en gardant une certaine méfiance envers l'Occident. Il faut dire aussi
que ce sont tous des croyants, qui ont aussi une certaine solidarité avec les musulmans
: il est très difficile de condamner des frères musulmans qui font de mauvaise chose.
Mais d'un autre côté, ils ont honte que des musulmans puissent faire des choses pareilles.»
(Photo
: des cercueils pour les victimes de la prise d'otage)