Mercredi, le jour même où la Cour suprême du Pakistan prenait la décision spectaculaire
d’ordonner l’arrestation du Premier ministre pour corruption, plongeant un peu plus
la scène politique nationale dans le chaos, cette même Cour suprême a pris une décision
très significative pour la petite communauté chrétienne du Pakistan et les défenseurs
du droit des personnes dans le pays : saisis de « l’affaire Rimsha Masih », les juges
suprêmes ont définitivement acquitté cette jeune chrétienne, handicapée mentale, faussement
accusée en août dernier d’avoir profané le Coran.
Il a suffi d’une seule audience
pour que le président de la Cour suprême, le juge Iftikhar Muhammad Chaudhary, connu
pour ses arrêts en faveur de la défense des droits des simples citoyens et contre
la corruption de la classe politique, confirme l’acquittement de Rimsha Masih prononcé
par la Haute Cour d’Islamabad le 20 novembre 2012.
L'avocat de la jeune
fille se félicite de l'arrêt de la Cour Suprême
L’audience s’étant déroulée
en l’absence de Rimsha Masih, placée avec sa famille dans un lieu tenu secret depuis
sa remise en liberté sous caution le 7 septembre 2012, ce sont les avocats de la jeune
fille qui ont commenté la décision de justice. Tahir Naveed Chaudhry s’est « évidemment
félicité » de l’arrêt de la Cour suprême, qui « clôt définitivement les poursuites
» engagées contre la jeune chrétienne. Cette décision de justice « envoie un message
positif à la communauté internationale, signifiant ainsi qu’au Pakistan la justice
peut être rendue équitablement pour tous », a déclaré l’avocat, ajoutant que « la
société (pakistanaise) [s’était] levée pour la justice et la tolérance ».
Accaparée
par les turbulences politiques créées par une importante marche anti-corruption menée
par un imam pakistano-canadien ainsi que par l’ordre d’arrestation lancé contre le
Premier ministre Raja Pervaiz Ashraf, la presse pakistanaise n’a consacré que très
peu d’espace à la nouvelle de l’acquittement définitif de Rimsha Masih. Ce relatif
silence contraste avec l’intense agitation médiatique qui avait suivi l’arrestation
de la jeune fille, puis le coup de théâtre de sa remise en liberté après qu’une enquête
de police eut montré que le manuel coranique qu’elle était censé avoir brûlé l’avait
en réalité été par un imam de son voisinage désireux de chasser les chrétiens de son
quartier.
D'autres chrétiens attendent un jugement, dont Asia Bibi
Si
« l’affaire Rimsha Masih » a permis un temps à l’opinion publique de s’interroger
sur la nécessité d’une refonte des lois anti-blasphèmes et sur les conditions de leur
application, l’acquittement par la Haute Cour d’Islamabad puis aujourd’hui par la
Cour suprême sera utilisé par les partisans du maintien en l’état des lois anti-blasphème
comme la preuve que le système judiciaire pakistanais fonctionne et est capable d’innocenter
des victimes accusées à tort.
D’autres chrétiens attendent que la justice se
prononce sur leur sort et ne disposent d’aucune garantie quant à leur éventuel acquittement.
C’est le cas d’Asia Bibi, dont le cas a mobilisé l’attention de la communauté internationale
et qui vient de passer son quatrième Noël en prison dans l’attente de son procès en
appel après avoir été, en 2010, condamnée à mort en première instance. C’est aussi
le cas de Martha Bibi, une chrétienne elle aussi accusée de blasphème ; remise en
liberté sous caution en 2007, elle attend son procès en appel à Lahore.
Selon
un décompte publié par l’agence Fides, il existe aujourd’hui au Pakistan trente-six
personnes condamnées pour blasphème : seize d’entre elles se trouvent dans les couloirs
de la mort dans l’attente de leur exécution et vingt autres purgent une peine de prison
à perpétuité.(Eglise d'Asie)