2013-01-12 08:40:12

Trois ans après le séisme, Haïti reste meurtrie


Il y a trois ans jour pour jour, mardi 12 janvier 2010 peu après 17 h (heure locale), un séisme d'une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter a frappé Haïti, provoquant l’effondrement de dizaines de bâtiments dont le palais présidentiel et la cathédrale de Port au Prince. Quelques 250 000 personnes sont mortes et 1,5 million d'autres se sont retrouvées sans abris. Les pertes ont été estimées à 8 milliards de dollars.

Trois ans après le terrible tremblement de terre, l'aéroport de Port-au-Prince a été reconstruit, l'essentiel des gravats enlevé et plusieurs camps démantelés. Plus de 100 000 personnes aurait retrouvé un toit. Toutefois la reconstruction peine. 360.000 personnes vivent encore sous des tentes de fortune dans 496 campements. Les besoins humanitaires sont encore immenses. L'économie du pays, un des plus pauvres au monde, a de nouveau été durement touchée, en août 2012, par la tempête tropicale Isaac et en octobre dernier par l'ouragan Sandy dont les pluies impressionnantes ont dévasté champs et récoltes. Des dommages évalués à près de 175 millions de dollars.

L'Eglise ne veut pas qu'on oublie Haïti

Très active sur place, l’Église souhaite que l’on n’oublie pas Haïti, car « même dans les cas dramatiques, notre mémoire collective peut devenir terriblement oublieuse. Haïti, trois ans déjà ! », affirme le porte-parole des évêques de France, Mgr Podvin.

Mgr Stenger, évêque de Troyes et président de Pax-Christi France, et le père Lalire du pôle Amérique Latine de la Conférence des Evêques de France, ont passé les premiers jours de l’année à Haïti participant à la célébration du 1° Janvier, jour de la fête de l'indépendance nationale. « C’est un peuple éprouvé par le séisme que nous avons rencontré, séisme dont les traces sont loin d’être effacées. »

Michel Roy est le secrétaire général de Caritas Internationalis à Rome. Il revient sur les actions de l’ONG en terre haïtienne. Il est interrogé par Marie Duhamel RealAudioMP3

L'aide internationale a mobilisé près de 8 millards de dollars. Après le séisme, de nombreux pays ont appuyé en urgence les sinistrés et le pays, mais le soutien financier à Port-au-Prince tend à s’amenuiser avec les années, provoquant une dégradations des conditions de vie des personnes encore sans abris.

Le Canada, un des principaux bailleurs de fonds avec une aide de 1 milliard de dollars et où vivent de nombreux Haïtiens, a ainsi décidé la semaine dernière de geler tout versement à de nouveaux projets. « Notre aide ne sera pas un chèque en blanc », a averti le ministre canadien de la coopération, Julian Fantino, déplorant « la lenteur du développement en Haïti, principalement due aux institutions gouvernementales » et fustigé l'incapacité des Haïtiens à assurer leur propre gestion, jusqu'au ramassage des ordures, a-t-il dit.

L’Union européenne reste, elle, « déterminée à aider les Haïtiens dans le besoin et à soutenir le pays dans son processus de reconstruction », a affirmé la commissaire européenne chargée de l'aide humanitaire, Kristalina Georgieva. Depuis le séisme, l'UE a mobilisé 213 millions d'euros d'aide humanitaire dont un nouvel apport annoncé vendredi à hauteur de 30,5 millions d'euros destinés aux personnes encore sans abri depuis le séisme, aux victimes du choléra et aux personnes fortement touchées par le passage de l'ouragan Sandy.



Ci-dessous la lettre de Mgr Stenger, évêque de Troyes, et du père Luc Lalire du Pôle Amérique Latine, Conférence des Evêques de France


C'est un peuple éprouvé par le séisme que nous avons rencontré, séisme dont les traces sont loin d'être effacées. La Cathédrale de Port au Prince et les deux tiers des églises et des chapelles du diocèse sont encore en ruine. Nous avons célébré le jour de l'Indépendance avec Mgr Poulard, Archevêque de Port au Prince, dans sa cathédrale de « toile », au pied des ruines de l'autre cathédrale. Nous avons vu des personnes qui resteront marquées à vie par les nombreux traumatismes causés par ce séisme : physiques, psychologiques (la perte des proches, des amis, en grande quantité) et matériels : la disparition de quantité de maisons font que les camps sont encore nombreux. Les cyclones successifs dont « Sandy » est le dernier, détruisent l'économie haïtienne, particulièrement agricole. La situation politique actuelle n'est pas très brillante, et parfois on peut douter des élites dans la promotion du bien commun.

« Nous voulons vivre » !

Dans diverses célébrations, auxquelles nous avons pris part, nous avons ressenti le profond désir de vivre qui anime ce peuple !
Un désir fondé pour beaucoup sur sa foi.

Les rencontres nous ont fait mieux percevoir tout l'effort de construction qu'il a fallu fournir pour arriver à se remettre debout, à aider d'autres à lever la tête. Les sœurs de la Sagesse, nous ont raconté les efforts consentis pour redémarrer au plus vite la scolarité peu après le séisme : elles avaient à relever un lycée-collège de 1500 élèves. Elles ont accepté de vivre elles-mêmes dans des conditions matérielles très précaires pour pouvoir au plus vite achever un grand bâtiment destiné à accueillir les élèves du secondaire. Comme elles, beaucoup d'autres ont fait des efforts pour poursuivre leur travail, et permettre à d'autres de reprendre vie. Pour toutes ces communautés, l'engagement pour l'éducation est le gage essentiel de la construction de l'avenir du pays.

Visitant les français en mission d'Eglise présents sur l'ile de bien des façons, nous mesurons avec eux tous les progrès accomplis depuis le fatidique 12 Janvier 2010. Ils nous disent que le travail accompli est immense. Engagés avec les Haïtiens dans ce processus, ils sont les témoins actifs de cette « reconstruction » qui n'est pas seulement celle des bâtiments. Les Caritas ont collaboré à un effort de construction de « villages » où le souci du vivre ensemble « communautaire » fait partie du projet initial. Le grand séminaire, qui compte plus de 250 séminaristes pour tout le pays, est en train de passer à une nouvelle étape grâce à l'apport des Pères de St Jacques, pour sortir les séminaristes des tentes dans lesquelles ils vivent depuis 2010 ! Et notre liste d'exemples n'est pas exhaustive.

Au terme de ce séjour nous voulons dire à notre Eglise de France ainsi qu'aux bonnes volontés : « N'oublions pas Haïti ! » Il faut rester solidaires en soutenant les efforts déjà entrepris, au moment où la tentation d'abandonner est forte parce qu'on a l'impression que « rien ne bouge » ou parce que d'autres sujets de préoccupations ont pris le dessus. Or, tant d'hommes et de femmes, de prêtres et de religieux et religieuses, de volontaires laïcs, sont engagés dans cet effort colossal de reconstruction : encourageons-les ! Le processus est lent certes, mais il est bien là. Écoutons ce cri de séminaristes rencontrés. Alors que nous leur disions notre joie du 1° Janvier « Haïti vit ! », ils répondirent en chœur : « Nap viv ! » (Nous vivons).

Port-au-Prince, HAÏTI, le 6 Janvier 2013

+ Mgr Marc STENGER, évêque de Troyes
P. Luc LALIRE, Pôle Amérique Latine, Conférence des Evêques de France








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