Il y a trois ans jour pour jour, mardi 12 janvier 2010 peu après 17 h (heure locale),
un séisme d'une magnitude de 7 sur l'échelle de Richter a frappé Haïti, provoquant
l’effondrement de dizaines de bâtiments dont le palais présidentiel et la cathédrale
de Port au Prince. Quelques 250 000 personnes sont mortes et 1,5 million d'autres
se sont retrouvées sans abris. Les pertes ont été estimées à 8 milliards de dollars.
Trois ans après le terrible tremblement de terre, l'aéroport de Port-au-Prince
a été reconstruit, l'essentiel des gravats enlevé et plusieurs camps démantelés. Plus
de 100 000 personnes aurait retrouvé un toit. Toutefois la reconstruction peine. 360.000
personnes vivent encore sous des tentes de fortune dans 496 campements. Les besoins
humanitaires sont encore immenses. L'économie du pays, un des plus pauvres au monde,
a de nouveau été durement touchée, en août 2012, par la tempête tropicale Isaac et
en octobre dernier par l'ouragan Sandy dont les pluies impressionnantes ont dévasté
champs et récoltes. Des dommages évalués à près de 175 millions de dollars.
L'Eglise
ne veut pas qu'on oublie Haïti
Très active sur place, l’Église souhaite
que l’on n’oublie pas Haïti, car « même dans les cas dramatiques, notre mémoire collective
peut devenir terriblement oublieuse. Haïti, trois ans déjà ! », affirme le porte-parole
des évêques de France, Mgr Podvin.
Mgr Stenger, évêque de Troyes et président
de Pax-Christi France, et le père Lalire du pôle Amérique Latine de la Conférence
des Evêques de France, ont passé les premiers jours de l’année à Haïti participant
à la célébration du 1° Janvier, jour de la fête de l'indépendance nationale. « C’est
un peuple éprouvé par le séisme que nous avons rencontré, séisme dont les traces sont
loin d’être effacées. »
Michel Roy est le secrétaire général de Caritas
Internationalis à Rome. Il revient sur les actions de l’ONG en terre haïtienne. Il
est interrogé par Marie Duhamel
L'aide
internationale a mobilisé près de 8 millards de dollars. Après le séisme, de nombreux
pays ont appuyé en urgence les sinistrés et le pays, mais le soutien financier à Port-au-Prince
tend à s’amenuiser avec les années, provoquant une dégradations des conditions de
vie des personnes encore sans abris.
Le Canada, un des principaux bailleurs
de fonds avec une aide de 1 milliard de dollars et où vivent de nombreux Haïtiens,
a ainsi décidé la semaine dernière de geler tout versement à de nouveaux projets.
« Notre aide ne sera pas un chèque en blanc », a averti le ministre canadien de la
coopération, Julian Fantino, déplorant « la lenteur du développement en Haïti, principalement
due aux institutions gouvernementales » et fustigé l'incapacité des Haïtiens à assurer
leur propre gestion, jusqu'au ramassage des ordures, a-t-il dit.
L’Union européenne
reste, elle, « déterminée à aider les Haïtiens dans le besoin et à soutenir le pays
dans son processus de reconstruction », a affirmé la commissaire européenne chargée
de l'aide humanitaire, Kristalina Georgieva. Depuis le séisme, l'UE a mobilisé 213
millions d'euros d'aide humanitaire dont un nouvel apport annoncé vendredi à hauteur
de 30,5 millions d'euros destinés aux personnes encore sans abri depuis le séisme,
aux victimes du choléra et aux personnes fortement touchées par le passage de l'ouragan
Sandy.
Ci-dessous la lettre de Mgr Stenger, évêque de Troyes, et
du père Luc Lalire du Pôle Amérique Latine, Conférence des Evêques de France
C'est un peuple éprouvé par le séisme que nous avons rencontré, séisme
dont les traces sont loin d'être effacées. La Cathédrale de Port au Prince et les
deux tiers des églises et des chapelles du diocèse sont encore en ruine. Nous avons
célébré le jour de l'Indépendance avec Mgr Poulard, Archevêque de Port au Prince,
dans sa cathédrale de « toile », au pied des ruines de l'autre cathédrale. Nous avons
vu des personnes qui resteront marquées à vie par les nombreux traumatismes causés
par ce séisme : physiques, psychologiques (la perte des proches, des amis, en grande
quantité) et matériels : la disparition de quantité de maisons font que les camps
sont encore nombreux. Les cyclones successifs dont « Sandy » est le dernier, détruisent
l'économie haïtienne, particulièrement agricole. La situation politique actuelle n'est
pas très brillante, et parfois on peut douter des élites dans la promotion du bien
commun.
« Nous voulons vivre » !
Dans diverses célébrations,
auxquelles nous avons pris part, nous avons ressenti le profond désir de vivre qui
anime ce peuple ! Un désir fondé pour beaucoup sur sa foi.
Les
rencontres nous ont fait mieux percevoir tout l'effort de construction qu'il a fallu
fournir pour arriver à se remettre debout, à aider d'autres à lever la tête. Les sœurs
de la Sagesse, nous ont raconté les efforts consentis pour redémarrer au plus vite
la scolarité peu après le séisme : elles avaient à relever un lycée-collège de 1500
élèves. Elles ont accepté de vivre elles-mêmes dans des conditions matérielles très
précaires pour pouvoir au plus vite achever un grand bâtiment destiné à accueillir
les élèves du secondaire. Comme elles, beaucoup d'autres ont fait des efforts pour
poursuivre leur travail, et permettre à d'autres de reprendre vie. Pour toutes ces
communautés, l'engagement pour l'éducation est le gage essentiel de la construction
de l'avenir du pays.
Visitant les français en mission d'Eglise présents
sur l'ile de bien des façons, nous mesurons avec eux tous les progrès accomplis depuis
le fatidique 12 Janvier 2010. Ils nous disent que le travail accompli est immense.
Engagés avec les Haïtiens dans ce processus, ils sont les témoins actifs de cette
« reconstruction » qui n'est pas seulement celle des bâtiments. Les Caritas ont collaboré
à un effort de construction de « villages » où le souci du vivre ensemble « communautaire
» fait partie du projet initial. Le grand séminaire, qui compte plus de 250 séminaristes
pour tout le pays, est en train de passer à une nouvelle étape grâce à l'apport des
Pères de St Jacques, pour sortir les séminaristes des tentes dans lesquelles ils vivent
depuis 2010 ! Et notre liste d'exemples n'est pas exhaustive.
Au terme
de ce séjour nous voulons dire à notre Eglise de France ainsi qu'aux bonnes volontés
: « N'oublions pas Haïti ! » Il faut rester solidaires en soutenant les efforts déjà
entrepris, au moment où la tentation d'abandonner est forte parce qu'on a l'impression
que « rien ne bouge » ou parce que d'autres sujets de préoccupations ont pris le dessus.
Or, tant d'hommes et de femmes, de prêtres et de religieux et religieuses, de volontaires
laïcs, sont engagés dans cet effort colossal de reconstruction : encourageons-les
! Le processus est lent certes, mais il est bien là. Écoutons ce cri de séminaristes
rencontrés. Alors que nous leur disions notre joie du 1° Janvier « Haïti vit ! »,
ils répondirent en chœur : « Nap viv ! » (Nous vivons).
Port-au-Prince,
HAÏTI, le 6 Janvier 2013
+ Mgr Marc STENGER, évêque de Troyes P.
Luc LALIRE, Pôle Amérique Latine, Conférence des Evêques de France