Le président syrien Bachar al-Assad a proposé dimanche un plan "politique" impliquant
son maintien au pouvoir, une solution aussitôt rejetée par l'opposition, exigeant
son départ comme préalable à toute solution au conflit sanglant qui déchire le pays
depuis 21 mois. Dans sa première allocution en sept mois, M. Assad s'est montré
inflexible, assurant encore une fois que le conflit qui a fait, selon l'ONU, plus
de 60.000 morts, n'opposait pas le pouvoir et l'opposition mais "la patrie et ses
ennemis" qui souhaitent sa partition.Le discours de M. Assad a provoqué les réactions
outrées de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne et des Etats-Unis, Londres dénonçant
son "hypocrisie", Washington estimant qu'il est "déconnecté de la réalité".
Bachar
Al Assad dit ne pas trouver de "partenaire" pour dialoguer
Devant un parterre
de partisans réunis à la maison de la culture et des arts, M. Assad a appelé à un
dialogue pour lequel il a affirmé ne pas avoir trouvé jusqu'à présent de "partenaire". Depuis
qu'a éclaté en mars 2011 une révolte populaire devenue guerre civile, Damas affirme
combattre des "terroristes" armés et financés par l'étranger. Refusant de négocier
avec "des gangs qui prennent leurs ordres de l'étranger", M. Assad a proposé un plan
en trois étapes qui commencera par un engagement des pays finançant les "terroristes"
"à arrêter". Aussitôt après, l'armée cessera ses opérations, a-t-il promis, "tout
en conservant le droit de répliquer". Dans ces conditions seulement s'ouvrira "une
conférence de dialogue national", a-t-il poursuivi.
Cette conférence devra
rédiger une "Charte nationale" qui sera soumise à référendum, tandis qu'un nouveau
Parlement et un nouveau gouvernement émergeront des urnes. Toute transition doit
"se faire selon les termes de la Constitution", a-t-il insisté, en faisant référence
à des élections. Samedi, le quotidien libanais pro-syrien Al-Akhbar affirmait que
M. Assad posait comme condition sine qua non la possibilité pour lui d'être candidat
à sa propre succession en 2014.
L'opposition rejette toute idée de discussion
avant le départ de Assad
Mais l'opposition a aussitôt rejeté ce plan, dont
aucune échéance n'est précisée, accusant le chef d'Etat de vouloir choisir ses interlocuteurs
et de chercher à se maintenir au pouvoir. Le porte-parole de la Coalition de l'opposition,
Walid al-Bounni, a affirmé que l'opposition souhaitait "une solution politique, mais
l'objectif pour les Syriens est de sortir (M. Assad) et ils ont déjà perdu pour cela
plus de 60.000 martyrs (...) ils n'ont pas fait tous ces sacrifices pour permettre
le maintien du régime tyrannique".
Alors que M. Assad a présenté pour la première
fois une feuille de route aussi détaillée pour une sortie de crise, les Frères musulmans
syriens, importante force d'opposition, ont estimé dans un communiqué que ce plan
ne représentait "rien", qualifiant le dirigeant de "criminel de guerre devant être
jugé". Le président égyptien Mohamed Morsi a déclaré à la chaîne de télévision CNN
qu'il soutenait l'appel du peuple syrien pour faire juger le président Assad pour
crimes de guerre, tout en prédisant que le régime au pouvoir à Damas allait tomber.
L'Union
Européenne, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis condamnent le discours
d'Assad
Sur Twitter, le chef de la diplomatie britannique, William Hague,
a estimé que les "vaines promesses de réformes" de M. Assad "ne trompent personne",
estimant que le discours du président allait "au-delà de l'hypocrisie". Berlin
a regretté qu'il n'exprime "aucune nouvelle prise de conscience". Pour Washington,
le discours de M. Assad "est une nouvelle tentative du régime pour s'accrocher au
pouvoir (...). Son initiative est déconnectée de la réalité", selon la porte-parole
de la diplomatie, Victoria Nuland.
L'Union européenne l'a exhorté à se retirer
pour permettre "une transition politique". Sur le terrain, au moins 78 personnes,
dont 36 civils, 22 rebelles et 20 soldats ont trouvé la mort dimanche, selon un bilan
provisoire de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). M. Assad avait
prononcé son dernier discours le 3 juin devant le Parlement, et s'était depuis exprimé
dans des médias turc puis russe, martelant à chaque fois que son pays faisait face
"à une véritable guerre menée de l'étranger" et se posant comme un rempart contre
le "terrorisme". Son discours intervient alors que le ballet diplomatique semble
s'intensifier depuis quelques semaines, notamment dans la région. (AFP)