Benoît XVI :"Dans la lutte pour la famille, l'être humain lui-même est en jeu"
Comme chaque année à quelques jours de la fête de Noël, le Pape a reçu les membres
du Collège cardinalice, les représentants de la Curie romaine et du Gouvernorat. L’occasion
pour Benoît XVI d’attirer l’attention sur les moments saillants de la vie de l’Eglise
pour l’année écoulée. Le Pape a ainsi rappelé ses voyages au Mexique et à Cuba. Au
Mexique, la visite s’est déroulée avec en arrière-plan les problèmes d’un pays qui
souffre de multiples formes de violence et des difficultés d’une dépendance économique.
Et Cuba, soulignait le Pape, où une nouvelle organisation du rapport entre contraintes
et liberté ne peut assurément pas réussir sans une référence aux valeurs de l’Evangile.
Le
Pape, pour cette année 2012, mentionnait aussi la grande Fête de la Famille à Milan
et sa visite au Liban avec la remise de l’Exhortation apostolique post-synodale, feuille
de route indispensable sur les difficiles chemins de l’unité et de la paix. Le dernier
événement important de cette année qui s’achève a été le Synode sur la Nouvelle Évangélisation
qui a été en même temps un commencement communautaire de l’Année de la Foi, pour commémorer
l’ouverture du Concile Vatican II, il y a cinquante ans, pour le comprendre et l’assimiler
de nouveau dans une situation changeante.
Avec toutes ces occasions, soulignait
Benoît XVI , on a abordé des thèmes fondamentaux pour la société d’aujourd’hui. La
famille, le service de la paix dans le monde et le dialogue interreligieux, sans oublier
l’annonce de l’Evangile.
Compte-rendu de Bernard Decottignies
C’est
sur la famille que le Pape a décidé surtout de parler. La crise qui – particulièrement
dans le monde occidental – la menace jusque dans ses fondements est incontestable,
nous dit Benoît XVI, pour qui la question de la famille n’est pas seulement celle
d’une forme sociale déterminée, mais celle de la question de l’être humain lui-même
– de la question de ce qu’est l’être humain et de ce qu’il faut faire pour être de
façon juste une personne humaine. Et de citer alors le Grand Rabbin de France, Gilles
Bernheim, et son traité qui a eu un large écho pour avoir abordé cette question des
attaques à l’authentique forme de la famille. Un père, une mère et l’enfant. Avec
la théorie du gender, présentée comme une nouvelle philosophie de la sexualité. La
profonde fausseté de cette théorie et de la révolution anthropologique qui y est sous-jacente,
est évidente, rappelle le Pape.
L’homme et la femme sont contestés dans leur
exigence qui provient de la création, étant des formes complémentaires de la personne
humaine. Cependant, si la dualité d’homme et de femme n’existe pas comme donné de
la création, alors la famille n’existe pas non plus comme réalité établie à l’avance
par la création. Mais en ce cas aussi l’enfant a perdu la place qui lui revenait jusqu’à
maintenant et la dignité particulière qui lui est propre. Bernheim, ajoute le Pape,
montre comment, de sujet juridique indépendant en soi, il devient maintenant nécessairement
un objet, auquel on a droit et que, comme objet d’un droit, on peut se procurer.
Là où la liberté du faire devient la liberté de se faire soi-même, on parvient nécessairement
à nier le Créateur lui-même. Dans la lutte pour la famille, l’être humain lui-même
est donc en jeu.
Le dialogue, avec les Etats, la société, les autres religions
Deuxième
grand thème abordé par le Pape : la question du dialogue et de l’annonce de l’Evangile.
Pour l’Église de notre temps, Benoît XVI voit surtout trois domaines de dialogue dans
lesquels elle doit être présente : le dialogue avec les États, le dialogue avec la
société – qui inclut le dialogue avec les cultures et la science – et, enfin, le dialogue
avec les religions. Dans tous ces dialogues, l’Église parle à partir de la lumière
que lui offre la foi. Dans le dialogue avec l’État et avec la société, l’Église n’a
certainement pas de solutions toute faites à chaque question. Avec les autres forces
sociales, elle luttera en faveur des réponses qui correspondent le plus à la juste
mesure de l’être humain. Elle doit défendre avec la plus grande clarté ce qu’elle
a identifié comme valeurs fondamentales, constitutives et non négociables, de l’existence
humaine. Elle doit faire tout son possible pour créer une conviction qui ensuite puisse
se traduire en action politique.
Quant au dialogue des religions il est une
condition nécessaire pour la paix dans le monde, et il est par conséquent un devoir
pour les chrétiens comme aussi pour les autres communautés religieuses. Dialogue de
la vie, du partage pratique, de la cohabitation et de la responsabilité commune pour
la société, pour l’État, pour l’humanité. En cela, on doit apprendre à accepter l’autre
dans sa diversité d’être et de pensée.
Pour l’essence du dialogue interreligieux,
deux règles sont aujourd’hui généralement considérées comme fondamentales, rappelle
le Pape. Le dialogue ne vise pas la conversion, mais bien la compréhension. En cela,
il se distingue de l’évangélisation, de la mission. Conformément à cela, dans ce dialogue,
les deux parties restent consciemment dans leur identité, qu’elles ne mettent pas
en question dans le dialogue ni pour elles-mêmes ni pour les autres.
Ces règles
sont justes. Mais je pense que, sous cette forme, elles sont formulées trop superficiellement.
En ce qui concerne le fait de rester fidèle à sa propre identité, ce serait trop peu,
si par sa décision pour sa propre identité, le chrétien interrompait, pour ainsi dire,
de sa propre volonté, le chemin vers la vérité. Son être chrétien deviendrait alors
quelque chose d’arbitraire, un choix simplement factuel. Alors, évidemment, il ne
prendrait pas en compte que dans la religion on touche à la vérité.
Et le
Pape devait aussi brièvement aborder le thème de l'Annonce de l'Evangile. Brièvement
car le Pape, suite aux propositions du Synode sur la Nouvelle Evangélisation, en parlera
largement dans l'Exhortation post-synodale qu'il prépare.