Mohammed Morsi devait rencontrer lundi les membres du Conseil suprême de la justice.
Le président égyptien devait tenter de les amadouer pour mettre un terme à la crise
qu’il a provoqué le 22 novembre dernier quand qu’il s’est arrogé les pleins pouvoirs.
Déjà maître des pouvoirs exécutifs et législatifs, il doit en effet encore composer
avec les magistrats. Ces derniers lui font en effet peser une épée de Damoclès au-dessus
de la tête : ils doivent encore statuer sur un certain nombre de recours déposés par
l’opposition qui demandent la dissolution de l’assemblée constituante, dominée par
les islamistes. Ce que veut absolument éviter le président égyptien.
Mardi,
les opposants descendront dans la rue pour manifester contre Mohammed Morsi et exiger
le retrait des dispositions qu’il a prises. Fait nouveau, l’opposition est unie et
présente un front commun, ce qui pourrait contraindre le président à changer son fusil
d’épaule comme le note Stéphane Lacroix, professeur à Sciences Po Paris. Les Eglises
chrétiennes ont également manifesté leur inquiétude face à cette déclaration et face
à la tentative de la majorité islamique à l’Assemblée constituante d’imposer ses propres
vues sur la future constitution, comme l’a écrit l’évêque anglican d’Egypte, Mouneer
Hanna Anis.
Nouveau pharaon
Selon ses détracteurs et ses opposants,
Mohammed Morsi se prendrait pour un nouveau « pharaon ». Pour le chercheur, certes,
« il a déjà remplacé le procureur général qui était un ancien de l’époque Moubarak
» comme le réclamaient de nombreuses voix, mais « il est allé beaucoup plus loin qu’une
simple épuration du système judiciaire ». « Dans sa déclaration constitutionnelle,
il a affirmé que toutes ses décisions étaient à l’abris de toute contestation judiciaire,
ce qui vaut pour l’assemblée constituante mais aussi pour tous les décrets présidentiels.
En outre, de par l’article 6 de sa déclaration, il se réserve le droit de prendre
toute mesure d’exception pour protéger les acquis de la Révolution ». « Cela donne
à Morsi des pouvoirs illimités et une position hégémonique face aux trois pouvoirs
» en conclut Stéphane Lacroix.
Face aux juges, à l’opposition qui s’organise
et s’unit, Mohammed Morsi semble vouloir temporiser d’autant que les bailleurs de
fonds internationaux de l’Egypte pourraient faire pression sur lui. Le FMI et les
Etats-Unis n’apprécient guère que ces fameux acquis de la Révolution soient bafoués.
L’institution financière et Washington pourraient ainsi contraindre le président égyptien
à faire quelques pas en arrière et à le prendre au mot quand il dit que les dispositions
constitutionnelles qu’il a prises sont « temporaires ». Selon Stéphane Lacroix, «
cette pression internationale va compter beaucoup et peut-être autant que la pression
de la rue avec cette grande manifestation » prévue mardi.
Stéphane Lacroix
interrogé par Xavier Sartre
(Photo:
Place Tahrir, épicentre de la contestation )