Dossier : l’Alsace-Moselle, laboratoire du dialogue interreligieux en France
L’Islam vient bousculer la société française, les rapports que l’Etat entretient avec
les religions et le paysage confessionnel. Dans un pays très attaché à la laïcité,
l’expérience de l’Alsace-Moselle est singulière : les trois départements de la Moselle,
du Haut-Rhin et du Bas-Rhin sont toujours régis par le Concordat de 1802. Les trois
cultes reconnus, à savoir le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme, ont une
existence officielle et les prêtres, pasteurs et rabbins sont salariés par l’Etat.
Les pouvoirs publics y sont donc plus habitués à parler avec les représentants religieux,
et ces derniers à parler entre eux. En Alsace, l’arrivée des musulmans, mais aussi
d’orthodoxes ou de bouddhistes, amène l’Eglise catholique à revoir sa manière de dialoguer
avec des interlocuteurs plus ou moins nouveaux. « Les musulmans [récemment arrivés]
viennent de pays où il n’y a pas de séparation du culte et de l’Etat ; c’est ainsi
que la présence turque est encouragée par l’Etat turc qui va financer la construction
de mosquées ou une école de théologie coranique » souligne Mgr Grallet qui ajoute
que ces personnes viennent le plus souvent de pays où « les musulmans sont majoritaires
ou presque exclusivement majoritaires ». « Cela pose un problème d’expérience » poursuit
l’archevêque car le statut des autres religions y est différent de celui des religions
en France et de surcroît en Alsace-Moselle. Nécessité d’un dialogue sans angélisme Il
n’est pas question cependant, dans les relations que Mgr Grallet entretient avec les
musulmans, d’aborder ces différences et de traiter du statut des autres confessions
dans les pays musulmans. Mais le prélat prévient que dans l’avenir, il espère bien
que « l’on ne se voile pas la face et que les futurs accords internationaux « abordent
les questions de citoyenneté et de dialogue interreligieux ». Face aux bouleversements
dus aux évolutions du monde que connait la société française comme de nombreuses autres
sociétés, l’archevêque de Strasbourg reconnait que les catholiques d’Alsace « ont
le sentiment qu’ils se sentent dessaisis de leur identité, qu’ils ont l’impression
de ne plus se sentir chez eux ». C’est pourquoi Mgr Grallet insiste sur l’importance
« d’aider les gens à se connaitre, à s’apprécier et à construire un vivre-ensemble
qui soit digne ». Il appelle aussi les chrétiens et les catholiques en particulier
« à s’engager loyalement, d’une façon responsable et pas naïve dans le dialogue interreligieux
et à permettre de rappeler l’identité forte de la communauté catholique ». Mgr
Jean-Pierre Grallet, archevêque de Strasbourg au micro de Xavier Sartre (Photo: la cathédrale
de Strasbourg)