Chapelle Sixtine : la voûte de Michel-Ange fête ses 500 ans
Mercredi soir à 18heures, Benoît XVI célèbrera les Vêpres dans la Chapelle Sixtine,
pour commémorer le cinquième centenaire de l'achèvement des fresques de la Voûte par
Michel-Ange. Le 31 octobre 1512, le pape Jules II présidait des vêpres solennelles
de la Toussaint en la chapelle Sixtine, dont les fresques de la voûte venaient à peine
d’être achevées. Ces vêpres marquaient la conclusion d’un travail colossal, confié
quatre ans plus tôt à Michel-Ange Buonarotti. Cette œuvre-maîtresse de l’artiste florentin,
mesurant 40 mètres de long sur 13 mètres de large, représente neuf scènes centrales
inspirées de la Genèse, dont la plus célèbre reste l’iconique « création d’Adam ».
On connait aujourd’hui le chef-d’œuvre, mais l’histoire de cette voûte, c’est
avant tout celle de la confrontation entre deux hommes, Jules II, le pape-guerrier,
et Michel-Ange, l’un des plus grands génies de son temps.
Colin Lemoine
est historien de l’art et auteur de Michel-Ange, aux éditions
Fayard. Il est interrogé par Manuella Affejee:
Ci-dessous,
la traduction en langue française d'une tribune, publiée dans l'Osservatore Romano,
du directeur des Musées du Vatican
A l’occasion de cet anniversaire, le
quotidien du Saint-Siège donne la parole, dans son édition du 31 octobre, à Antonio
Paolucci, le directeur des musées du Vatican, dans lesquels se trouve la Chapelle
Sixtine. Il revient sur l’impact qu’eut chef-d’œuvre sur l’art à l’époque et assure
que «contrairement à ce qui est apparu dans certains médias, dans le court et le moyen
terme, l'adoption d'un numerus clausus (de visiteurs dans la Chapelle) ne sera pas
nécessaire».
Le 31 octobre 1512, le pape Jules II inaugurait la voûte
de la Chapelle Sixtine à peine achevée par Michel-Ange Antonio Paolucci,
directeur des musées du Vatican
Chaque jour, au moins dix mille personnes,
avec des pics de 20 000 dans les périodes de pointe d'afflux des touristes, entrent
dans la chapelle Sixtine. Ce sont des gens de toutes provenances, langues et cultures.
De toutes religions, ou sans religion. La Chapelle Sixtine est l'attraction fatale,
l'objet du désir, l'objectif essentiel pour le peuple international des musées, pour
les migrants de ce qu'on nomme «le tourisme culturel». En ce 31 octobre 1512,
quand Jules II inaugura avec la liturgie des vêpres la voûte de Michel-Ange, terminée
après un effort immense de quatre ans (1508-1512), le Pape ne pouvait pas imaginer
que de ces plus de mille mètres carrés de fresques allait déferler sur l'histoire
un violent torrent de montagne porteur de félicité, mais aussi de dévastation (?),
comme l'écrivait Woelfflin en 1899 avec une belle métaphore (, né à Winterthour le
24 juin 18641 et mort à Zurich le 19 juillet 1945, est un historien de l'art, écrivain
et professeur suisse). En effet, après la voûte, l'histoire de l'art en Italie
et en Europe changea radicalement. Rien ne serait plus jamais pareil. Avec la voûte,
a commencé cette saison de l'art que les manuels appellent «maniérisme». Le plafond
- écrit Giorgio Vasari - deviendra la lanterne servant à éclairer l'histoire des styles
pour de nombreuses futures générations d'artistes. Bien sûr, aujourd'hui, cinq
millions de visiteurs par an à l'intérieur de la chapelle Sixtine, vingt mille par
jour pendant les périodes de pointe, représentent un problème très difficile. La pression
anthropique, avec les poussières induites, avec l'humidité que les corps transportent
avec eux, avec le dioxyde de carbone produit par la transpiration, impliquent une
gêne pour les visiteurs et, à long terme, des dommages pour les peintures.
Nous
pourrions limiter l'accès, introduire un numerus clausus. Nous le ferons si la pression
du tourisme devait augmenter au-delà des limites raisonnables de tolérabilité, et
si nous ne pouvons pas résoudre le problème avec une efficacité adéquate. Mais, contrairement
à ce qui est apparu dans certains médias, je crois que dans le court et le moyen terme,
l'adoption d'un numerus clausus ne sera pas nécessaire. En attendant, il convient
de mettre en œuvre toutes les possibilités technologiques les plus avancées capables
de garantir l'élimination des poussières et des polluants, une ventilation rapide
et efficace, le contrôle de la température et de l'humidité. Giovanni Urbani (1925-1994,
critique d'art italien et directeur de l'Institut central de la restauration des œuvres
d'art), disait qu'il n'est pas donné à notre époque d'avoir un nouveau Michel-Ange.
Il nous est toutefois donné de maîtriser la technique qui nous permettra, si elle
est correctement appliquée, de préserver le Michel-Ange que l'histoire nous a confié,
dans les meilleures conditions et le plus longtemps possible.