Deux nouveaux Docteurs de l'Eglise proclamés par Benoît XVI
« La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne » : le coup
d’envoi de la XIII° assemblée générale ordinaire du Synode des évêques est donné,
en ce moment, à Rome. 50 ans après l’ouverture du Concile Vatican II, l’Eglise va
s’efforcer de trouver un nouveau dynamisme face aux défis du monde contemporain où
la sécularisation se répand dans les sociétés. Benoît XVI préside la première des
quatre grandes messes solennelles qui vont marquer la vie de l’Eglise à Rome, jusqu’au
28 octobre. En proclamant deux nouveaux Docteurs de l’Eglise, Hildegarde de Bingen
et Jean d’Avila, modèles d’évangélisation, le Pape a voulu donner un signal fort à
l’adresse des fidèles du monde entier.
Dans la douceur du mois d’octobre romain,
la célébration se déroule en plein air. Le Pape est entouré de plus de 400 concélébrants,
pères synodaux et collaborateurs, dont une cinquantaine de cardinaux et sept patriarches.
Les archevêques et évêques des Conférences épiscopales d'Allemagne et d'Espagne, pays
d'origine des nouveaux Docteurs de l'Eglise, sont présents. 220 prêtres ont été mobilisés
pour distribuer la communion.
L'Eglise compte désormais 35 Docteurs, dont
4 femmes.
C’est à la Pentecôte, le 27 mai, que le Pape avait annoncé son
intention de proclamer deux nouveaux Docteurs de l’Eglise à l’occasion de l’ouverture
du Synode des évêques. Benoît XVI avait alors souligné que ces deux grands témoins
de la foi vécurent à des époques et dans des contextes culturels très différents.
Hildegarde, une bénédictine vivant en plein Moyen Age allemand, fut un vrai maître
de théologie versée dans les sciences naturelles et la musique. Prêtre de la Renaissance
espagnole, Jean d’Avila prit part au renouveau culturel et religieux d'une Eglise
et d'une société parvenue au seuil des temps modernes.
Ci-dessous la traduction
intégrale de l’homélie que le Pape a prononcée le 7 octobre 2012 :
Vénérés
Frères, Chers frères et sœurs,
Avec cette concélébration solennelle, nous
inaugurons la XIII° Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, qui a pour
thème : La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne. Ce thème
répond à une orientation programmatique pour la vie de l’Église, de tous ses membres,
des familles, des communautés, et de ses institutions. Et cette perspective est renforcée
par la coïncidence avec le début de l’Année de la foi, qui aura lieu jeudi prochain,
11 octobre, à l’occasion du 50° anniversaire de l’ouverture du Concile Œcuménique
Vatican II. Je vous adresse ma cordiale et reconnaissante bienvenue à vous, qui êtes
venus former cette Assemblée synodale, particulièrement au Secrétaire Général du Synode
des Évêques et à ses collaborateurs. J’étends mon salut aux Délégués fraternels des
autres Églises et Communautés ecclésiales et à tous ceux qui sont ici présents, en
les invitant à accompagner par la prière quotidienne les travaux qui se dérouleront
dans les trois prochaines semaines. Les lectures bibliques qui forment la Liturgie
de la Parole de ce dimanche nous offrent deux principaux points de réflexion : le
premier sur le mariage, que j’aimerais aborder plus loin ; le second sur Jésus Christ,
que je reprends immédiatement. Nous n’avons pas le temps pour commenter le passage
de la Lettre aux Hébreux, mais au début de cette Assemblée synodale, nous devons accueillir
l’invitation à fixer le regard sur le Seigneur Jésus, « couronné de gloire et d’honneur
à cause de sa Passion et de sa mort » (He 2, 9). La Parole de Dieu nous place devant
le Crucifié glorieux, de sorte que toute notre vie, et particulièrement les travaux
de cette Assise synodale, se déroulent en sa présence et dans la lumière de son mystère.
L’évangélisation, en tout temps et en tout lieu, a toujours comme point central et
d’arrivée Jésus, le Christ, le Fils de Dieu (cf. Mc 1, 1) ; et le Crucifié est le
signe distinctif par excellence de celui qui annonce l’Évangile : signe d’amour et
de paix, appel à la conversion et à la réconciliation. Nous, les premiers, vénérés
Frères, gardons le regard du cœur tourné vers Lui et laissons-nous purifier par sa
grâce. Maintenant, je voudrais réfléchir brièvement sur la « nouvelle évangélisation
», en la mettant en rapport avec l’évangélisation ordinaire et avec la mission ad
gentes. L’Église existe pour évangéliser. Fidèles au commandement du Seigneur Jésus
Christ, ses disciples sont allés dans le monde entier pour annoncer la Bonne Nouvelle,
en fondant partout les communautés chrétiennes. Avec le temps, elles sont devenues
des Églises bien organisées avec de nombreux fidèles. À des périodes historiques déterminées,
la divine Providence a suscité un dynamisme renouvelé de l’activité évangélisatrice
de l’Église. Il suffit de penser à l’évangélisation des peuples anglo-saxons et des
peuples slaves, ou à la transmission de l’Évangile sur le continent américain, et
ensuite aux époques missionnaires vers les populations de l’Afrique, de l’Asie et
de l’Océanie. Sur cet arrière-plan dynamique, il me plaît aussi de regarder les deux
figures lumineuses que je viens de proclamer Docteurs de l’Église : Saint Jean d’Avila
et Sainte Hildegarde de Bingen. Dans notre temps, l’Esprit Saint a aussi suscité dans
l’Église un nouvel élan pour annoncer la Bonne Nouvelle, un dynamisme spirituel et
pastoral qui a trouvé son expression la plus universelle et son impulsion la plus
autorisée dans le Concile Vatican II. Ce nouveau dynamisme de l’évangélisation produit
une influence bénéfique sur deux « branches » spécifiques qui se développent à partir
d’elle, à savoir, d’une part, la missio ad gentes, c’est-à-dire l’annonce de l’Évangile
à ceux qui ne connaissent pas encore Jésus Christ et son message de salut ; et, d’autre
part, la nouvelle évangélisation, orientée principalement vers les personnes qui,
tout en étant baptisées, se sont éloignées de l’Église, et vivent sans se référer
à la pratique chrétienne. L’Assemblée synodale qui s’ouvre aujourd’hui est consacrée
à cette nouvelle évangélisation, pour favoriser chez ces personnes, une nouvelle rencontre
avec le Seigneur, qui seul remplit l’existence de sens profond et de paix ; pour favoriser
la redécouverte de la foi, source de grâce qui apporte la joie et l’espérance dans
la vie personnelle, familiale et sociale. Évidemment, cette orientation particulière
ne doit diminuer ni l’élan missionnaire au sens propre, ni l’activité ordinaire d’évangélisation
dans nos communautés chrétiennes. En effet, les trois aspects de l’unique réalité
de l’évangélisation se complètent et se fécondent réciproquement. Le thème du
mariage, qui nous est proposé par l’Évangile et la première Lecture, mérite à ce propos
une attention spéciale. On peut résumer le message de la Parole de Dieu dans l’expression
contenue dans le Livre de la Genèse et reprise par Jésus lui-même : « A cause de cela,
l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront
qu’une seule chair » (Gn 2, 24 ; Mc 10, 7-8). Qu’est-ce que cette Parole nous dit
aujourd’hui ? Il me semble qu’elle nous invite à être plus conscients d’une réalité
déjà connue mais peut-être pas valorisée pleinement : c’est-à-dire que le mariage
en lui-même est un Évangile, une Bonne Nouvelle pour le monde d’aujourd’hui, particulièrement
pour le monde déchristianisé. L’union de l’homme et de la femme, le fait de devenir
« une seule chair » dans la charité, dans l’amour fécond et indissoluble, est un signe
qui parle de Dieu avec force, avec une éloquence devenue plus grande de nos jours,
car, malheureusement, pour diverses raisons, le mariage traverse une crise profonde
justement dans les régions d’ancienne évangélisation. Et ce n’est pas un hasard. Le
mariage est lié à la foi, non pas dans un sens générique. Le mariage, comme union
d’amour fidèle et indissoluble, se fonde sur la grâce qui vient de Dieu, Un et Trine,
qui, dans le Christ, nous a aimés d’un amour fidèle jusqu’à la Croix. Aujourd’hui,
nous sommes en mesure de saisir toute la vérité de cette affirmation, en contraste
avec la douloureuse réalité de beaucoup de mariages qui malheureusement finissent
mal. Il y a une correspondance évidente entre la crise de la foi et la crise du mariage.
Et, comme l’Église l’affirme et en témoigne depuis longtemps, le mariage est appelé
à être non seulement objet, mais sujet de la nouvelle évangélisation. Cela se vérifie
déjà dans de nombreuses expériences, liées à des communautés et mouvements, mais se
réalise aussi de plus en plus dans le tissu des diocèses et des paroisses, comme l’a
montré la récente Rencontre Mondiale des Familles. Une des idées fondamentales
de la nouvelle impulsion que le Concile Vatican II a donnée à l’évangélisation est
celle de l’appel universel à la sainteté, qui, comme tel, concerne tous les chrétiens
(cf. Const. Lumen gentium, nn. 39-42). Les saints sont les vrais protagonistes de
l’évangélisation dans toutes ses expressions. Ils sont aussi, d’une manière particulière,
les pionniers et les meneurs de la nouvelle évangélisation : par leur intercession
et par l’exemple de leur vie, attentive à la créativité de l’Esprit Saint, ils montrent
aux personnes indifférentes et même hostiles, la beauté de l’Évangile et de la communion
dans le Christ, et ils invitent les croyants tièdes, pour ainsi dire, à vivre dans
la joie de la foi, de l’espérance et de la charité, à redécouvrir le « goût » de la
Parole de Dieu et des Sacrements, particulièrement du Pain de vie, l’Eucharistie.
Les saints et les saintes fleurissent parmi les missionnaires généreux qui annoncent
la Bonne Nouvelle aux non-chrétiens, traditionnellement dans les pays de mission et
actuellement en tout lieu où vivent des personnes non chrétiennes. La sainteté ne
connaît pas de barrières culturelles, sociales, politiques, religieuses. Son langage
– celui de l’amour et de la vérité – est compréhensible par tous les hommes de bonne
volonté et les rapproche de Jésus Christ, source intarissable de vie nouvelle. Maintenant,
arrêtons-nous un instant pour admirer les deux Saints qui ont été associés aujourd’hui
au noble rang des Docteurs de l’Église. Saint Jean d’Avila a vécu au XVI° siècle.
Grand connaisseur des Saintes Écritures, il était doté d’un ardent esprit missionnaire.
Il a su pénétrer avec une profondeur singulière les mystères de la Rédemption opérée
par le Christ pour l’humanité. Homme de Dieu, il unissait la prière constante à l’action
apostolique. Il s’est consacré à la prédication et au développement de la pratique
des sacrements, en concentrant sa mission sur l’amélioration de la formation des candidats
au sacerdoce, des religieux et des laïcs, en vue d’une réforme féconde de l’Église. Importante
figure féminine du XII° siècle, Sainte Hildegarde de Bingen a offert sa précieuse
contribution pour la croissance de l’Église de son temps, en valorisant les dons reçus
de Dieu et en se montrant comme une femme d’une intelligence vivace, d’une sensibilité
profonde et d’une autorité spirituelle reconnue. Le Seigneur l’a dotée d’un esprit
prophétique et d’une fervente capacité à discerner les signes des temps. Hildegarde
a nourri un amour prononcé pour la création ; elle a pratiqué la médecine, la poésie
et la musique. Et surtout, elle a toujours conservé un amour grand et fidèle pour
le Christ et pour l’Église. Le regard sur l’idéal de la vie chrétienne, exprimé
dans l’appel à la sainteté, nous pousse à considérer avec humilité la fragilité de
tant de chrétiens, ou plutôt leur péché – personnel et communautaire – qui représente
un grand obstacle pour l’évangélisation, et à reconnaître la force de Dieu qui, dans
la foi, rencontre la faiblesse humaine. Par conséquent, on ne peut pas parler de la
nouvelle évangélisation sans une disposition sincère de conversion. Se laisser réconcilier
avec Dieu et avec le prochain (cf. 2 Co 5, 20) est la voie royale pour la nouvelle
évangélisation. C’est seulement purifiés que les chrétiens peuvent retrouver la fierté
légitime de leur dignité d’enfants de Dieu, créés à son image et sauvés par le sang
précieux de Jésus Christ, et peuvent expérimenter sa joie afin de la partager avec
tous, avec ceux qui sont proches et avec ceux qui sont loin. Chers frères et sœurs,
confions à Dieu les travaux de l’Assise synodale, dans le vif sentiment de la communion
des Saints, en invoquant particulièrement l’intercession des grands évangélisateurs,
au nombre desquels nous voulons compter le Bienheureux Jean-Paul II, dont le long
pontificat a été aussi un exemple de nouvelle évangélisation. Nous nous mettons sous
la protection de la Bienheureuse Vierge Marie, Etoile de la nouvelle évangélisation.
Avec elle, invoquons une effusion spéciale de l’Esprit Saint ; que d’en-haut il illumine
l’Assemblée synodale et la rende fructueuse pour la marche de l’Église.