2012-09-26 15:40:07

Dossier : un médecin au coeur de la guerre en Syrie


Jacques Bérès est ce qu’on peut appeler un vétéran, un baroudeur. Mais pour la bonne cause. Chirurgien humanitaire, co-fondateur de Médecins sans frontières, Bérès est intervenu notamment au Vietnam, en Libye l’année dernière, et en Syrie. De retour d’une mission de quinze jours à Alep, -sa troisième en territoire syrien depuis le début du conflit-, où il officiait dans un hôpital de la « zone libérée », il raconte.

Des djihadistes aux côtés des rebelles


Cette mission diffère des précédentes, à plusieurs niveaux. Jacques Bérès a en effet travaillé cette fois dans un « vrai hôpital », pourvu de trois salles d’opération, de personnel plus ou moins qualifié et du matériel adéquat… ce qui n’était pas le cas auparavant.

Autre différence : la proximité de la ligne de front. Les blessés dont le chirurgien a s’est occupé étaient donc en très grande majorité des combattants de l’armée syrienne libre. Les civils, note-t-il, étaient calfeutrés chez eux, « rideaux de fer tirés » ; « à moins d’un tir ou d’un bombardement direct chez eux, ils étaient relativement à l’abri ».

« Et parmi ces combattants, révèle Bérès, il y avait un nombre, enfin, une proportion non négligeable de dhijadistes ». Des combattants étrangers, « qui avaient le bandeau vert ou noir, avec les versets du Coran », avec « le look salafiste », soit la moustache rasée et le collier de barbe. Venus du Mali, de Somalie, et d’autres pays arabes, ces combattants affirment certes, vouloir renverser le régime baassiste, mais parlent surtout de l’après-Assad, et de l’installation du Califat mondial. « J’ai vu un rouquin avec un accent londonien », raconte Bérès, « et aussi deux Français ». Peu loquaces, et assez méfiants, l’un deux, soigné par Bérès, lui a pourtant confié ses motivations : combattre Bachar Al-Assad, jusqu’à son départ, puis instaurer la Charia. « Il disait tout cela avec une voix très douce, très posée, les yeux illuminés…. C’était très impressionnant ».

Alep en situation de guerre


Certains témoignages parlent d’une crise alimentaire en Syrie, notamment à Alep, la plus grande ville du pays, située au nord. Bérès affirme ne pas en avoir connaissance. Il décrit cependant une guerre totale dans la ville, avec des combats violents, des quartiers détruits, des massacres de civils, bombardés par des avions de l’armée régulière, tandis qu’ils attendaient devant une boulangerie.

Le vétéran de 71 ans, qui a connu le Vietnam et la Libye, affirme n’avoir jamais connu une telle barbarie. « C’est un régime criminel », passé maître dans l’art de la perversion, rompu à la torture, aux enlèvements. Les avions de l’armée régulière bombardent les marchés, les hôpitaux clandestins, les pharmacies : « les habitants atteints d’une maladie chronique ne peuvent plus se soigner »…


« C’est une honte ! »


Jacques Bérès laisse exploser sa colère, lorsqu’on lui parle de la communauté internationale, et plus précisément de l’actuelle 67e Assemblée générale de l’ONU : « il n’y a aucune session extraordinaire sur la Syrie ! C’est terrorisant ! C’est une honte ! »,s’insurge-t-il. Et de prédire « si un régime salafiste vient à se mettre en place en Syrie, les occidentaux ne devront s’en prendre qu’à eux-mêmes ».


Arrêté à la frontière turque


Le chirurgien, quittant la Syrie, a choisi de passer par la Turquie. Il raconte que la frontière a été inondée, à dessein, par les militaires turcs à la frontière : « avec mon guide, on pataugeait dans 15 cm d’eau ». Arrêtés par les militaires, Bérès a ainsi passé 20 heures d’interrogatoire, avant de recevoir une amende de 500 euros (soit 1000 livres turques) pour passage illégal de la frontière, et un avertissement.

Le témoignage de Jacques Bérès, interrogé par Manuella Affejee : RealAudioMP3








All the contents on this site are copyrighted ©.