Homélie du Pape lors de la messe à Beyrouth le 16 septembre
Texte intégral de l'homélie du Saint-Père lors de la messe célébrée le dimanche
16 septembre sur le front de mer de Beyrouth
Chers frères et sœurs,
« Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! » (Ep 1, 3). Béni
soit-il en ce jour où j’ai la joie d’être ici avec vous, au Liban, pour remettre aux
Évêques de la région l’Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Medio Oriente
! Je remercie cordialement Sa Béatitude Bechara Boutros Raï pour ses aimables paroles
de bienvenue. Je salue les autres Patriarches et les Évêques des Églises orientales,
les Évêques latins des régions avoisinantes ainsi que les Cardinaux et les Évêques
venus d’autres pays. Je vous salue tous avec grande affection, chers frères et sœurs
du Liban et aussi des pays de toute cette région bien-aimée du Moyen-Orient, venus
célébrer, avec le successeur de Pierre, Jésus-Christ crucifié, mort et ressuscité.
J’adresse aussi mon salut déférent au Président de la République et aux Autorités
Libanaises, aux Responsables et aux membres des autres traditions religieuses qui
ont voulu être présents ce matin. En ce dimanche où l’Évangile nous interroge
sur la véritable identité de Jésus, nous voici transportés avec les disciples, sur
la route qui conduit vers les villages de la région de Césarée de Philippe. « Et vous,
que dites-vous ? pour vous qui suis-je ? » (Mc 8, 29) leur demande Jésus ? Le moment
choisi pour leur poser cette question n’est pas sans signification. Jésus se trouve
à un tournant déterminant de son existence. Il monte vers Jérusalem, vers le lieu
où va s’accomplir, par la croix et la résurrection, l’événement central de notre salut.
C’est aussi à Jérusalem, qu’à l’issue de tous ces événements, l'Église va naître.
Et lorsque, à ce moment décisif, Jésus demande d’abord à ses disciples « Pour les
gens, qui suis-je ? » (Mc 8, 27), les réponses qu’ils lui rapportent sont bien diverses
: Jean-Baptiste, Élie, un prophète ! Aujourd’hui encore, comme au long des siècles,
ceux qui, de multiples manières, ont trouvé Jésus sur leur route apportent leurs réponses.
Ce sont des approches qui peuvent permettre de trouver le chemin de la vérité. Mais,
sans être nécessairement fausses, elles restent insuffisantes, car elles n’accèdent
pas au cœur de l’identité de Jésus. Seul celui qui accepte de le suivre sur son chemin,
de vivre en communion avec lui dans la communauté des disciples, peut en avoir une
véritable connaissance. C’est alors que Pierre qui, depuis un certain temps, a vécu
avec Jésus, va donner sa réponse : « Tu es le Messie » (Mc 8, 29). Réponse juste sans
aucun doute, mais pourtant insuffisante, puisque Jésus ressent le besoin de la préciser.
Il entrevoit que les gens pourraient se servir de cette réponse pour des desseins
qui ne sont pas les siens, pour susciter de faux espoirs temporels sur lui. Il ne
se laisse pas enfermer dans les seuls attributs du libérateur humain que beaucoup
attendent. En annonçant à ses disciples qu’il devra souffrir, être mis à mort
avant de ressusciter, Jésus veut leur faire comprendre qui il est en vérité. Un Messie
souffrant, un Messie serviteur, et non un libérateur politique tout-puissant. Il est
le Serviteur obéissant à la volonté de son Père jusqu’à perdre sa vie. C’est ce qu’annonçait
déjà le prophète Isaïe dans la première lecture. Jésus va ainsi à l’encontre de ce
que beaucoup attendaient de lui. Son affirmation choque et dérange. Et on entend la
contestation de Pierre, qui lui fait des reproches, refusant pour son maître la souffrance
et la mort ! Jésus est sévère à son égard, et il fait comprendre que celui qui veut
être son disciple, doit accepter d’être serviteur, comme lui s’est fait Serviteur.
Se mettre à la suite de Jésus, c’est prendre sa croix pour l’accompagner sur son
chemin, un chemin incommode qui n’est pas celui du pouvoir ou de la gloire terrestre,
mais celui qui conduit nécessairement à se renoncer soi-même, à perdre sa vie pour
le Christ et l’Évangile, afin de la sauver. Car nous sommes assurés que ce chemin
conduit à la résurrection, à la vie véritable et définitive avec Dieu. Décider d’accompagner
Jésus Christ qui s’est fait le Serviteur de tous exige une intimité toujours plus
grande avec lui, en se mettant à l’écoute attentive de sa Parole pour y puiser l’inspiration
de nos actes. En promulguant l’Année de la foi, qui doit commencer le 11 octobre prochain,
j’ai voulu que chaque fidèle puisse s’engager de manière renouvelée sur ce chemin
de la conversion du cœur. Tout au long de cette année, je vous encourage donc vivement
à approfondir votre réflexion sur la foi pour la rendre plus consciente et pour fortifier
votre adhésion au Christ Jésus et à son Évangile. Frères et sœurs, le chemin sur
lequel Jésus veut nous conduire est un chemin d’espérance pour tous. La gloire de
Jésus se révèle au moment où, dans son humanité, il se montre le plus faible, particulièrement
lors de l’Incarnation et sur la croix. C’est ainsi que Dieu manifeste son amour, en
se faisant serviteur, en se donnant à nous. N’est-ce pas un mystère extraordinaire,
parfois difficile à admettre ? L’Apôtre Pierre lui-même ne le comprendra que plus
tard. Dans la deuxième lecture, saint Jacques nous a rappelé combien cette suite
de Jésus, pour être authentique exige des actes concrets. « C’est par mes actes que
je te montrerai ma foi » (Jc 2, 18). C’est une exigence impérative pour l’Église de
servir et pour les chrétiens d’être de vrais serviteurs à l’image de Jésus. Le service
est un élément fondateur de l’identité des disciples du Christ (cf. Jn 13, 15-17).
La vocation de l’Église et du chrétien est de servir, comme le Seigneur lui-même l’a
fait, gratuitement et pour tous, sans distinction. Ainsi, servir la justice et la
paix, dans un monde où la violence ne cesse d’étendre son cortège de mort et de destruction,
est une urgence afin de s’engager pour une société fraternelle, pour bâtir la communion
! Chers frères et sœurs, je prie particulièrement le Seigneur de donner à cette région
du Moyen-Orient des serviteurs de la paix et de la réconciliation pour que tous puissent
vivre paisiblement et dans la dignité. C’est un témoignage essentiel que les chrétiens
doivent rendre ici, en collaboration avec toutes les personnes de bonne volonté. Je
vous appelle tous à œuvrer pour la paix. Chacun à son niveau et là où il se trouve.
Le service doit encore être au cœur de la vie de la communauté chrétienne elle-même.
Tout ministère, toute charge dans l’Église, sont d’abord un service de Dieu et des
frères ! C’est cet esprit qui doit animer tous les baptisés, les uns à l’égard des
autres, notamment par un engagement effectif auprès des plus pauvres, des marginalisés,
de ceux qui souffrent, pour que soit préservée la dignité inaliénable de toute personne.
Chers frères et sœurs qui souffrez dans votre corps ou dans votre cœur, votre
souffrance n’est pas vaine ! Le Christ Serviteur se fait proche de tous ceux qui souffrent.
Il est présent auprès de vous. Puissiez-vous trouver sur votre route des frères et
des sœurs qui manifestent concrètement sa présence aimante qui ne saurait vous abandonner
! Soyez remplis d’espérance à cause du Christ ! Et vous tous, frères et sœurs,
qui êtes venus participer à cette célébration, cherchez à devenir toujours plus conformes
au Seigneur Jésus, lui qui s’est fait le Serviteur de tous pour la vie du monde. Que
Dieu bénisse le Liban, qu’il bénisse tous les peuples de cette région bien-aimée du
Moyen-Orient et leur fasse le don de sa paix. Amen.