Pro multis, au cœur du mystère eucharistique. L'éclairage du Père Lombardi
Après Pâques, Benoît XVI avait pris quelques jours de repos à la résidence pontificale
de Castelgandolfo, près de Rome. Il en a profité pour écrire dans sa propre langue,
l’Allemand, une longue lettre aux évêques allemands (qui l’ont publiée quelques jours
plus tard), pour les inviter à modifier la traduction du « pro multis » de la prière
eucharistique. Il s’agit de la traduction postconciliaire de la formule de consécration
du vin au cours de la messe. Le « pro multis » latin (« pour beaucoup ») a été traduit
en langue vernaculaire par « pour tous ». Un ajustement avait été demandé au début
de ce pontificat par la Congrégation pour le Culte divin, mais il n’avait pas eu un
vaste écho, les avis étant partagés dans l’Eglise à ce propos. L’épiscopat hongrois
a été le premier en 2009, à appliquer les retouches demandées. Les Chiliens, les Argentins,
les anglophones ont suivi. Les francophones ne sont pas concernés car ils ont adopté
après le Concile une formulation plus proche du texte latin «Pour vous et pour la
multitude ».
En vue de la parution prochaine d’une nouvelle traduction allemande
des livres liturgiques, le Pape a décidé d’intervenir personnellement. Sur un ton
fraternel mais ferme, il demande aux évêques germanophones une traduction plus fidèle
aux paroles prononcées par le Christ lors de l’institution de l’Eucharistie.
Dans
son éditorial hebdomadaire, le Père Federico Lombardi, directeur du Bureau de presse
du Saint-Siège, et de la radio et télévision vaticanes, explique pourquoi la traduction
« pour beaucoup », plus fidèle au texte de l’Evangile, est préférable à « pour tous
», qui visait à expliciter l’universalité du salut apporté par le Christ. Certains
pourraient penser que cette clarification linguistique ne s’adresse qu’à quelques
spécialistes raffinés. En réalité, elle permet de comprendre ce qui est important
pour le Pape et avec quelle attitude spirituelle il affronte ses priorités. Pour
Benoît XVI, explique le Père Lombardi, les paroles de l’institution de l’Eucharistie
sont absolument fondamentales : nous sommes au cœur de la vie de l’Eglise. Avec la
formule « pour beaucoup », Jésus s’identifie au Serviteur de Jahvé, annoncé par le
prophète Isaïe ; en répétant ces paroles, nous exprimons mieux une double fidélité
: notre fidélité à la parole de Jésus, et la fidélité de Jésus à l’Ecriture. Il ne
fait aucun doute que Jésus est mort pour le salut de tous, il faut l’expliquer aux
fidèles, mais il faut dans le même temps leur expliquer la signification profonde
des paroles de l’institution de l’Eucharistie. Le Seigneur se donne « pour vous et
pour beaucoup » : nous nous sentons directement concernés et dans notre gratitude
nous devenons responsables du salut promis à tous. Le Pape – qui avait déjà abordé
cette question dans son livre sur Jésus – nous donne un exemple de catéchèse, profond
et passionnant, sur une des formulations les plus importantes de la foi chrétienne.
Une leçon d’amour et de respect vécu pour la Parole de Dieu, de réflexion théologique
et spirituelle essentielle et de très haut niveau, pour vivre plus profondément l’Eucharistie.