Le spectre d'une guerre totale plane sur les deux Soudan
La tension ne faiblit pas entre les deux Soudan qui s’affrontent pour le contrôle
de la zone pétrolière contestée d’Heglig, laissant planer le spectre d'une guerre
totale entre Nord et Sud en guerre civile pendant des décennies jusqu'en 2005. Khartoum
et Juba ont renforcé leurs effectifs le long de leur frontière contestée, où d'intenses
combats les ont opposés depuis fin mars. L président soudanais Omar el-Béchir a
refusé de revenir à la table des négociations avec son voisin du Sud. Des localités
sud-soudanaises ont été visées par de nouveaux bombardement nocturnes de l’aviation
de Khartoum à proximité de la frontière. Selon la mission de l’ONU, les bombardements
ont aussi causé des dégâts importants aux infrastructures, notamment les installations
pétrolières. Le président du Soudan du Sud a décidé d’écourter sa visite en Chine.
Salva Kiir a accusé Khartoum d’avoir déclaré la guerre au Soudan du Sud. Pékin, qui
a d’importants investissements au Soudan, compte envoyer sur place son émissaire
spécial pour les affaires africaines afin de calmer le jeu entre les deux parties.
Interrogé par l’agence vaticane Fides, Mgr Lukudu Loro, archevêque de Juba,
capitale du Soudan du Sud, a exprimé sa vive préoccupation. La population - a-t-il
dit - ne veut pas la guerre mais elle a été déçue par l’attitude de l’ONU, de l’Union
africaine et de plusieurs pays occidentaux sur la question d’Heglig. Selon lui, leurs
déclarations prouvent qu’ils ne connaissent pas la situation. L’archevêque de Juba
estime qu’il est urgent de définir avec précision la frontière entre les deux Etats.
Les institutions internationales doivent intervenir. La partition du Soudan remonte
à juillet 2011.
********** A Khartoum comme à Juba la rhétorique semble
de plus en plus guerrière, ce qui inquiète la communauté internationale. La population
civile se retrouve la plupart du temps prise au piège entre le gouvernement nord soudanais
et les groupes rebelles du Sud. Ces tensions et ces mouvements de population, bien
souvent, ne font pas la une des médias. Quel est le terreau de cette escalade et comment
mieux comprendre les enjeux d’un conflit qui dure depuis un demi-siècle ? L’éclairage
de Marc Lavergne, chercheur au CNRS et spécialiste du Soudan Un entretien réalisé
par Olivier Bonnel
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Alors que les tensions entre les deux
Soudan sont toujours fortes, notamment dans les zones frontalières qui regorgent de
pétrole, d’autres sujets soulèvent l’inquiétude comme les violences et intimidations
dont sont victimes les chrétiens installés dans le Nord. Dernier épisode en date,
plusieurs centaines de musulmans ont incendié le week-end dernier l’église d’un centre
protestant à Khartoum, en scandant des paroles anti-sudistes. La politique des autorités
nord-soudanaises, qui appliquent la charia de façon de plus en plus rigoureuse, n’est,
hélas, pas nouvelle, comme nous le rappelle le père blanc Hubert Barbier, qui a crée
il y a 20 ans le Comité Vigilance Soudan. Il est interrogé par Olivier Bonnel