Cuba : deuxième étape du voyage apostolique de Benoît XVI
Les Cubains attendent Benoît XVI
Vous arrivez à Cuba pour la première fois
et vous découvrez un pays que vous semblez déjà connaître. Tellement d’images, tellement
d’idées dans la tête. Bien des gens y sont allés avant vous, vous ont raconté, vous
ont expliqué. Chacun y va de son analyse, Cuba est un sujet de discussion sans fin,
et souvent passionné, où la propagande et les idées reçues ont la peau dure. Certes
le pays ne laisse guère indifférent, il est l’un des derniers régimes communistes
au monde. Plus d’un demi-siècle que les Castro le dirigent, soufflant le chaud et
le froid d’une révolution «toujours en marche » depuis 1959. C’est du moins la rhétorique
du pouvoir qui , contraint et forcé par une situation économique calamiteuse, tente
depuis que Fidel a passé la main en 2006 à son frère Raul, de redresser la barre.
« Soit nous changeons de cap, soit nous coulons, déclarait en 2006 Raul Castro,
qui n’a de cesse depuis d’ intensifier le train des réformes économiques : petit à
petit, le gouvernement licencie les fonctionnaires et les pousse vers la libre entreprise.
Vaste chantier qui devrait à terme alléger la lourde machine de la fonction étatique
de 25% de ses effectifs. Parallèlement, on a ouvert au secteur privé quelques 178
petits métiers. Et les cubains peuvent donc désormais travailler « pour leur propre
compte ».
Plus d’un million de cubains, un dixième de la population est concernée.
Taxis, vendeurs ambulants, et surtout hôteliers sont les métiers les plus prisés.
Car le tourisme étant devenu le moteur d’une économie moribonde, les cubains ont officiellement
le droit d’ouvrir leurs maisons aux touristes. Et les Casas particulares fleurissent
un peu partout, sans oublier que les cubains peuvent aussi désormais vendre ou acheter
leurs appartements, et leurs voitures. Mythiques américaines branlantes et rafistolées
de toutes parts qui continuent d’ébahir le touriste lambda.
La liste est longue
des axes de réformes qui doivent sauver Cuba du naufrage, tout en conservant leurs
acquis sociaux -éducation et santé gratuites notamment-, et les fondements égalitaires
du système cubain. Plus facile à dire qu’à faire, défi schizophrène, dans un pays
où règne la double monnaie, un peso fort, le CUC et une véritable monnaie de singe,
le peso cubain. Et ou toute contestation frontale du régime est étouffée dans l’œuf.
Reste
aussi cet embargo américain qui pèse depuis 50 ans, lourdement, sur le quotidien,
condamné maintes fois par la communauté internationale, et par l’Eglise, un embargo
qui a obligé la population à devoir sans cesse se débrouiller, une véritable culture
de la survie où le maitre mot est : risolver. Résoudre.
Dans ce pays de la
débrouille, on vous vend des langueurs de salsa, on vous tente dans des vapeurs de
rhum et des volutes de cigares…Et sur les plages, le touriste est roi, prétendant
à sa carte postale. Mais Benoît XVI, 14 ans après la visite historique de Jean-Paul
II qui avait déjà à l’époque, favorisé une timide ouverture du pays, trouvera des
cubains toujours aussi inquiets des lendemains qui déchantent. Ils l’attendent, ils
savent que ce Pape lui aussi peut, à sa manière, donner un coup de pouce au processus
en cours. Et il ne sera pas de trop.
De La Havane, Bernard Decottignies pour
radio Vatican