2012-02-27 11:25:57

L’Union Africaine en transition pour un plus grand consensus


Que la réalité africaine soit complexe et diversifiée est un fait acquis. Comment en serait-il d’ailleurs autrement dès lors qu’il est question des désirs et aspirations d’un milliard d’individus en marche vers leur développement et la prise en main de leur destin! Le dernier sommet de l’Union Africaine à Addis-Abeba a traduit cette «diversité». A Radio Vatican et dans la mesure du possible, les rédactions africaines essayent de saisir les traits de cette complexité et de l’offrir sous forme d’éditorial. Cela ne les met pas à abri de prises de position discutables, sans toutefois que leur soit prêtée la volonté de mal faire. Sur le dernier sommet de l’Union Africaine et sur d’autres sujets capitaux, nous essayons de dire le bien qui devrait se substituer au mal et le mieux au bien. Nous le faisons avec les mots de nos sensibilités, elles-mêmes diverses.

Fin janvier dernier donc à Addis-Abeba, les représentants des Etats-membres ne se sont pas entendus sur le nom d’un président de la Commission et ils ont décidé de confier l’exécutif à un intérim. Il conduira les affaires courantes et préparera les modalités d’une élection plus consensuelle de son président au cours d’un sommet des Chefs d’Etat prévu au mois de juin prochain à Lilongwe (Malawi). La transition actuelle serait donc destinée à sortir d’une impasse et à se donner le temps de poursuivre la palabre pour débloquer les nœuds de la paralysie qui s’annonçait.

Les dossiers qui attendent l’organisation continentale resteront quelque peu en veilleuse, le temps de se trouver la modalité d’une sortie de crise. Sans doute six mois d’attente patiente sont-ils préférables à une précipitation qui ne résoudrait rien des impérieux défis du continent. Et les voix qui se sont inquiétées d’un intérim qui n’était pas prévu dans les textes auront eu le temps de se faire à l’idée que la démocratie se construit aussi dans la mesure, la concession, l’ajustement et l’adaptation aux réalités changeantes d’une Afrique elle-même en mutation forcément. L’idéal, on le sait, est toujours à atteindre.

Cette brèche dans les règles n’est donc que passagère même si elle révèle, à vrai dire, une faiblesse du système qui peut faire le jeu d’intervenants étrangers ou peu sensibles aux réelles préoccupations du continent. La faiblesse du mécanisme peut faciliter l’intrusion de structures dont les intentions et les modus operandi se trouveraient en porte-à-faux avec les vraies espérances de l’Afrique et sa culture. Et, donc, l’éloigneraient des solutions qui devraient impliquer les Africains eux-mêmes pour le bien commun.

En ne parvenant pas à s’entendre sur les noms des deux candidats en lice pour la présidence de la Commission : la ministre sud-africaine Nkosazana Dhlamini-Zuma et le Gabonais Jean Ping, président sortant, l’Afrique semble avoir cédé encore au poids de réalités qui, sans le dire, influent sur la cadence des temps sans que les Africains en donnent le tempo. Une Sud-africaine et un Gabonais n’incarnaient pas forcément des visions antagonistes: l’efficacité des uns et la diplomatie et le sens du compromis des autres, auraient eu tout à gagner d’un travail de concert.

Le sommet d’Addis-Abeba a révélé que les clivages, linguistiques ou historiques, restent d’un certain poids là où se prennent des décisions essentielles. Les Sud-africains avaient plaidé pour une alternance qui aurait vu arriver un anglophone à la suite des deux francophones qui ont été les successifs présidents de la Commission. Sans aller jusqu’à parler de ligne de fracture, francophones et anglophones ont joué chacun sa partition et, au final, il n’en est résulté aucun bénéfice probant. Déjà cette cacophonie n’avait pas permis à l’Afrique de se faire entendre et respecter à l’ONU et à l’OTAN quand s’y est décidé le sort du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, co-fondateur de l’UA à Syrte, sa ville natale.

Le sommet d’Addis-Abeba a mis en évidence le besoin d’un respect des règles pour une assise sûre de la démocratie et la prise en main souveraine du destin des Africains par eux-mêmes. Espérons qu’à peine installée dans les locaux flambants neufs d’un siège offert clé en main par la Chine (200 millions de dollars) le continent saura, en juin, se choisir en toute indépendance les personnalités qui agiront au mieux de sa souveraineté. De grands bouleversements, dont l’Afrique a d’ailleurs été le point de départ avec le fameux Printemps arabe, agitent le monde et sont offerts chaque jour au regard d’une jeunesse en quête d’idéal et de modèle. Il s’agit de ne pas décevoir ces espérances.

Lors de son voyage mémorable du mois de novembre dernier au Bénin, Benoît XVI avait eu des paroles fortes et directes ; elles ont le pouvoir prophétique de rester actuelles pour tous et en tous lieux «…Je lance un appel à tous les responsables politiques et économiques des pays africains et du reste du monde. Ne privez pas vos peuples de l’espérance! Ne les amputez pas de leur avenir en mutilant leur présent ! Ayez une approche éthique courageuse de vos responsabilités et, si vous êtes croyants, priez Dieu de vous accorder la sagesse ! Cette sagesse vous fera comprendre qu’étant les promoteurs de l’avenir de vos peuples, il faut devenir de vrais serviteurs de l’espérance.» En juin prochain à Lilongwe, l’Union Africaine aura intérêt à s’en souvenir pour le grand bien du peuple dont elle est l’instrument de service.

Albert Mianzoukouta (du Programme Français-Afrique)








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