2012-01-27 14:41:53

De Ouidah à Cuba, en passant par le Mexique : Benoît XVI sur la route des descendants d’africains…


La « Porte de Non-retour » et la « Porte du Pardon ». Elles sont à quelques mètres l’une de l’autre, entre la plage et la ville de Ouidah, qui a vu partir des millions d’africains enchaînés, et l’arrivée de l’Evangile par les missionnaires. Elles sont là pour rappeler le devoir de « dénoncer et combattre toute forme d’esclavage », disait Benoît XVI qui avait, en novembre dernier, choisi justement Ouidah, avec toute sa symbolique de souffrance et d’espérance, pour remettre aux évêques d’Afrique, à la Basilique de l’Immaculée Conception de Marie, l’exhortation apostolique « Africae Munus », soulignant que « l’Eglise en Afrique est appelée à promouvoir la paix et la justice » dans l’esprit de réconciliation qui vient de Dieu.
Le Pape était encore au Bénin lorsque fut annoncé son voyage, en mars prochain, au Mexique et à Cuba, deux des points d’atterrissage des millions d’africains par la Porte du Non-retour. Deux pays où se trouvent aujourd’hui une partie des quelque 300 millions de descendants d’africains répandus dans le monde, surtout dans les Amériques et les Caraïbes. Les Nations unies leur avaient dédié toute l’année 2011. Le but : « renforcer les actions nationales et la coopération régionale et internationale au bénéfice des personnes de descendance africaine » afin qu’elles puissent jouir de tous les droit humains, participer et intégrer tous les aspects de la vie sociale, et que soit promus « une plus grande connaissance et le respect de leur patrimoine culturel ». Les marques laissées par la « traite » transatlantique sont effectivement loin d’être effacées, et le racisme et la discrimination qui en découlent continuent à conditionner la vie des personnes de descendance africaine partout où elles se trouvent. «
La communauté internationale ne peut accepter que des communautés entières soient marginalisées en raison de la couleur de la peau », affirmait Ban Ki-moon, en appelant à des projets et des programmes d’activités conçus pour donner corps aux objectifs de l’Année internationale des Descendants d’Africains. Et les réponses dans cette direction n’ont pas manqué. A commencer par l’Onu elle-même avec le projet d’un monument imposant dans la salle à la mémoire des victimes de ce trafic criminel à travers les océans. Ensuite, de l’Angola au Brésil, du Gabon au Pérou, des séminaires, rencontres culturelles, études, rencontres au sommet, publications, mesures juridiques ou un plus grand effort de mettre en œuvre celles qui existent déjà… L’on a cherché d’attirer l’attention sur les injustices et les inégalités qui rendent difficile l’intégration et la montée sociale des descendants d’africains. Ceux-ci ont toutefois apporté une contribution immense à l’enrichissement, non seulement économique mais également humaine et culturelle, du monde. Il suffit de penser aux langues créoles, aux diverses expressions religieuses, au jazz ou au tango (pour le plus grand plaisir de beaucoup qui sont dans l’ignorance de leur origine dans les plantations du nouveau monde), où tout cela représentait pour l’esclave noir comme une forme de résistance à l’anéantissement physique, culturel et spirituel.
Reconnaître tous les obstacles raciaux à l’ouverture sociale des descendants d’africains, et y faire face de manière sérieuse, est non seulement un devoir moral pour tous, mais également une grande contribution à la paix, la justice et la réconciliation à l’échelle mondiale. Pour sa part, l’Afrique devra faire le maximum pour le développement intégral, de manière à avoir un effet positif sur ses descendants dans le reste du monde, que l’Union africaine a choisi d’appeler la « sixième région », dans une tentative de recueillir la grande énergie que la diaspora représente pour la construction de la Grande Afrique.
L’Eglise s’est résolument lancée dans ce processus. « Africae Munus », fruit de la réflexion des évêques sur le rôle de l’Eglise dans la promotion de la paix, la justice et la réconciliation dans le Continent, en est un exemple éloquent et en même temps un appel à l’Afrique à miser sur les énergies positives qu’elle possède pour se rendre utile au reste du monde : « L’Afrique, Bonne Nouvelle pour l’Eglise, le devient justement pour le monde entier », déclarait le Pape au Bénin.
Benoît XVI se rendra au Mexique pour le bicentenaire de l’indépendance des Pays latino-américains. Mais bien avant cet événement joyeux (l’indépendance), la rupture avec l’Espagne était souhaitée par les esclaves de l’actuel Angola, qui, au 17ème -18ème siècles, avaient cherché, en vain, de proclamer un royaume africain en terre mexicaine. Faisant le gros de la troupe dans l’armée, alors composée essentiellement d’esclaves, la présence africaine au Mexique s’est ensuite estompée. Aujourd’hui, cela nécessiterait peut-être une étude de l’ADN (déjà utilisée) pour en retrouver les traces dans la population. Cela n’est pas le cas de Cuba, où les descendants d’africains et leur apport culturel sont bien visibles. Selon la légende, un des leurs serait même parmi ceux qui ont vu dans la mer Notre Dame de la Charité de Cobre, et dont le jubilé aura valu à cette île importante des Caraïbes la visite du Pape. En effet, c’est précisément à El Cobre qu’il y a eu les premières révoltes des Noirs à Cuba à partir du 16ème siècle. A l’époque de la conquête de l’Afrique et de la traite négrière, l’Eglise, impuissante face au pouvoir des marchands, donna toutefois un signe positif, en demandant que les esclaves soient baptisés, et en rappelant, d’une certaine manière, qu’ils étaient des personnes et non des « choses », comme ils étaient classifiés en effet par l’infâme « Code Noir » promulgué en 1685 par Louis XIV.
Le Pape a à cœur le « chemin d’intégration » de l’Amérique latine et « son nouveau rôle de premier plan naissant dans le concert mondial », comme la recherche d’une saine liberté dont les peuples ont soif, et qui a gardé vivante la flamme de l’espérance dans l’âme de ces esclaves arrachés avec violence à la Mère Afrique, berceau de l’humanité.
Que cette intégration et ce nouveau rôle de premier plan ne se fasse pas sans eux, et que la bénédiction que le Pape apportera à toute l’Amérique latine les touche également.
Et que ce soutien, dans l’optique de la justice et de la paix pour tous, aide à parcourir de manière profonde les pistes tracées par l’Année internationale des Descendants d’Africains et du « Groupe de travail d’Experts sur les Personnes d’Ascendance africaine ». Selon ce groupe de travail, créé en 2001 suite à la Conférence de Durban sur la racisme, les défis majeurs que doivent affronter les descendants d’africains concernent leur représentation sociale et le traitement, souvent inique, dans les structures administratives de justice, d’éducation, de santé, de logement… Tout cela, selon la Doctrine sociale de l’Eglise, équivaut à des « structures de péché ». Que la visite du Pape contribue à les rendre plus humaines.
Dans l’ensemble, le bilan de l’Année internationale des Descendants d’Africains a été positif. Certains experts en voient un exemple dans la nomination de Susana Baca, une descendante d’africains, au poste de Ministre de la Culture au Pérou, justement en 2011, une expression positive des objectifs voulus par Ban Ki-moon avec la proclamation de l’Année internationale des Descendants d’Africains.
La balle est donc lancée, nous espérons que le jeu puisse continuer et attire sur lui plus d’attention qu’en 2011 bien que cette année ait été riche d’événements et de réflexions sur les personnes de descendance africaine. Un signe d’espérance vient peut-être du fait que le Brésil ait promis de réunir les fruits de ces réflexions et d’en publier plusieurs livres dans le cadre de la « Collection Savoir Plus », pour satisfaire la demande de matériel didactique dans l’aire de la culture afro-brésilienne.
Que Notre Dame de Guadalupe, Patronne de l’Amérique latine, veille sur tout cela.

(Maria Dulce Araújo ÉvoraProgramme Portugais/Afrique).







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