Epiphanie : les Mages amorcent le pèlerinage de l'humanité vers le Christ
Ce vendredi 6 janvier, l'Eglise célèbre la Solennité de l’Epiphanie, "une fête de
lumière" selon les mots du Pape. A cette occasion, Benoît XVI a présidé une messe
en la basilique Saint-Pierre, ordonnant deux nouveaux évêques et revenant sur les
traits essentiels du ministère épiscopal. Le reportage de Charles Le Bourgeois
Lors de l'Angélus,
le Pape est revenu sur le sens du cheminement des Mages, "inaugurant la marche des
peuples vers le Christ", "le pèlerinage de l'humanité vers Jésus".
Texte
intégral de l'homélie de Benoît XVI prononcée ce vendredi matin lors de la messe
Chers
Frères et Sœurs !
L’Épiphanie est une fête de la lumière. « Debout ! [Jérusalem]
Rayonne ! Car voici ta lumière et sur toi se lève la gloire du Seigneur » (Is 60,1).
Avec ces paroles du prophète Isaïe, l’Église décrit le contenu de la fête. Oui, Il
est venu dans le monde Celui qui est la vraie Lumière, Celui qui rend les hommes lumière.
Il leur donne le pouvoir de devenir enfants de Dieu (cf. Jn 1,9.12). Le voyage des
Mages d’Orient est pour la liturgie le début seulement d’une grande procession qui
continue tout au long de l’histoire. Avec ces hommes commence le pèlerinage de l’humanité
vers Jésus-Christ – vers ce Dieu qui est né dans une étable ; qui est mort sur la
croix et qui depuis sa résurrection demeure avec nous tous les jours jusqu’à la fin
du monde (cf. Mt 28,20). L’Église lit le récit de l’Évangile de Matthieu avec celui
de la vision du prophète Isaïe, que nous avons écouté dans la première lecture : le
voyage de ces hommes est seulement un commencement. D’abord étaient venus les bergers
– des âmes simples qui demeuraient au plus près du Dieu fait petit enfant et qui pouvaient
aller vers Lui plus facilement (cf. Lc 2,15) et Le reconnaître comme Seigneur. Mais
maintenant, viennent aussi les sages de ce monde. Viennent les grands et les petits,
les rois et les serviteurs, les hommes de toutes les cultures et de tous les peuples.
Les hommes d’Orient sont les premiers, suivis par tant d’autres, tout au long des
siècles. Après la grande vision d’Isaïe, la lecture tirée de la lettre aux Éphésiens
exprime la même réalité d’une façon très sobre et simple : les païens partagent le
même héritage (cf. Ep 3,6). Le Psaume 2 l’avait exprimé ainsi : « Je te donne les
nations pour héritage et pour domaine les extrémités de la terre » (Ps 2,8).
Les
Mages d’Orient précèdent. Ils inaugurent la marche des peuples vers le Christ. Durant
cette Messe je confèrerai l’Ordination épiscopale à deux prêtres, je les consacrerai
Pasteurs du peuple de Dieu. Selon les paroles de Jésus, précéder le troupeau fait
partie de la charge du Pasteur (Jn 10,4). Donc, dans ces personnages qui comme les
premiers païens trouvèrent le chemin vers le Christ, nous pouvons peut-être chercher
– malgré toutes les différences de vocations ou de fonctions – des indications regardant
la charge des Évêques. Quel genre d’hommes étaient-ils ? Les experts nous disent qu’ils
appartenaient à la grande tradition de l’astronomie qui à travers les siècles s’était
développée en Mésopotamie et y fleurissait encore. Cependant cette information seule
ne suffit pas. Il y avait peut-être de nombreux astronomes dans la Babylone antique,
mais seul ce petit nombre s’est mis en route et a suivi l’étoile en laquelle il avait
reconnu l’étoile de la promesse, celle qui indique la route vers le vrai Roi et Sauveur.
Ils étaient, pourrions-nous dire, des hommes de science, mais non seulement dans le
sens où ils voulaient connaître beaucoup de choses : ils voulaient davantage. Ils
voulaient comprendre ce qui compte dans l’être humain. Probablement avaient-ils entendu
parler de la prophétie du prophète païen Balaam : « Un astre issu de Jacob devient
chef et un sceptre se lève, issu d’Israël » (Nb 24,17). Ceux-ci approfondirent cette
promesse. C’étaient des personnes au cœur inquiet, qui ne se contentaient pas de ce
qui paraît et est habituel. C’étaient des hommes à la recherche de la promesse, à
la recherche de Dieu. Et c’étaient des hommes attentifs, capables de percevoir les
signes de Dieu, son langage discret et insistant. Mais c’étaient encore des hommes
à la fois courageux et humbles : nous pouvons imaginer qu’ils durent supporter quelques
moqueries parce qu’ils s’étaient mis en route vers le Roi des Juifs, affrontant pour
cela beaucoup de fatigue. Pour eux, ce que pensait d’eux celui-ci ou celui-là ou encore
les personnes influentes ou intelligentes, n’était pas déterminant. Pour eux, ce qui
comptait était la vérité elle-même, et non l’opinion des hommes. Pour cela ils affrontèrent
les renoncements et les fatigues d’un voyage long et incertain. Ce fut leur courage
humble qui leur permit de pouvoir s’incliner devant le petit enfant de gens pauvres
et de reconnaître en Lui le Roi promis dont la recherche et la reconnaissance avait
été le but de leur cheminement extérieur et intérieur.
Chers amis, comment
ne pas voir en tout cela quelques-uns des traits essentiels du ministère épiscopal
? L’Évêque lui aussi doit être un homme au cœur inquiet qui ne se contente pas des
choses habituelles de ce monde, mais suit l’inquiétude de son cœur qui le pousse à
s’approcher intérieurement toujours plus de Dieu, à chercher son Visage, à Le connaître
toujours mieux, pour pouvoir l’aimer toujours plus. L’Évêque doit être lui aussi un
homme au cœur vigilant qui perçoit le langage discret de Dieu et sait discerner le
vrai de l’apparent. L’Évêque encore doit être rempli du courage de l’humilité, qui
ne s’interroge pas sur ce que peut dire de lui l’opinion dominante, mais tire son
critère de mesure de la vérité de Dieu, et pour elle s’engage « opportune – importune
» à temps et à contre-temps. Il doit être capable d’ouvrir et d’indiquer la route.
Il doit marcher en avant, suivant Celui qui nous a tous précédés, parce qu’il est
le vrai Pasteur, l’étoile véritable de la promesse : Jésus-Christ. Et il doit avoir
l’humilité de s’incliner devant ce Dieu qui s’est rendu si concret et si simple qu’il
contredit notre stupide orgueil, qui ne veut pas voir Dieu aussi proche et aussi petit.
Il doit vivre l’adoration du Fils de Dieu fait homme, adoration qui lui indique toujours
à nouveau la route.
La liturgie de l’Ordination épiscopale interprète l’essentiel
de ce ministère en huit questions posées aux candidats à l’ordination, qui commencent
toujours par la parole : « Vultis ? – Voulez-vous ? ». Les questions orientent la
volonté et lui indiquent la route à prendre. Je voudrais ici mentionner brièvement
quelques unes des paroles-clés d’une telle orientation, dans lesquelles se concrétise
ce sur quoi nous avons réfléchi peu auparavant à partir des Mages de la fête d’aujourd’hui.
La charge des Évêques est de « predicare Evangelium Christi », « custodire » et «
dirigere », « pauperibus se misericordes praebere », « indesinenter orare ». Annoncer
l’Évangile de Jésus-Christ, précéder et conduire, garder le patrimoine sacré de notre
foi, la miséricorde et la charité envers les plus nécessiteux et les pauvres en qui
se reflète l’amour miséricordieux de Dieu pour nous et, pour finir, la prière continue
sont des caractéristiques fondamentales du ministère épiscopal. La prière continue
qui signifie ne jamais perdre contact avec Dieu, se laisser toujours toucher par Lui
dans l’intime de notre cœur et être ainsi envahis par sa lumière. Seul celui qui connaît
Dieu personnellement peut guider les autres vers Dieu. Seul celui qui guide les hommes
vers Dieu, les guide sur le chemin de la vie.
Le cœur inquiet, dont nous avons
parlé en nous reportant à saint Augustin, est le cœur qui, en fin de compte, ne se
contente de rien de moins que de Dieu et, précisément ainsi, devient un cœur qui aime.
Notre cœur est inquiet par rapport à Dieu et il le reste, même si aujourd’hui on s’efforce,
avec des « narcotiques » très efficaces, de libérer l’homme de cette inquiétude. Toutefois,
ce n’est pas seulement nous, les êtres humains, qui sommes inquiets par rapport à
l’égard de Dieu. Le cœur de Dieu est inquiet pour l’homme. Dieu nous attend. Il nous
cherche. Il n’est pas tranquille lui non plus tant qu’il ne nous a pas trouvés. Le
cœur de Dieu est inquiet, et c’est pour cela qu’il s’est mis en chemin vers nous –
vers Bethléem, vers le Calvaire, de Jérusalem à la Galilée et jusqu’aux confins du
monde. Dieu est inquiet à notre égard, il est à la recherche de personnes qui se laissent
gagner par son inquiétude, par sa passion pour nous. De personnes qui portent en elles
la recherche qui est dans leur cœur et, en même temps, qui se laissent toucher dans
leur cœur par la recherche de Dieu à notre égard. Chers amis, c’est la tâche des Apôtres
d’accueillir l’inquiétude de Dieu à l’égard de l’homme et de porter Dieu lui-même
aux hommes. Et c’est votre tâche sur les pas des Apôtres de vous laisser toucher par
l’inquiétude de Dieu afin que le désir de Dieu à l’égard de l’homme puisse être satisfait.
Les
Mages ont suivi l’étoile. À travers le langage de la création, ils ont trouvé le Dieu
de l’histoire. Certes, le langage de la création à lui-seul ne suffit pas. Seule la
Parole de Dieu, que nous rencontrons dans la Sainte Écriture, pouvait leur indiquer
de façon définitive la route. Création et Écriture, raison et foi doivent coexister
pour nous conduire au Dieu vivant. On a beaucoup discuté sur le genre d’étoile qu’était
celle qui avait guidé les Mages. On pense à une conjonction de planètes, à une Super
nova, c’est-à-dire à une de ces étoiles au départ très faible en qui une explosion
interne libère pendant un certain temps une immense splendeur, à une comète, etc.
Que les savants continuent de discuter ! La grande étoile, la véritable Super nova
qui nous guide, c’est le Christ lui-même. Il est, pour ainsi dire, l’explosion de
l’amour de Dieu, qui fait resplendir sur le monde le grand éclat de son cœur. Et nous
pouvons ajouter : les Mages d’Orient dont parle l’Évangile d’aujourd’hui, de même
que les saints en général, sont devenus eux-mêmes petit à petit des constellations
de Dieu, qui nous indiquent la route. En toutes ces personnes, le contact avec la
Parole de Dieu a, pour ainsi dire, provoqué une explosion de lumière, à travers laquelle
la splendeur de Dieu illumine notre monde et nous indique la route. Les saints sont
des étoiles de Dieu, par lesquelles nous nous laissons guider vers Celui auquel notre
cœur aspire. Chers amis, vous avez suivi l’étoile Jésus Christ, quand vous avez dit
votre « oui » au sacerdoce et au ministère épiscopal. Et des étoiles mineures ont
certainement brillé aussi pour vous, vous aidant à ne pas perdre la route. Dans les
litanies des Saints, nous invoquons toutes ces étoiles de Dieu, afin qu’elles brillent
toujours à nouveau pour vous et vous indiquent la route. En étant ordonnés Évêques,
vous êtes appelés à être vous aussi étoiles de Dieu pour les hommes, à les guider
sur la route vers la véritable lumière, vers le Christ. Prions donc à présent tous
les Saints afin que vous puissiez toujours accomplir votre tâche et montrer aux hommes
la lumière de Dieu. Amen