Andrea Riccardi : "les catholiques doivent être un aiguillon politique"
« La dernière chance. Pour une nouvelle génération de catholiques en politique ».
C’est le titre de l’ouvrage de Luca Diotallevi, politologue italien. Il le présentait
ce jeudi en compagnie de deux figures actuelles du catholicisme engagées en politique
: Lorenzo Ornaghi, ancien recteur de l’université catholique de Milan et ministre
de la culture ainsi qu’Andrea Riccardi, fondateur de la communauté de Sant’Egidio
et ministre de la coopération internationale. Quelle place souhaitent-ils pour les
catholiques sur la scène politique ? Olivier Tosseri a assisté au débat
Pas une réponse technique ni politique mais catholique à la crise. Avec un
texte de référence, « Caritas in Veritate » l’encyclique de Benoît XVI. C’est ce que
souhaiterait Luca Diotallevi dans son ouvrage pour qui « Il faut des réformes mais
il manque des réformateurs ». Les catholiques peuvent répondre à ce défi assurent
les deux ministres. Et pourtant le catholicisme, ou plutôt les catholicismes, qui
épousent l’ensemble de l’échiquier politique sont à la croisée des chemins. C’est
maintenant que les catholiques doivent montrer que leur envie de politique n’est pas
velléitaire mais réaliste. Pendant des décennies le parti démocrate chrétien était
une issue évidente, trop facile. Avec sa disparition il y a 20 ans et la diaspora
des catholiques dans tous les partis, la conférence épiscopale italienne est devenue
l’interlocutrice principale des gouvernements italiens. Les catholiques veulent aujourd’hui
faire entendre leur voix. Avec une exigence : ne pas dissocier leur engagement politique
de leur engagement spirituel. Un engagement au service du pays rendu indispensable
par la crise actuelle, profonde et multiforme, qu’il traverse et par la fragilité
de son système social. Pour Andrea Riccardi, les catholiques ont une responsabilité
vis-à-vis de la Nation. Ils la connaissent mieux que personne à travers leurs multitudes
d’associations au service des citoyens et leur énergie déployée sur l’ensemble du
territoire. Le poids social des catholiques est donc indéniable mais comment peser
sur les orientations politiques ? Par la renaissance d’une nouvelle DC ? Andrea Riccardi
n’y croit pas, l’Histoire ne se répète pas et les conditions sont différentes. Mais
plus qu’une force, les catholiques doivent être un aiguillon politique. Ils sont l’élément
principal de l’identité nationale et sont les plus à même d’expliquer le présent aux
italiens tout en leur donnant des perspectives d’avenir. Ils le feront en outre avec
leur tradition de modération, de synthèse, de dialogue. Mais cela ne se concrétisera
pas par un parti supplémentaire mais par plus de valeurs. L’Italie a aujourd’hui une
soif immense de politique et d’une culture politique rénovée, apaisée. Les catholiques
devraient être en mesure de l’épancher avec le souci de la cohésion nationale. Ils
l’ont déjà prouvé au sortir de la Seconde Guerre Mondiale et à l’époque des Années
de plomb. Aujourd’hui la crise est diverse mais la tache est tout aussi
écrasante. Le gouvernement technique actuellement en place est chargé de la surmonter.
Un gouvernement baptisé également « Gouvernement de Todi ». C’est dans cette ville
toscane que s’est tenu il y a un mois le forum de l’ensemble des associations catholiques.
Il avait scellé la fin du soutien à un Silvio Berlusconi discrédité par ses scandales
sexuels en souhaitant un gouvernement de responsabilité nationale dont les membres
seraient issus de la société civile. Un vœu devenu aujourd’hui réalité. Trois des
participants du forum de Todi sont désormais ministres : Corrado Passera, le bras
droit de Mario Monti, prend la tête d’un ministère renforcé du développement, des
infrastructures et des transports. Lorenzo Ornaghi quitte son poste de recteur de
l’université Catholique de Milan pour celui de ministre de la culture. Mais surtout
Andrea Riccardi, le fondateur de la Communauté de Sant’ Egidio, devient ministre à
la Coopération internationale et à l'Intégration. Ce gouvernement rassure l’électorat
catholique désemparé ces derniers temps. Il y a encore un mois, un électeur sur deux
ne savaient pas pour qui voter. Aujourd’hui, 88% des catholiques soutiennent le nouvel
exécutif qui n’est pas un prélude à une renaissance la Démocratie Chrétienne. Le nouveau
gouvernement est peuplé de technocrates catholiques et non de politiciens Démocrates-Chrétiens.
Peu importe. Pour l’Avvenire, le quotidien de la conférence épiscopale italienne,
comme pour beaucoup d’italiens, « La saison de l’espoir s’ouvre ».