Hôpitaux, opérations de prévention et de sensibilisation contre le Sida, financement
mutualiste des soins : les initiatives pleuvent, et témoignent, s’il en est, d’une
Eglise concrètement engagée au service de la santé, une priorité nationale en République
Démocratique du Congo.
La RDC compte parmi les Etats les plus vastes et les
plus peuplés du continent africain. Un pays à vif, marqué dans sa chair par des années
de dictature et de guerre civile sanglante. Ajouté à cela, une situation sanitaire
des plus préoccupantes, à laquelle l’Eglise consacre toute son énergie. Le diocèse
de Butembo Beni est un exemple probant de cet investissement ecclésial pour la santé. Couvrant
une superficie de 45 000 km2 -soit plus ou moins l’équivalent de la Suisse ou du Danemark-,
et abritant quelques 3 millions d’âmes, le diocèse de Butembo Beni se situe à l’extrême
nord de la province du Kivu. L’on y recense pas moins d’une soixantaine d’hôpitaux,
centres de santé, dispensaires, centres nutritionnels, instituts médicaux, orphelinats,
ainsi qu’une clinique universitaire, tous gérés par le BDOM (Bureau Diocésain des
Œuvres Médicales), et placés sous l’égide de l’Eglise catholique. Près de 38% des
habitants du diocèse sont pris en charge par ces structures médicales.
La promotion
de la santé reste en effet le cheval de bataille des autorités ecclésiastiques congolaises,
au vu des besoins criants que l’on peut constater dans le pays. Les taux de paludisme,
tuberculose, et malnutrition sont encore importants, tandis que le Sida, véritable
problème de santé publique, touche plus de 4% de la population. La lutte contre la
pandémie constitue donc, une priorité.
L’implication de l’Eglise dans cette
lutte se conçoit, bien évidemment, à l’aune des orientations pastorales du magistère,
-chasteté, abstinence et fidélité dans le couple-, tout en tenant compte des réalités
rencontrées sur le terrain.
On remarque en effet une triple évolution de l’épidémie.
Selon le rapport 2009 du ministère congolais de la santé, la tendance serait depuis
quelques temps à la juvénilisation, à la ruralisation, et à la féminisation du phénomène.
Le BDOM s’est donc engagé dans des missions d’information, et des actions de prévention
auprès des populations à risques, -particulièrement les 15-40 ans-, selon les directives
du programme national. Pour Sœur Mwamini, une des responsables du BDOM, il s’agit,
en amont, d’une sensibilisation à la nécessité du dépistage, et bien évidemment d’une
prise en charge spirituelle et psychologique des malades. « En 2010 , précise-t-elle,
ce ne sont pas moins de 928 malades qui ont été soignées au sein de ces structures
médicales, dont 244 hommes, 562 femmes et 122 enfants ».
Les cas de contamination
de mère à enfant focalisent toute l’attention du BDOM ; de nombreuses interventions
ont lieu en maternités, et l’on encourage les futures mères à accepter les tests de
dépistage lors des consultations prénatales. « Sur 5 634 femmes enceintes testées
en 2010, 29 ont été déclarées séropositives », rapporte Sœur Mwamini.Les
soins qui ont pu leur être prodigués ont ainsi permis aux nouveaux nés de ne pas être
contaminés. Des chiffres plus qu’encourageants, qu’il s’agit encore de faire progresser.
Les
projets se multiplient du côté du BDOM, même si l’Etat congolais reste le régulateur
en matière de santé, et élabore les règles sanitaires en vigueur, -un rôle qu’il semble
prendre de plus en plus à cœur, après que des années d’instabilité politique aient
considérablement entravé une coordination réelle et efficace de ses services. L’initiative
des mutuelles de santé, née de la conférence des évêques du Congo en 2008, et qui
en est encore à ses prémices, semble promis à un bel avenir.
Dans le diocèse
de Butembo Beni, la « mutuelle de solidarité pour la santé », portée par l’enthousiasme
et la conviction de l’évêque Mgr Melkisedech Sikuli Paluku, a été mise en place en
2010. Elle compte à ce jour 2 000 adhérents, payant chacun une cotisation annuelle
de 10 dollars. Mais, reconnait Sœur Mwamini, « un vrai travail d’éducation auprès
de la population reste à faire, sur la justesse et le bien-fondé d’un tel projet »
: le financement mutualiste doit être perçu comme un excellent moyen d’accéder à des
soins de qualité, mais surtout comme un véritable projet d’entraide et de solidarité.
(Manuella Affejee, à partir d’un entretien avec Sœur Mwamini)